Les fillettes yéménites mariées de force rêvent d’école

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«Je ne veux plus jamais me marier. Tout ce que je veux, c’est obtenir le divorce et reprendre mes études», dit la jeune femme aux yeux cernés, assise sur le sol de la chambre délabrée où elle s’entasse avec ses parents et ses deux garçons à Sanaa.

Les «mariées de la mort», comme on les appelle, sont un cas courant dans ce pays pauvre à la structure tribale. Des adolescentes et parfois même des fillettes sont mariées de force à des hommes souvent plus âgés, dans les zones les plus reculées pour des raisons économiques.

Saadah a été mariée il y a cinq ans à un homme violent par son père, qui ne pouvait plus subvenir à ses besoins.

«Mon mari me battait et me forçait à mendier dans la rue», raconte la jeune femme, dont le nom signifie bonheur en arabe.

Entièrement voilée de noir, croisant et décroisant nerveusement les doigts, elle parle à voix basse, entourée de ses petits garçons âgés de trois et quatre ans.

«Ma vie est difficile, et avec mes parents nous comptons sur l’aide de nos voisins pour survivre. Mais c’est mieux que de vivre avec mon mari», dit la jeune femme aujourd’hui âgée de 18 ans.

A ses côtés, sa soeur Amnah raconte avoir été elle aussi forcée à 13 ans d’épouser un homme qui avait accepté de rembourser une dette de 20.000 riyals (93 dollars) de son père.

Après cinq mois de mariage, elle a fui les violences de son mari et s’est réfugiée chez des proches, avant d’obtenir le divorce.

Aujourd’hui âgée de 16 ans, elle a repris le chemin de l’école.

Dur combat contre les traditions

Les défenseurs des droits de l’Homme se mobilisent pour interdire les mariages précoces et la ministre des droits de l’Homme Houria Machhour a annoncé le mois dernier œuvrer à l’élaboration d’un projet de loi fixant à 18 ans l’âge légal du mariage.

Selon un rapport de Human Rights Watch de 2011, des statistiques officielles et de l’ONU montrent qu’environ 14% des jeunes filles yéménites sont mariées avant l’âge de 15 ans et 52% avant 18.

Les mariées précoces sont souvent victimes de violence de la part de leurs époux, «qui les battent et les forcent à avoir des relations sexuelles», affirme Ahmed al-Qurashi, directeur de l’ONG yéménite Seyaj, dédiée à la protection de l’enfance.

«C’est un viol commis sous le prétexte de la Charia (la loi islamique)», renchérit la militante Arwa Othman.

Le mois dernier, des informations de presse avaient fait état de la mort, pendant sa nuit de noces, d’une fillette de huit ans mariée à un homme de 40 ans dans une région reculée, mais les autorités avaient démenti.

En avril 2010, une fillette de 13 ans, Ilham al-Ashi, était décédée après avoir été victime de viols à répétition de la part de son mari. Et en septembre 2009, une fillette de 13 ans est morte en donnant naissance à un enfant.

Dans cette société tribale, les filles craignent de s’opposer à la décision de leurs parents ou de se plaindre des abus de leurs époux.

En 2010, Nojoud Mohamed Ali, alors âgée de 10 ans, avait été la première à avoir le courage de demander le divorce après avoir été mariée de force en février 2008, victime de sévices sexuels et battue par son mari, de vingt ans son aîné.

Le combat de cette fillette, qui a fini par obtenir le divorce, avait fait le tour du monde.

Mais Saadah et Amnah doivent, elles, souvent faire face à des attitudes hostiles. «Certains nous regardent avec mépris parce que nous avons fui le domicile conjugal», dit Saadah.

Leur petite sœur de 14 ans, Neemah, a appris la leçon: «Je ne me marierai qu’après avoir fini mes études», dit-elle en souriant.

© 2013 AFP

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