Secteur de la santé dans la wilaya de Tizi-Ouzou : Une commission pour relever les manquements afin de redynamiser le secteur

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TIZI-OUZOU (Tamurt) – La wilaya de Tizi-Ouzou est considérée comme « la plus médicalisée » à travers le territoire national. Entendre par le terme « médicalisée », le nombre de structures sanitaires, le nombre d’appareils médicaux de haute performance et la ressource humaine. Des chiffres l’attestent.

Treize mille (13 000) personnes dont onze mille (11 000) dans le secteur public activent dans le secteur de la santé, les lits d’hôpitaux sont au nombre de 2500 et les salles de soins sont au nombre de 285. Le secteur du privé n’est pas comptabilisé. Nonobstant cette richesse humaine et matérielle, le secteur de la santé au niveau de la wilaya de Tizi-Ouzou est très décrié. Ce constat a été établi à l’unanimité aujourd’hui, jeudi, à l’occasion du conseil de wilaya lequel était spécialement réservé à la santé. Quelles en sont donc les causes ? Où résident les manquements et les failles ? Quelles sont les mesures et solutions adéquates à arrêter pour assurer les soins nécessaires aux patients et rendre meilleure la qualité des soins et au même temps « humaniser » les structures de santé d’accueil ?

Abdelkader Bouaghzi qui a présidé cette rencontre a, dès le début des travaux, souligné que le souci de redonner ses lettres de noblesse au secteur de la santé au niveau de la wilaya de Tizi-Ouzou est l’une des préoccupations majeures du gouvernement. Et c’est dans cette perspective que le wali a annoncé la mise en place d’une commission de wilaya dès cette semaine laquelle travaillera en étroite collaboration avec une commission du ministère de l’intérieur et des collectivités locales.

Abdelkader Bouaghzi a indiqué également que cette commission de la wilaya Tizi-Ouzou sera composée du secrétaire général de wilaya qui assurera la présidence, un représentant de l’APW, le DRAG (directeur de la réglementation et des affaires générales, du DAL (directeur des affaires locales), de l’inspecteur général de la wilaya, de quatre chefs de daïras, quatre présidents des APC et quatre secrétaires généraux des APC. Toujours concernant cette commission de wilaya qui sera à pied d’œuvre dès la semaine en cours, sa mise en place a été décidé par le ministère de l’intérieur et des collectivités locales à travers sa circulaire datée du 30 septembre 2013 qui est consacrée à la réhabilitation et la redynamisation du secteur public.

Lorsque Abdelkader Bouaghzi a terminé de tracer les grandes lignes et ce qui est attendu de cette rencontre, les interventions fusèrent. Force est de reconnaître que chaque intervenant a défendu sa thèse avec une grande puissance argumentaire. C’est le directeur général du CHU Nedir Mohamed qui a ouvert le bal en soulignant d’emblée que l’institution qu’il dirige assure une couverture médicale aux patients plus que de raison et plus qu’il en faut. Le premier responsable du CHU de Tizi-Ouzou a même jeté un pavé dans la marre en indiquant qu’officiellement ses services n’ont accueilli que dix (10) patients dans le cadre d’une évacuation d’urgence à partir d’une structure périphérique depuis le début de l’année à ce jour alors que la réalité est tout autre. Le DG du CHU Nedir Mohamed, plus que jamais décidé à « balancer » ce qu’il avait sur le cœur, a même évolué sur un terrain purement juridique puisque les centaines d’évacuations orientées vers l’institution qu’il dirige à partir de structures périphériques dont des cliniques privées ne sont pas conformes à la réglementation. « Souvent, dit-il, les patients évacués vers mes services arrivent seuls ou accompagnés seulement de leurs parents et avec leurs propres moyens. Or, une évacuation vers une structure de compétence, le patient doit être évacué à bord d’une ambulance et accompagnée d’une personne appartenant au monde de la santé ».

Par ailleurs, le DG du CHU a déploré le manque flagrant de médecins-radiologues. « Un des deux médecins-radiologues travaillant au niveau du CHU ne vient que deux fois par semaine », déclare avec véhémence l’intervenant avant d’ajouter : « J’ai demandé à la tutelle de nous affecter huit (08) médecins-radiologues. Et s’il est vrai que des médecins-radiologues ont été affectés au CHU de Tizi-Ouzou, il n’en demeure pas moins qu’ils ont été réaffectés vers d’autres wilayas du pays ». Et avant de reposer son micro, le DG du CHU de Tizi-Ouzou a pointé un doigt accusateur vers la clinique de S’bihi « qui a cette fâcheuse habitude d’évacuer ses patientes au CHU Nedir Mohamed malgré les gros moyens dont elle jouit ». Il ne manquait plus que cela au directeur de la clinique obstétrique S’bihi, déjà fort éprouvé par le décès d’une parturiente, une certaine H. Djamila âgée de 32 ans, la semaine écoulée, pour « remettre les pendules à l’heure ».

Le premier responsable de la clinique S’bihi a commencé son intervention en rappelant que « la malheureuse parturiente a trouvé la mort au CHU et non au niveau de la clinique que je dirige ». Ensuite, et toujours avec une colère froide, l’intervenant souligne que le taux d’accueil de son établissement est de 123% alors que le taux d’accueil des autres structures de la wilaya qui ont les mêmes missions médicales que la clinique S’bihi avoisine seulement les 50%. « Nous recherchons et nous oeuvrons à réduire au minimum le taux de mortalité mais affirmer pouvoir réduire à zéro la mortalité serait de la prétention », a déclaré sans ambages le directeur de la clinique S’bihi qui n’a pas manqué aussi de souligner qu’une enquête est ouverte pour déterminer les circonstances exactes du décès la semaine dernière de H. Djamila.

Quant à l’intervention du directeur de la santé et de la population de la wilaya, elle a permis de dévoiler que les ressources humaines ne sont pas utilisées à bon escient et selon les principes de la rationalité dans le secteur de la santé dans la wilaya de Tizi-Ouzou. En effet, ce responsable dévoilera que l’EPH (établissement public hospitalier) d’Azazga emploie pas moins de 62 spécialistes alors que d’autres EPH comme celui de Yakouren ou Zikki n’en possèdent même pas un. Un autre EPH de la wilaya de Tizi-Ouzou fait travailler une trentaine de spécialistes et est mis à la disposition de chacun d’eux son propre cabinet (bureau de travail). « Il est hors de question que je tolère ce genre de situation », crie le DSP et dira carrément qu’il n’hésiterait pas à infliger des sanctions à l’endroit d’éventuels fautifs.

A ce moment, Abdelkader Bouaghzi pour suggérer « la concertation » à la place de la « sanction ». Après l’intervention du DSP, une multitude d’autres interventions ont suivi. Et presque toutes et tous ont déclaré que toutes les polycliniques de la wilaya de Tizi-Ouzou sont devenues à présent obsolescentes tant elles nécessitent d’importants travaux de restauration. Dans certains cas, c’est le retard flagrant dans les travaux de construction qui est dénoncé. C’est le cas de la polyclinique de Aïn El Hammam dont le début des travaux remonte à 20 ans et dont le taux d’avancement à l’heure actuelle est à peine de 20%. Pire encore ! Les travaux sont à l’arrêt depuis trois ans. La solidité de l’hôpital de la même région (Aïn El Hammam) n’est plus certaine à présent tant la construction de ce dit hôpital remonte à une époque lointaine. L’autre facteur contrariant est le glissement de terrain que connaît le chef-lieu de commune et au même temps de daïra de Aïn El Hammam. Il est question à présent de choisir d’autres terrains d’assiettes, loin de la menace de glissement de terrain, pour accueillir les nouveaux équipements publics. Il se trouve cependant que les terrains indiqués à cet effet appartiennent aux privés.

Il y a lieu de noter également que certaines données avances par les uns ne concordent pas avec celles des autres. C’est le cas de la polyclinique d’Iflissen. Selon le DSP, cette polyclinique en question, après des travaux de restauration, est redevenue opérationnelle à 100%. Le chef de daïra de Tigzirt, autorité dont dépend Iflissen, soutient le contraire. Qui dit vrai et qui dit faux.

L’autre intervention pertinente et qui va tout à fait contre-sens de la thèse du DG du CHU Nedir Mohamed est venue de la part d’un médecin, originaire d’Aït-Aïssa-Mimoun. Ce médecin a souligné qu’il n’est que normal qu’un médecin ou une structure périphérique évacue un patient vers une structure de compétence comme le CHU de Tizi-Ouzou. « Il est de la règle de la déontologie médicale que lorsque un médecin manifeste un doute quant à l’origine de la maladie chez son patient, il l’oriente vers une structure compétente ». Ce médecin soutient même que dans le cas contraire et en cas du décès du patient, la justice reprochera au médecin de ne l’avoir pas évacué à temps vers une structure médicale plus compétente. Donc, même sur le plan juridique, la lame est à double tranchant. A titre de rappel, le DG du CHU de Tizi-Ouzou a défendu la thèse selon laquelle les structures périphériques prennent davantage en charge leurs patients et évitent au maximum les évacuations, et ce afin de permettre à l’institution (le CHU) qu’il dirige un certain désengorgement.

L’autre élément signalé comme « défaut » est l’absence de certains médicaments au niveau des établissements hospitaliers et pharmacies. Le cas de la fillette de Mekla, morte des suites de la rage après qu’elle fut mordue par un chien enragé, a été évoqué. Avant de lever la séance, Abdelkader Bouaghzi a rappelé à tous les acteurs et responsables concernés que la réhabilitation du secteur de la santé au niveau de la wilaya de Tizi-Ouzou doit obéir à la logique de la formule : coordination – décision et responsabilité. « Il faut apprendre à travailler en commun pour réussir la synergie car de celle-ci seulement dont dépend la réussite », a plaidé le wali avant d’inviter les uns et les autres à organiser des réunions hebdomadaires jusqu’à ce que tous les manques et toutes les failles soient relevés.

Il a également puissamment suggéré l’utilisation au maximum de leurs capacités les moyens médicaux existants en attendant leurs renforcements.

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