« On ne traverse pas une rivière sans se mouiller »

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IGHIL IMULA (Tamurt) – Mme Hadjali Tassadit,  grande militante kabyle de la guerre d’Algérie, vient de rendre l’âme, ce 25 novembre, à l’âge de 79 ans. Originaire du village historique Ighil-Imoula, elle repose désormais dans le carré des martyrs de Tizi-N’Tléta près de son défunt mari, lui-même maquisard.

 Madame Hadjali fait partie de ces femmes-courage qui font la fierté de toute une nation. Son courage, son humilité, son refus obstiné de voir son pays à genoux, son héroïque témérité, transcendent son existence et forcent le respect de tous ceux et celles qui l’ont approchée et de toutes les générations futures.

Pour preuve, son fils aîné Sadek nous montre un document dactylographié daté du 5 février 1962, portant le cachet humide  de la Zone III,  Wilaya III, signé par le responsable de cette zone, Haliche Yahia, que sa défunte mère avait reçu en guise de félicitations pour les efforts qu’elle avait fourni pour que l’Algérie se libère et sur lequel on peut lire : « C’est grâce à des exemples de foi, de courage et de sacrifice comme le vôtre que tant de chemin a été parcouru dans notre lutte de libération. L’Algérie peut s’enorgueillir de posséder des filles comme vous, qui ont tant mérité de la nation ».

Dans une longue interview accordée à la presse en 2004, Madame Hadjali a donné plus de détails sur ses activités secrètes. son engagement et la torture  qu’elle a stoiquement endurée à chacune de ses 5 arrestatons.

Hadjali Tassadit

Nna Tassadit était spécialisée dans la collecte des cotisations, le renseignement, la transmission de l’information, le ravitaillement des maquisards, le transport des armes et du courrier…, autant de tâches qu’elle effectuait avec courage et détermination, à l’instar d’autres femmes du village qui militaient en groupe de deux. « Cela a duré jusqu’au moment où la fille avec qui je travaillais avait été arrêtée. Après avoir subi la torture, elle a lâché le morceau et j’ai été arrêtée à mon tour », raconta-t-elle.

La cinquième fois qu’elle a été arrêtée,  au cours de l’année 1961, lui a valu un séjour de deux mois à la maison d’arrêt de Draâ El-Mizan. Là, elle a subi les pires tortures et sévices. « Coups de poing et de pied, électricité, eau savonneuse, tout passait. Je les priais de me tuer, ils ne voulaient pas le faireJe n’étais pas du tout triste de me retrouver en prison, mais je me faisais du souci pour la vacance du poste que j’occupais. Je me demandais est-ce qu’il y a quelqu’un pour effectuer la mission qui était la mienne ? Qui allait transmettre l’information ? Qui allait informer les maquisards sur les mouvements des troupes ennemies ou sur un quelconque danger qui les guettait ? » raconta t-elle avant de quitter ce monde.

De cette période, nous rapporte Sadek, sa maman ne gardait aucune rancune. Dans sa sagesse et son souci de justice, elle avait toujours considéré que « du moment qu’on a accepté ce combat, on devait également accepter tout ce qui en découlait. La liberté a un prix et on ne peut pas traverser une rivière sans se mouiller ».

Nous noterons que l’entrée de Nna Tassadit dans le carré des martyrs de Tizi-N’Tléta jusqu’ici réservé à la gente masculine en dit long sur la résistance de la Kabylie aux forces obscurantistes et la tolérance dont elle fait preuve. Tamurt tient à lui rendre hommage et présente ses  sincères condoléances à ses enfants et petits enfants.

La Rédaction

6 Commentaires

  1. Azul akk-it
    Nos aînés ils se sont fait rouler dans la farine par le nouveau colon arabe. Que faire maintenant après tant de sacrifices ? Encore des sacrifices, des souffrances face a des gens hier étaient de véritables misérables et victimes du colon français, devenu a son tour notre bourreau. « Nous avons cru enfin être libre, mais faute de constater que nous avons seulement réussit a sortir de sa bouteille opaque le démon de l’impérialisme et du colonialisme arabe qui veut encore lui aussi nous accommoder a sa sauce ».

  2. Tous les pays libres et développés ont en commun le fait que chaque génération transmet à la génération suivante tout le patrimoine matériel et immatériel du pays avec en prime un ou plusieurs acquis engrangés par la précédente. La génération qui prend le relais y est évidemment préalablement préparée et formée à cet effet. Dans ces pays, on se préoccupe outre mesure de ce qu’on doit léguer aux futures générations et on en fait même un objet de fixation. Du patrimoine légué, c’est son volet immatériel qui constitue la plus grande richesse en ce sens qu’il englobe particulièrement les valeurs propres qui fondent l’existence de ces peuples. Même aux USA qui comptent parmi les plus jeunes nations dans le monde, le peuple Américain trouve matière à puiser dans la courte histoire du pays de quoi l’orienter, le diriger et le tirer toujours plus haut dans les cimes des réussites. Tout comme il ne vient pas à l’esprit d’un quelconque navigateur de naviguer à vue, sans boussoles et sans repères, cela est aussi valable pour un peuple qui se respecte et qui veut aller de l’avant tout en servant de son authenticité comme béquille ou point d’appui. Quant à la Kabylie, il est désolant de constater qu’un tel héritage fait grandement défaut. Si aujourd’hui nous en sommes à chercher notre voie, c’est que nos ancêtres lointains et proches ont quelque part failli à leur mission. Et on ne peut dire que c’est faute de temps, le peuple Kabyle étant plusieurs fois millénaire. Reste juste à savoir si nos ancêtres avaient raison ou tort. S’ils ont raison, c’est que notre situation actuelle ne souffre aucun avatar ou dysfonctionnement, si par contre, ils ont tort, alors une responsabilité lourde et historique incombe à la génération actuelle pour rectifier le tir et remettre la Kabylie sur rails.

  3. Merci a cette patriote pour son combat digne d’une femme Kabyle et toutes mes condoleanes a sa famille. Merrci aussi au journal Tamurt de ne pas avoir utiliser le mot « mud**hid » qui n’as pas sa place en Kabylie.

  4. Mes condoléances à sa famille et la famille révolutionnaire. …
    La liste est longue , mes grands parents ils ont des preuves des documents signer par un colonel nath aissi (commune ath Douala).
    Des années de galère sans succès pour trouver les 3 volet he ben mission impossible. .DIEU les a rappelé vers lui…en 1992et 2003…

  5. « du moment qu’on a accepté ce combat, on devait également accepter tout ce qui en découlait. La liberté a un prix et on ne peut pas traverser une rivière sans se mouiller ». C’est encore une différence qu’ont les kabyles avec les Algériens. Pendant la guerre les kabyles se sont bien battus, mettant toutes leurs forces et leurs effectifs dans le combat. Aujourd’hui ça leur permet de tourner la page de colonialisme afin de regarder vers le futur. Les algériens qui ont pour majorité collaboré avec l’ennemi ou assisté passivement à cette guerre continu pour leur part a regarder en arrière, pleins de rancœurs et de haine envers de nouvelles générations de Français qui ne leurs ont rien fait.
    .
    Quant je vois ce que même nos mères et grands-mères ont accomplis pendant cette guerre j’ai le cœur qui se gonfle de fierté. Et malgré toutes les souffrances et les plus grands sacrifices les kabyles avancent toujours.
    Merci à tout ceux et celles qui se sont battus et se battent encore pour la liberté du peuple kabyles. Paix et repos à cette grande résistante.

  6. Mes sincères condoléances à Sadek et à toute sa famille.
    Je garde un vivant souvenir de cette femme courageuse et fière.
    Elle était très tolérante et acceptait nos comportements de jeunes adolescents
    férus de pop music et révoltés contre les pesanteurs de la tradition.

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