Diversité et respect des droits de l'homme

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Forum social mondial
Forum social mondial 

TUNIS (Tamurt) – « La diversité Linguistique et culturelle: transition démocratique et le respect des droits de l’Homme ». Forum social mondial : Tunis, campus Farhat Hached – Le 26 Mars, 2015

Dans le cadre de la dynamique du forum social mondial, tenue à Tunis dans la période entre 24 et 29 Mars 2015, la Fédération nationale des associations amazighes, le réseau amazigh pour la citoyenneté, l’Association de la voix de la femme amazighe et l’Association tunisienne pour la culture amazighe ont organisé un colloque international sur la diversité linguistique et culturelle et sur la gestion démocratique et le respect des droits de l’homme » amphi  AA, Faculté des sciences. La rencontre a commencé à partir de 11h30 jusqu’à 15h le jeudi 26 Mars 2015 et avec la participation des représentants de plusieurs peuples et organisations, régionales et nationales.

Le colloque international de Tunisie vient compléter une série de séminaires qui ont précédé comme le séminaire international organisé par l’Association amazighe Aztta à Rabat en Mars 2014, le colloque international organisé par la Fédération nationale des sociétés amazighes et le Réseau amazigh pour la citoyenneté, au Maroc dans le cadre du Forum mondial des droits de l’homme à Marrakech à la fin du mois de Novembre 2014.

Le but des organisateurs de ce colloque international est de rouvrir des ateliers de réflexion collective sur la gestion de la diversité linguistique et culturelle dans les pays d’Afrique du Nord et du Sahel, ainsi que sur le devenir de l’Amazighité dans ces pays. Ceci afin de défricher  les différents défis et les contraintes rencontrées concernant  la reconnaissance officielle de cette langue dans ces différents pays. Il s’agissait aussi d’analyser et de comparer  les expériences, d’échanger des points de vues sur les problèmes rencontrés et les différentes façons de résoudre ces problèmes.

Mr le modérateur dans sa prise de parole a dressé une série de questions qui précédent les interventions des intervenants à titre d’exemples :

– Quels sont les fondements théorique et juridique pour assurer le respect du multilinguisme et la diversité culturelle, conformément à la référence des chartes internationales des droits de l’Homme ?

– Quelles sont les voies possibles pour assurer une bonne et efficace gestion du pluralisme linguistique et culturel dans les pays d’Afrique du Nord et du Sahel ?

– Quelles sont les meilleures expériences qui peuvent être utiles pour bien gérer la diversité dans nos pays ?

– Quelles sont les aspirations des acteurs et des actrices amazighs pour une gestion démocratique des champs linguistique et culturel ?

Ces différentes questions posées par Mr le modérateur, les intervenants  ont essayé de les approcher selon  les thèmes suivants :

  1. La gestion de la diversité linguistique et culturelle à la lumière des conventions internationales des droits humains, des droits des peuples, et les expériences internationales.
  2. Le contexte maghrébin et la gestion de la diversité linguistique et culturelle.

III. Expérience marocaine dans la gestion de la diversité linguistique et culturelle.

  1. Le statut de la femme amazighe : réalité et défis.

Les intervenants ont exposé différentes expériences internationales, (Maroc, Tunisie, Libye, les Kurdes dans le nord de la Syrie, Azawad, Mali, Touaregs du Niger, Amazigh  de Ghardaia en Algérie, comme exemple). Chaque expérience est différente l’une de l’autre selon les régimes et la résistance dans chaque pays mais aussi  selon la nature des transitions démocratiques avortées. La conférence a été l’occasion pour ces acteurs d’analyser et de débattre ces expériences vécues, de diagnostiquer la situation et de rédiger des recommandations.

  1. Diagnostic : L’état de la démocratie et des droits humains et leurs impacts sur les peuples de la région.

Les interventions ont esquissé la situation des droits humains dans la région, et surtout des droits culturels et linguistiques. Malgré les révolutions et les soulèvements populaires qui ont revendiqué la  liberté, la dignité, l’égalité et la justice sociale à partir de 2011, la région n’a pas encore vu un véritable changement, certains pays connaissent même des situations plus tragiques qu’auparavant, comme la Libye. La nature des politiques adoptées par certains pays et qui sont fondées sur  une identité unidimensionnelle a engendré des résultats désastreux tels que la discrimination raciale, la persécution et la menace de la stabilité de l’unité nationale. Les courants représentants des groupes marginalisés n’ont pas d’autres moyens pour exprimer leurs rejets des politiques choisis que la confrontation directe, ce qui a alimenté encore plus les conflits, les troubles et la division aux dépends  de l’unité et la bonne gestion de la diversité dans ces sociétés, ce qui a aggravé les crises dans ces pays à tous les niveaux :  social, politique, économique, linguistique et culturel.

Les interventions ont été unanimes : la langue et la culture amazighes en Afrique du Nord et au Sahel depuis des décennies ont été les victimes de cette vision unique de l’identité nationale. Cette  politique unidimensionnelle n’est qu’un héritage colonial  qui ne reconnaît pas les spécificités des régions. L’histoire de la civilisation humaine n’est qu’une extension des multiples expériences de plusieurs peuples et qui a été faite à travers plusieurs générations.

Les intervenants ont souligné la souffrance des Amazighs causée par ces politiques : la spoliation de leurs terres, l’appauvrissement et la marginalisation de leurs régions, et même les déportations des populations amazighes vers d’autres régions (le cas de la Tunisie) ou la déportation des tribus arabophones vers les régions amazighes (comme le cas de Ghrdaya en Algérie). Ces mêmes  politiques d’appauvrissement, de déportation, de discrimination (interdiction des prénoms autochtones, confiscation des drapeaux, des arrestations arbitraires…) qu’on trouve aussi dans d’autres régions amazighes ( le peuple de l’Azawad, les Touareg au Mali, Aamazagn Libye, Ghardaïa et Tizi Loza Algérie, Tunisie ), et chez les Kurdes en Syrie.

Si le Maroc était cité par un des intervenants comme étant relativement le pays qui a répondu à certaines des exigences des amazighs en reconnaissant la langue amazighe comme une des langues officielles (à côté de la langue arabe), l’État n’a jamais mis en vigueur les lois organiques concernant son officialisation. L’État du Maroc continue toujours sa même politique de discrimination contre les Amazighs, des militants sont toujours poursuivis, interdits de rassemblement comme le cas du mouvement Tawada, emprisonnés comme le cas des militants estudiantins de Meknès ou du mouvement social d’Imidr. Cet acquis qui est la reconnaissance officielle de la langue amazighe doit être traduit positivement dans la vie réelle des Amazighs en recevant leurs droits légitimes tant revendiqués.

Une intervenante a centré son intervention sur la situation désastreuse de la femme amazighe, la discrimination est aggravée, la pauvreté, le chômage, l’abandon scolaire …sont  accentués chez les femmes plus que les hommes. Elles sont dépourvues des simples droits humains comme les droits politiques, économiques, sociaux et culturels Elles sont les plus touchées par les maladies mortelles. Leur situation est différente d’un pays à un autre mais ce qui fait le commun entre elles c’est leurs continuité à revendiquer l’égalité et l’équité réelle et à tous les niveaux, en changeant les programmes scolaires dans ces états qui favorisent la discrimination, la soumission, et une image stéréotypée de la femme amazighe. L’intervenante a rajouté en dernier temps qu’il est inimaginable de résister et de combattre sans l’apport réel de des femmes amazighes. c’est grâce à elles que nous assistons encore à la continuité de la civilisation et l’identité amazighes depuis des siècles et des siècles.

Résultats et conclusions :

  1. Nous avons remarqué que les expériences internationales sont très variées en ce qui concerne la gestion de la diversité linguistique et culturelle. Soulignons aussi la diversité des outils et des mécanismes d’approbation d’une expérience à une autre. Ces multiples et riches expériences ne seront que des valeurs ajoutées pour mieux gérer la diversité, en même temps chaque région a sa spécificité différente des autres.
  2. Le caractère général de ces expériences reste verrouillé dans les deux choix : l’autodétermination ou la bonne gestion d’une vraie diversité linguistique et culturelle dans le cadre d’une unité nationale.
  3. Malgré la divergence de ces expériences dans la gestion de la diversité culturelle et linguistique dans ces pays, le constat est le même : c’est la non-reconnaissance des droits des Amazighs comme sujets de droits historiques dans les pays d’Afrique du Nord et la continuité de leur ethnocide (Libye, Touareg, l’Azawad, Ghardaia, en Algérie, Tunisie, …).
  4. La propagation du nationalisme arabe et l’extrémisme arabo-islamiste par la politique d’arabisation des peuples Amazighs d’un côté et d’un autre, le colonialisme espagnol et français ont contribué au démantèlement de la structure culturelle locale. En profitant des divergences internes, ils ont instauré des politiques néolibérales, ce qui a enterré les projets des états-nations dans la région, et nourri l’aliénation totale à des idéologies venant de l’Orient comme le wahhabisme islamiste et le nationalisme arabe.
  5. La montée des courants salafistes et des régimes militaires et policiers est due à l’absence d’une volonté politique réelle de changement chez les élites politiques dominantes. La région d’Afrique du Nord est devenue l’enjeu des différentes forces régionales et internationales, ce qui a affaibli tout projet d’instauration de vrais états-nations autonomes. Les classes dominantes devant cette situation sont portées plus par les projets des forces extérieures aux dépends des intérêts de leurs nations et de leurs peuples.

Revendications :

Les intervenants ont vis-à-vis de  leurs États et de leurs gouvernements plusieurs revendications afin de dépasser leurs situations de crise.

*La reconnaissance officielle de la langue amazighe dans les constitutions de tous les états d’Afrique du Nord et du Sahel, et l’attachement sans condition aux  conventions internationales, ces dernières seront considérées comme supérieures aux lois nationales.

*Rappeler aux États d’Afrique du Nord le devoir de respecter la diversité linguistique et culturelle selon les conventions internationales signées par ces mêmes États.

* L’intégration de la diversité linguistique et culturelle dans les politiques adoptées et les programmes globaux.

* Lever tout embargo politique juridique, législatif pour l’application réelle de l’officialisation de la langue amazighe au Maroc.

* Valoriser le principe de la diversité linguistique et culturelle dans toutes les politiques globales, en introduisant l’officialisation de l’amazighe  dans toutes les constitutions de la région, ce qui légitimera la réalisation de ce principe dans toutes les institutions administratives, judiciaires, et sociales. Ce qui permettra son introduction dans l’enseignement et les médias pour arriver enfin de compte à sa généralisation dans l’espace public, les tribunaux et les administrations publics.

Recommandations :

Les participants et les participantes à  cette conférence internationale ont dessiné une action stratégique pour l’action amazighe pour le respect de la diversité culturelle et linguistique, ils ont tracé une feuille de route pour l’instauration de la démocratie et les droits de l’homme dans leurs pays.

* La nécessité de plaider  et de lutter pour l’adoption des droits historiques des peuples autochtones dans la région de Tamazgha, ainsi que pour l’élaboration des stratégies globales pour lutter contre les menaces et les risques qui pèsent sur l’instauration des états-nations autonomes et souverains qui croient au pluralisme et la diversité comme valeur humaine et comme droit parmi les droits de l’homme.

* Création d’une série de rencontres entre les acteurs et les actrices du mouvement amazigh pour élaborer une stratégie d’action,  afin de dessiner une feuille de route pour défendre les droits historiques des peuples autochtones de l’Afrique du Nord et le Sahel, tout en s’attachant aux conventions internationales des droits de l’homme comme référence juridique pour approcher toutes les problématiques qui se posent.

*L’accompagnement des jeunes dans ces actions, en les encourageant à mieux se former pour collaborer au changement démocratique dans leurs pays.

* Condamner toute discrimination envers les Amazighs en général et la femme amazighe en particulier.

* Considérer la cause de la femme amazighe comme l’une des premières causes de la mouvance sociale.

*Encourager l’intégration du mouvement amazigh aux dynamiques sociales, mondiales, régionales et locales des forums.

*Sensibiliser les citoyens et les citoyennes  et les élites intellectuelles et politiques ainsi que les élus locaux  à l’importance de la diversité linguistique et culturelle. La culture du pluralisme  devrait être enracinée dans l’état et la société, il est la seule garantie pour la cohabitation et le seul protecteur contre le racisme, l’extrémisme et la discrimination, et un garant de la paix, la coexistence et l’unité nationale.

*La coordination  avec les mouvances progressistes démocrates qui militent contre le racisme et la discrimination. Soutenir les actions collectives qui encouragent la paix l’amitié et la solidarité entre les peuples de la région.

*Faire connaître la cause amazighe dans différentes régions du monde, dresser des rapports sur la situation du peuple autochtone amazigh et les présenter dans les forums d’organisations internationales compétentes.

*Création d’institutions et de mécanismes en Afrique du Nord et au  Sahel pour suivre l’application des recommandations et développer la dynamique du plaidoyer au niveau local, régional, et international.

Modérateur : Ahmed Arhmouch Président de la fédération national des associations amazighes au Maroc

Rapport dressé par : Mbark Otachraft

Brahim LASRI

Nombre d’intervenants : 30

Intervenants :

Abdellah Badou : Président du réseau amazigh pour la citoyenneté /Maroc

Amina Zioual : Présidente de la voix du femme amazighe/ Maroc

Hamid Lihi : Porte-parole de la fédération des associations amazighes/ Maroc

Abdessalam Ahmed : Président du parlement des kurdes du Kobani /Syrie.

Abdellahi Atayyoub : Président de l’organisation des réfugiés Touaregs / France

Ghaki Jalloul : Président de l’association tunisienne de la culture amazighe / Tunisie

Mohmed  Majid : Représentant des Amazighs de Ghrdaya / Algérie.

Fathi Nkhlifa : Président du comité des relations étrangères du Conseil suprême des  Amazighs de Libye.

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