Egypte : Le président Morsi écarte le maréchal Tantaoui et reprend la main sur l’armée

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EGYPTE (Tamurt) – « Le président a décidé d’annuler la déclaration constitutionnelle adoptée le 17 juin » par le Conseil suprême des forces armées (CSFA), qui dirigeait à l’époque le pays et dans laquelle les militaires s’arrogeaient notamment le pouvoir législatif, a annoncé le porte-parole du président, Yasser Ali.

Cette « déclaration », adoptée après la dissolution de l’Assemblée du peuple dominée par les islamistes et juste avant l’annonce de la victoire de M. Morsi à la présidentielle, avait provoqué une profonde crise politique entre l’armée et les islamistes.

Avec le pouvoir législatif, les généraux gardaient un droit de veto sur toute nouvelle loi ou mesure budgétaire et se réservaient aussi un droit de regard sur la rédaction de la future Constitution. L’ancienne loi fondamentale est actuellement suspendue.

Dans sa propre « déclaration constitutionnelle » dimanche, M. Morsi récupère le pouvoir législatif et s’octroie le droit, si l’actuelle commission constituante ne peut « achever son travail », d’en former une nouvelle « représentant toutes les composantes de la société égyptienne ».

Ces décisions-surprises ont provoqué l’effervescence dans les milieux politiques et sur les réseaux sociaux, qui se demandaient si le maréchal Tantaoui avait accepté sans rechigner d’être écarté.

« Ce qui s’est fait l’a été en coordination et après des consultations avec les forces armées », a réagi une source militaire citée par l’agence Mena, en démentant les « rumeurs de réactions négatives (au sein de l’armée) aux changements à la direction des forces armées ».

Dans la soirée, M. Morsi s’est défendu de vouloir marginaliser des personnes ou des institutions. « Je ne leur veux que du bien. Je veux qu’ils se consacrent à une mission, la protection de la nation », a-t-il assuré en allusion aux membres des forces armées.

M. Morsi a ajouté qu’il voulait « faire en sorte que nous avancions vers un avenir meilleur, avec une nouvelle génération, un sang neuf longtemps attendu ».

Pour l’analyste indépendant Issandr al-Amrani, « Morsi a effectivement, sur le papier, des pouvoirs dictatoriaux ». « Reste à savoir comment il va les utiliser », dit-il sur son blog.

M. Morsi a également décidé de mettre à la retraite le maréchal Hussein Tantaoui, longtemps proche de Hosni Moubarak, et l’a remplacé au ministère de la Défense qu’il occupait depuis 20 ans par le général Abdel Fattah al-Sissi, le chef des renseignements militaires.

Le chef d’état-major de l’armée et No2 du CSFA, Sami Anan, a également été mis à la retraite, et remplacé par le général Sedki Sobhi. MM. Tantaoui et Anan ont toutefois tous deux été nommés conseillers auprès du président Morsi.

« Vu les circonstances, c’est le bon moment pour effectuer des changements dans l’institution militaire », a estimé Mourad Ali, un haut responsable du Parti de la Liberté et de la Justice (PLJ), la formation de M. Morsi. « C’est un président fort, et il exerce son autorité », a-t-il dit à l’AFP.

Des milliers de sympathisants islamistes se sont rassemblés dans la soirée place Tahrir, au Caire, pour fêter les décisions du président.

Le nouveau vice-président, Mahmoud Mekki, est un magistrat qui a joué un rôle dans la fronde des juges en 2005 contre la fraude électorale pendant le scrutin présidentiel qui s’était terminé par une victoire écrasante de M. Moubarak, finalement renversé par une révolte populaire le 11 février 2011.

Il s’agit seulement du deuxième vice-président égyptien en 30 ans. M. Moubarak, qui était le vice-président d’Anouar al-Sadate au moment de l’assassinat de ce dernier en 1981, n’avait jamais pourvu le poste jusqu’à la révolte de 2011, pendant laquelle il avait nommé son chef des renseignements Omar Souleimane vice-président.

M. Morsi, formellement investi le 30 juin, est le premier civil à accéder à la magistrature suprême. Depuis son élection, il a alterné compromis et bras de fer avec l’armée pour tenter de s’imposer.

L’armée a apporté à l’Egypte tous ses présidents depuis le renversement de la monarchie par les « officiers libres » en 1952. Le mouvement des Frères musulmans, qu’elle a longtemps réprimé et maintenu dans la semi-clandestinité, mais avec qui elle a su à l’occasion dialoguer, reste son seul rival de taille sur la scène politique.

Ce coup de théâtre politique survient alors que l’Egypte fait face à une grave crise dans le Sinaï, où 16 de ses gardes-frontières ont été tués le 5 août près de la frontière avec Israël et Gaza. L’armée est depuis engagée dans une offensive d’envergure contre les « éléments terroristes » accusés d’avoir mené ou soutenu l’attaque.

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