Manifestation de soutien en faveur des « dé-jeûneurs » de Kabylie

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Déjeuné en public pour protester contre l'islamisation rampante en Kabylie
Déjeuné en public pour protester contre l'islamisation rampante en Kabylie

Pour avoir mangé et bu de l’eau le 12 août dernier, en plein ramadan, deux chrétiens de Kabylie, en Algérie, risquent trois ans de prison ferme.

Hocine Hocini et Salem Fellak, deux ouvriers du bâtiment de la vile d’Ain El-Hammam (ex-Michelet), en Kabylie, ont été arrêtés par la police alors qu’ils déjeunaient sur leur chantier.

Les deux hommes, de confession chrétienne, sont comparus le mardi 21 septembre devant le tribunal d’Ain El-Hamman. En vertu de l’article 144 bis du Code pénal algérien qui prévoit de punir quiconque « offense le Prophète et les Envoyés de Dieu ou dénigre le dogme ou les préceptes de l’islam », le procureur a requis une peine de trois ans de prison ferme contre les deux ouvriers. Le verdict, mis en délibéré, sera rendu le 5 octobre prochain.

Lors du procès, des dizaines de manifestants se sont rassemblés devant le tribunal pour exprimer leur soutien aux deux dé-jeûneurs et défendre la liberté de culte. Le ministère algérien des Affaires religieuses estime à 11 000 le nombre de chrétiens vivant en Algérie. Un chiffre sous-estimé, selon les représentants de la communauté chrétienne locale.

« Dans ce cas, pourquoi ne pas mettre les fumeurs en prison? »

Mourad Sadi, 46 ans, habite à Paris, mais s’est rendu en Kabylie pour participer à la manifestation.

Ce commentaire est celui de notre Observateur, il n’exprime pas la position de FRANCE 24 :

« Nous étions plusieurs centaines à manifester devant le tribunal d’Ain El Hammam. Il y avait des chrétiens qui chantaient des louanges, des athées, des membres du Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie (MAK). La foule était très en colère et scandait des slogans tels que “pouvoir assassin”, “Kabylie autonome”, etc.
Nous avons évité de justesse une confrontation avec les forces de l’ordre dépêchées en nombre sur les lieux. La foule est repartie vers midi en se donnant rendez-vous pour le 25 septembre à Larbaa Nath Irathen [haute Kabylie, province de Tizi Ouzzou] et le 26 septembre à Ighzer Amokrane [basse Kabylie, province de Bejaia] pour d’autres procès de non-jeûneurs.

L’État dit que ne pas jeûner est une atteinte aux préceptes de l’islam et que cela est condamnable au regard de la Constitution. C’est inacceptable. Car dans ce cas pourquoi ne pas mettre les fumeurs en prison?

Ces arrestations sont une atteinte à la liberté de culte. L’État algérien a signé la convention de l’ONU sur la liberté religieuse [12 décembre 1989], mais il ne la respecte pas. Le pouvoir fait de l’islam son fonds de commerce. Il sait que lorsqu’on oppose la religion et les droits de l’Homme, comme dans cette affaire, c’est la religion qui l’emporte dans notre société. Les gens ici sont soumis.

Il y a des islamistes au pouvoir et ce sont eux qui font pression. Ils ne peuvent pas obliger les gens à suivre l’islam, surtout en Kabylie. Les Kabyles ne sont pas arabes et n’ont pas le même lien avec cette religion [ce sont les Arabes qui ont introduit l’islam en Algérie, en 681]. D’autant que les deux personnes jugées se disent chrétiennes. Les Kabyles peuvent être chrétiens, athés ou juifs, mais ils n’osent pas le dire publiquement. Pendant la manifestation, j’ai discuté avec un avocat kabyle. Je lui ai demandé si notre manifestation avait une chance de changer les lois. Il n’y croyait pas. Il m’a dit qu’il faudrait attendre au moins 14 siècles… En tout cas, s’il y a une condamnation, je pense que les gens ne l’accepteront pas. Cela pourrait engendrer une confrontation entre chrétiens et musulmans. »

Par Mourad Sadi

Contributeur/Observateur pour France 24

24/09/2010

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