La pollution menace la kabylie, Cote d’alerte : la biodiversité du parc national du Djurdjura en sursis

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Kabylie
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TIZI-OUZOU (Tamurt) – La grave détérioration de l’environnement qui gangrène tout le nord de l’Algérie, dont cette partie qui est la Kabylie, soumise à rude épreuve, par une pollution effrénée et qui va en s’amplifiant, a atteint la côte d’alerte. La wilaya de Tizi-Ouzou a été répertoriée comme étant la wilaya la plus sale, la plus insalubre. Si l’insalubrité est légion en milieu urbain depuis plusieurs années déjà, elle ne l’était pas au niveau des zones de haute montagne qui sont, elles aussi, rongées par ce mal qui ne dit pas son nom. Une localité comme celle d’Illittène, située pourtant en haute montagne, compte, à elle seule, 300 décharges sauvages.

Et si l’alerte a déjà été donnée depuis quelques années, le pouvoir d’Alger a tout fait, en plus de sa politique de la terre brûlée en Kabylie, pour anéantir région même sur le plan environnemental.

Le ministère des affaires étrangères n’a t-il pas bloqué une subvention de 1 million de dollars accordée par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) pour la Kabylie afin de lutter contre la dégradation de l’environnement? Rien ne semble justifier un tel blocage si ce n’est un sentiment d’antikabylisme primaire et avéré alors qu’une autre région, en l’occurrence la ville de Boughzoul (Médéa), a bénéficié du même programme et que cette instance de l’ONU a déjà initié des projets en Algérie sans que le pouvoir ne mette son veto.

Il s’agit, entre autres, des programmes d’appui au Parlement algérien, de la modernisation du secteur de la justice, du plan de gestion des zones humides, de la réhabilitation des routes des ksour dans le Sud, etc.

Menace sur le PND

Aujourd’hui, pus que jamais, même le parc national du Djurdjura, pourtant classé réserve mondiale de biosphère est sérieusement menacé.
Les grandes forêts du Djurdjura sont au nombre de quatre et sont représentées par la Forêt domaniale de Tala-guilef qui s’étale sur une superficie de 786 ha, La forêt domaniale des Ait-Ouabane d’une superficie de 1.100 hectares dans le versant Nord et la forêt domaniale de Oued Sahel d’une superficie de 764 ha ; la forêt domaniale des Azerou de 819 ha au versant Sud. En matière de biodiversité, le P.N.D est considéré comme un réservoir de diversité biologique faunistique et floristique.

En commençant par la flore, même si pour l’instant, il n y a aucune étude d’inventaire fiable à même de circonscrire la richesse floristique du P.N.D, il a été établi selon des recherches bibliographiques qui demandent bien évidemment à ce quelles soient scientifiquement vérifiées, que l’on compte 1100 espèces végétales. Ce nombre montre que la flore de ce territoire protégé représente le (1/3) de la flore algérienne. Quant au statut de ces espèces, il est également admis que l’on a :
– 35 espèces sont endémiques au Djurdjura.
– 70 espèces sont très rares.
– 145 espèces sont rares.
– 33 espèces sont protégées soit 14,60 % des espèces protégées en Algérie.
– 38 espèces de champignons ont été recensées au Djurdjura
– 52 Espèces de lichens sont recensées
– 111 espèces médicinales recensées.

Les principales espèces végétales arborescentes que l’on distingue au P.N.D sont représentées essentiellement par le cèdre de l’Atlas, le chêne vert, l’érable avec ses quatre variétés, le chêne liège, le pin noir qui est une espèce endémique au Djurdjura, l’if, etc. De ce fait, il ressort que le Djurdjura est aussi marqué par un endémisme et par une rareté d’espèces végétales des plus marquants.

Parmi les essences forestières qui dominent au Djurdjura, on peut citer le cèdre de l’Atlas qui confère un cachet particulier au parc par son port pyramidal et majestueux, sa longévité et sa résistance au climat rude de la montagne. En seconde position, vient le chêne vert qui forme, notamment à Tala Guilef une chênaie bien structurée. D’autres essences moins importantes de point de vue densité et répartition pytogéographique mais non sans importante écologique font également partie de la phytomasse du Djurdjura. Il s’agit du chêne liège, pin noir et des différentes sortes d’érable que l’on rencontre essentiellement dans la réserve intégrale des Ait Ouabane dans la commune d’Akbil. Signalons que, dans l’optique de protéger les espèces menacées de dégradation, des stations à pin noir et à genévrier sabine ont été créées et des mesures de protection ont été renforcées. Parallèlement à la diversité floristique, l’autre composante de la diversité biologique est sans nul doute la richesse faunistique.

Mammifères: entre richesse et menace d’extinction

En matière de faune, Il y a 29 espèces de mammifères dont 1 espèce probable : le serval (Felis serval), 1 espèce rarissime : le lynx caracal (Caracal algerius ), 1 espèce rare : hyène ragée (Hyena hyena) et 1 espèce assez rare : le chat sauvage (Felis sylvestris). Cependant, il est vraiment regrettable qu’il s’avère que des espèces qui ont autrefois, existaient au Djurdjura mais que ne le sont plus.
Ces 4 espèces disparues sont
– L’ours brun : (Ursus arctos) dont la datation au C14 des ossements trouvés dans la grotte de l’ours dans le massif de l’Akouker remonte à l’époque vandale (429-533) et les byzantins (534-647).
– Le mouflon à manchettes (Ammotragus Larvia) qui a disparu depuis très longtemps.
– Le Lion (Felis Leo) ;
– La panthère (Pardus Leo).
Au Djurdjura, le mammifère le plus emblématique est sans doute le singe magot qui demeure le seul primate de l’Afrique du Nord. Selon des études, quoique relativement anciennes, il y a 1200 à 1400 individus à travers tout le territoire du parc. Connaissant le phénomène des intrusions de singes bien au-delà de leur territoire habituel, une nouvelle problématique s’est posée :
Est-ce que les populations de singes ont augmenté au point où le territoire du parc ne peut plus répondre à leurs besoins, ou bien est-ce que les changements climatiques (sécheresse prolongée) ont influé négativement sur les ressources naturelles du parc ? Cette espèce animale protégée, qui fuit les cédraies détruites par les feux etc, descendent jusque dans les villages pour quêter de la nourriture. Ces primates n’ont-ils pas détruit non seulement les cerisiers, mais aussi toute l’arboriculture des localités de Tala n’Tazert, Darna, Ighil Bouamas et Bouadnane dans la localité d’Iboudrarène tout en s’aventurant jusqu’aux toits de maisons ?
Une autre espèce de mammifères connaît ces derniers temps un intérêt particulier. Ce sont les chauves-souris qui sont des mammifères de taille réduite mais jouant un grand rôle dans la régulation des populations de rongeurs et d’insectes. Douze (12) espèces de chiroptères sont recensées et identifiées avec exactitude par B. ALLEGRINI de l’université de Lille (France) en 2006. La publication n’est pas encore faite. Signalons que, la barbastelle d’Europe a été découverte pour la première fois en Algérie par Benjamin Allegrini le 11/05/2006.

La faune en sursis

Parallèlement aux mammifères, la faune du Djurdjura est riche surtout en avifaune. 121 espèces d’oiseaux ont été recensées au parc national du Djurdjura.
-67 espèces sédentaires.
-52 espèces migratrices.
-02 espèces probables (cincle plongeur et merle à plastron)
-01 espèce accidentelle : faucon de barbarie.
-05 espèces sont rarissimes (gypaète barbu, vautour moine, Tchagra à tête noire, bec croisé des sapins, coucou geai).
La dernière espèce découverte au parc national du Djurdjura est le gobe mouche noir à collier (1990). Cela montre bien que des chances de découvrir de nouvelles espèces ne sont pas à écarter.
Cependant, il y a lieu de signaler que, les rapaces connaissent une réduction de leur effectif. D’ailleurs, le large déclin des populations de rapaces a motivé de nombreuses tentatives de reconstitution des effectifs, soit par la gestion des populations, soit par celle des habitats et des ressources trophiques. Les différents programmes concernant la conservation des oiseaux de proie ont connu des difficultés liées à la grandeur des domaines vitaux qu’il faut conserver, les sites de nidification assez spécifiques qu’il faut aménager et recréer mais surtout aux différents conflits qui opposent les activités agricoles et certaines attitudes négatives vis-à-vis des rapaces aux concepts de protection de la nature en général et celle des rapaces en particulier.

Actuellement, on s’accorde à retenir trois principaux facteurs responsables du déclin des rapaces. Il s’agit de la réduction et la dégradation de leurs habitats, les persécutions humaines par chasse ou braconnage et l’intoxication par les pesticides et autres substances chimiques.

Face aux conséquences de ces facteurs, des stratégies permettant de déterminer les effectifs nicheurs ou l’arrêt du déclin peuvent être élaborées en tenant compte de l’espèce, de l’environnement général et des moyens disponibles. On peut retenir, la gestion des paysages accompagnée de la conservation des territoires de rapaces, la conservation intégrale des sites de nidification, l’apport supplémentaire de nourritures, l’amélioration de la législation accompagnée de programmes d’éducation et sensibilisation et enfin la lutte pour la réduction de l’utilisation des produits chimiques dans l’agriculture.

Lounes O.

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