Hommage de Lyazid Abid à Hocine Ait Ahmed : « Une grande leçon de dignité »

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Hocine Ait Ahmed
Hocine Ait Ahmed

LAUSANNE (TAMURT) – Une lettre en hommage au combat de Hocine Ait Ahmed, rédigée par Lyazid Abid, est remise hier mardi matin en mains propres à la famille de Hocine Aït Ahmed, lors de la cérémonie organisée à Lausanne pour lui rendre un dernier hommage avant le départ de sa dépouille vers la Kabylie où il sera enterré vendredi prochain. Ci-après la lettre dans son integralité :

Vivant, Hocine Ait Ahmed était le cauchemar du régime policier algérien. Traqué par la police politique jusqu’à son exil, il ressurgissait, à chaque grand rendez-vous de l’Algérie avec l’Histoire. Ses appels au respect des principes démocratiques, à l’alternance au pouvoir, troublaient le confort, mal acquis, des usurpateurs.

Il ne tôlerait pas l’injustice. Jeune, il a été parmi ceux qui ont brisé les chaînes du colonialisme. En voyant l’indépendance de son pays confisquée, il s’indigna et n’avait d’autres choix que de laver l’affront fait aux martyrs de la liberté. Malheureusement, son projet démocratique, soutenu par la population et les militaires kabyles, a été combattu par les populations et les militaires arabes. Cet isolement de la Kabylie qui s’est reproduit dans d’autres circonstances en 2001 ne l’a pas empêché de maintenir la pression sur le pouvoir algérien pour imposer un régime démocratique.

Pour Hocine Ait Ahmed, le FFS devait être un repère tangible pour tous ceux qui espéraient un changement réel. Aucune concession à l’État policier n’était envisageable. Visionnaire, il avait toujours une longueur d’avance sur le pouvoir algérien et ses laboratoires occultes. À Saint’Egidio, il tenta de sauver l’opposition d’une domestication programmée, mais rares sont les incorruptibles de sa trempe.

Confronté aux épreuves politiques d’une rare violence, il n‘a jamais renoncé à son identité amazighe. Contre le tsunami oriental, il est resté stoïque. En 1949, sa réponse, à Khider dépêché par Messali Hadj pour s’enquérir de la position du chef kabyle par rapport à la crise berbériste, recouvrait une dimension messianique : « Afin de ne pas compromettre le processus révolutionnaire, c’est que nous acceptons plutôt l’Algérie arabe que l’Algérie française. Par contre, j’ai le sentiment que certains préféreraient encore l’Algérie française à l’Algérie berbère ».

Ce non-renoncement de soi fut exploité par ses détracteurs pour l’écarter des centres de décisions. En Égypte, quand Aït Ahmed participait aux rencontres de la délégation du FLN avec Djamel Abdel Nasser, Dib, l’agent égyptien, soufflait à l’oreille du président égyptien : « Rais, évitez les sujets sérieux ! Le chauvin kabyle est parmi eux ». Imperturbable, Hocine Ait Ahmed continua son chemin vers l’essentiel, vers la liberté, vers le peuple, vers la gloire.
Vivant, il remit l’Égypte à sa place lorsqu’elle tenta de nuire à la réputation de la famille royale du Maroc. Il prouva que le Roi du Maroc considérait les dirigeants du FLN comme ses propres fils. L’arraisonnement par l’aviation française de l’avion des cinq historiques du FLN, en 1956, pourrait même être imputé aux manœuvres du président égyptien d’arrimer l’Afrique du Nord au Moyen Orient afin de fortifier sa vision baathiste. Ait Ahmed est incontestablement l’honneur de l’Afrique du Nord.

Son choix d’être enterré à Ait Yahia en Kabylie au lieu d’Al Alia à Alger est pour la jeunesse kabyle un message très puissant. C’est une délivrance. Nous reconnaissons là le signe fort d’un Juste. C’est le choix de ceux que la providence choisit pour éclairer leurs peuples. De là où ils sont, ses glorieux aïeuls, Cix Muhand Ulhucin et Fadma N Summer, doivent se sentir plus légers. La puissance de son dernier choix met fin à notre égarement. Il corrige nos erreurs stratégiques et réconcilie la Kabylie avec ses esprits.

De bout en bout, sa vie aura été une leçon de bravoure, d’humilité et de dignité. Notre tristesse se mêle à l’honneur qu’il nous lègue et nous interpelle. Désormais, Dda Lhocine Aït Ahmed ne nous quittera plus jamais. Son testament nous l’avons compris, nous le défendrons sans retenue.

Lausanne, le 29/12/2015
Lyazid Abid
Vice-Président du GPK

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