Ulehlu : Par delà monts et vaux, l'aède chantera encore et toujours

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Oulahlou lors de l'hommage à Matoub au Bataclan
Oulahlou lors de l'hommage à Matoub au Bataclan

CULTURE (Tamurt) – De part et d’autre de Jerjer et à travers les Mons Ferratus, d’un écho à l’autre et d’une génération à la suivante, la culture kabyle a essaimé avec bonheur au cours des siècles.

De la même manière que ces illustres devanciers, Oulehlou, dans son art, refuse toute soumission et toute compromission.
Il n’est pas un “ouvreur de festivals” commandité.
Il ne chante pas sous l’égide d’une quelconque “son excellence”.
Le seul culte qu’il voue, il le dédie à la Kabylie, sa jeunesse, son histoire et son combat. La thématique de l’artiste est invariablement assise sur les luttes et les espérances du peuple kabyle.

La maîtrise de son art a fait de lui un artiste pleinement accompli et lorsque, d’occasion, il se transforme volontiers en rhapsode, c’est toujours pour déterrer des contes des âges anciens qui ont accompagné les longues nuits d’angoisse ou d’espoir des ancêtres et qui refusent de mourir. Alors, loin de raconter timucuha, il nous invite au contraire à contribuer à la sauvegarde de l’héritage mémoriel de la Kabylie éternelle.

Depuis toujours, le pouvoir algérien s’est ingénié à réduire au silence les chantres de l’expression de la culture kabyle. Et quand il ne peut ouvertement le faire, il missionne des janissaires à sa dérision et sa dévalorisation.

Parmi ceux qui l’ont vu, personne ne peut oublier cette clownerie produite en direct par une animatrice de la télévision nationale algérienne qui écorchait – avec délectation – le titre d’une chanson kabyle qu’allait interpréter une chorale de jeunes filles et garçons vietnamiens. C’était à l’occasion de la célébration d’une fête “nationale”. Alors que la chorale est en place, sagement alignée, attendant le signe de leur chef d’orchestre, l’animatrice s’est empêtrée jusqu’à la suée dans un ânonnement invraisemblable pour prononcer “A yemma sver ur ttru”. Par bravade, la chorale vietnamienne a exécuté à la perfection sans accent et sans la moindre fausse note l’hymne immortel de Farid Ali.

Cette démonstration de solidarité et de reconnaissance à la Kabylie qui a échappé à la surveillance des gardiens du Temple d’alors n’avait pas infléchi la politique de déni et d’ostracisme. Bien au contraire, la vilénie, la rancœur et la haine ont été érigées en système pour une déconsidération de la culture kabyle.
Dans le registre, il y a lieu d’évoquer également l’admirable interprétation en kabyle, d’une strophe en hommage à Matoub Lounès dans la chanson Tizi-Ouzou, par Maxime Leforestier qui l’a fait avec cœur.

Vaines mesures et vaines tentatives !
La dernière production artistique d’Oulehlou est un chef-d’œuvre qu’on veut assassiner par le silence organisé autour de sa sortie. C’est la dernière trouvaille des naufrageurs de la culture kabyle. Aujourd’hui, le pouvoir et ses relais en Kabylie qui s’essayent à cette nouvelle tactique usent de l’ostracisme, du déni et, au besoin, d’intimidation des buralistes et autres disquaires qui commercialisent son produit.

Le compact disque d’Oulehlou, édité par Star Plus de Bougie comporte 5 titres qui sont titrés :
– 1- Viva l’Algérie
– 2- Fadma n Sumer
– 3- Mas Sarko
– 4- Silence
– 5- Slilwan (deg yeγzer Qirwan).

Dans ce florilège de revendication, de protestation et de dénonciation, il n’y a aucun thème qui sied au pouvoir algérien, même quand il s’adresse explicitement au Gouvernement français en faveur de concitoyens algériens malmenés.

Fadma At Mansur Amrouche et la saga narrée de Slilwan ne sont pas dans les tablettes de la politique culturelle de l’Algérie.
Mais bien évidemment, c’est la solidarité exprimée à Ferhat Mehenni à propos d’un silence convenu en rapport à l’assassinat de son fils Amezyan qui constitue la raison et la voûte de la mise en déréliction officielle d’Oulehlou, l’un des plus grands chanteurs kabyles du moment.

Mais rassure-toi, Oulehlou !
Le peuple kabyle pour lequel tu milites, tu espères et tu vis te déclare que tu n’a besoin d’aucun hochet. La reconnaissance du peuple kabyle est suffisante pour toi. Ton engagement et ton amour pour la Kabylie nous suffisent.

À travers ton hommage à la Diva, tu as rappelé une vérité, et nous relayons volontiers. Lorsqu’en 1976, Marguerite-Tawes s’était enthousiasmée à prendre part et contribuer aux travaux du 1er Festival culturel panafricain d’Alger et qu’elle en a été écartée par les responsables de la culture sous la dictature de Boumediène, elle n’a pas baissé les bras. Bien au contraire, l’ostracisme dont elle a été victime a démultiplié son énergie dans l’entreprise de la réappropriation de notre langue et de notre culture. Et ainsi, contre vents et marées, elle est devenue la très belle icône de la Kabylie qui inspire jusqu’à nos jours notre jeunesse.

Nekni nezra ! (nous, nous savons).
Merci Oulehlou pour le bonheur que tu nous procures. Merci pour la verve que tu insuffles à notre jeunesse. Qu’importe les obstacles, nous les surmonterons et nous vaincrons ensemble.
Tanemmirt a mmis n tmurt.

IΣEZZUGEN, ASS 22 TUBER 2010
AZRU LOUKAD

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