YENNAYER 2966 : Un événement festif et revendicatif

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(Contribution de Mme Sakina AIT AHMED pour Tamurt) – Yennayer 2966 sera placé sous un signe à la fois festif dans nos villages mais aussi revendicatif dans le cadre d’une marche à Tizi-Wezzu et Bougie le 12 janvier 2016.
Dans le cadre du troisième Congrès du MAK,cette année 2016 sera marquée par de nombreuses décisions très importantes pour l’avenir de la Kabylie, qui n’a cessé d’être dans la ligne de mire d’un pouvoir algérien qui se comporte comme une hydre à plusieurs têtes, car il ne cesse de concocter dans les méandres tortueux de ses arcanes, des propositions aussi macabres les unes que les autres dont le but final est de nous dépersonnaliser, nous absorber, nous noyer dans ce système, dans cette idéologie arabo-islamique exclusive.
Depuis plus de cinquante années de vie commune forcée, on ne compte pas les cadeaux empoisonnés dont ils nous affublent. Le plus récent concerne l’officialisation à grand minima de tamazight qui n’aura pas le statut de langue officielle de l’Etat, réservé uniquement à sa grande rivale, l’arabe classique
Après cinquante années d’arabisation à coup de milliards, cette vieille dame chancelante ne s’est pas encore parée de ses atours scientifiques.
Malgré ce statut de première épouse « minorée, délaissée, discriminée » la horde des islamistes assassins, amnistiés, choyés, payés , recyclés , reçus en grande pompe dans les arcanes et dorures du Palais présidentiel, consultés ne l’entendent pas de cette oreille. Ils prévoient de manifester dans la ville de Constantine car ce maigre « faux acquis » , ne leur convient pas du tout, il remet en cause, selon eux, la sacro suprématie totalitaire de l’arabe donc de l’idéologie arabo-islamique hégémonique .
Nous concernant, dès la parution de cette mascarade d’un avant projet de modification de la constitution algérienne nous avons répondu : d’une part nous ne sommes pas concernés et d’autre part il s’agit bien d’un coup d’épée dans l’eau monté de toute pièce dans le but de nous diviser.
Certes ce pouvoir tient une comptabilité machiavélique, pour lui ce n’est qu’une question de temps, reculer pour mieux sauter, histoire de se donner un peu de répit, en attendant le coup fatal d’une arabisation claironnante, absorber, arabiser enfin de façon irréversible à l’instar des autres régions, cette Kabylie qui les empêche d’arriver à leurs fins.
Toutefois leurs alliés islamistes ne l’entendent pas de cette oreille. Eux ils sont pressés, ils veulent en finir rapidement avec cette Kabylie qui les honni.
En tout état de cause, nous devons continuer à être très attentifs de ne pas nous laisser bernés par ces miroirs aux alouettes de notre perdition, ne pas tomber dans le piège fatal de la division qui nous est tendu.
Faisons en sorte que ce Yennayer 2066 millénaire ,que nos ancêtres nous ont légué, se perpétue tout en gardant son âme, ses principes fondateurs.
Faisons en sorte qu’il soit à la fois culturel et convivial mais aussi revendicatif pour faire aboutir le principe de l’Autodétermination de la Kabylie, de façon à choisir librement le statut politique culturel économique et social, qui nous sied en vue de préserver et de développer notre langue, nos valeurs culturelles notre économie, nos structures sociales en hommes et en femmes LIBRES dans le respect mutuel et en bonne intelligence avec les autres régions
Voici quelques éléments qui fondent Yennayer ce jour de l’an amazigh
Yennayer est une fête antérieure à l’avènement de l’Islam
C’est le premier jour de l’an dans le calendrier agraire utilisé par les Berbère depuis l’Antiquité. Ce calendrier débute avec la victoire de l’amazigh Sheshonq 1er en Egypte, qui deviendra le 1er pharaon berbère de la 22ème dynastie pharaonique, 950 avant Jésus-Christ.
Le nouvel an amazigh , Yennayer est une tradition ancienne inscrite dans le calendrier agraire des imazighens qui connaît aujourd’hui un regain de vitalité. Il est marqué par des rites, des mets , des augures.
Yennayer a toujours été fêté par tous les habitants de Tamazgha. Les invasions successives ne sont jamais arrivées à interrompre définitivement la chaîne de la transmission des rites de Yennayer depuis des millénaires.
Avec la langue, Yennayer est un élément civilisationnel qui unie et cimente les populations amazighs en général et les Kabyles en particulier.
La veille de Yennayer, les femmes kabyles recouvrent les murs avec de la chaux « arucu n tumlilt » la maison est méticuleusement nettoyée avec un balai de bruyère « amezzir ». Elles embaument les maisons d’herbes et de branchette d’arbres odorantes. Elles changent le trépied du kanun. Afin d’assurer l’abondance de la nouvelle année, elles versent les céréales entre les jarres en terre « ikufan ». La notion d’abondance est préparée et souhaitée de façon à conjurer le sort de mauvaises récoltes.
Le met principal national kabyle et des Bérberes en général est le couscous préparé avec du blé. Ce jour là on bannit le recours à la semoule d’orge noire qui constitue en temps ordinaire le repas du pauvre.
Le couscous est préparé avec une sauce à base de légumes secs. Selon les régions, on mélange deux à sept légumes (pois cassés, lentilles, fèves concassées « avisar », haricots blancs, cornilles ou doliques à œil noir, pois chiches..) et la volaille.
Dans la préparation des autres mets qui accompagnent le couscous, les femmes kabyles en appellent toujours à la profusion. Aussi elles composent un mélange « uftiyen » de céréales entières cuites à la vapeur ou grillées. Elles sont servies aux enfants le matin du 12 janvier, ou simplement jetées sur les arbres en prévision d’une bonne récolte à venir.
En fonction des moyens des familles, des fruits secs sont généreusement disposés dans un plat en bois ou en terre à la disposition des enfants .
Le repas « imensi n yennayer » est servi dans le respect du nombre exact de personnes composant la famille. On rajoute le couvert de l’absent et éventuellement iminig « le voyageur » la fille mariée et surtout « aεesas n wexxam » « le gardien de la maison ». On ne vide pas les plats, ce qui signifie qu’on doit manger à satiété ce jour particulier d’abondance.
Dans la soirée, la maîtresse de maison, dépose sur le toit quatre coupelles de terre remplies de sel, représentant chacune les mois de « yennayer, furar, maɣres et yevril ». Ce jour là la nature est fortement mise à contribution, elle est observée et écoutée avec une grande attention et respect, car elle est porteuse de présages « lfal »
Le mois de Yennayer est marqué par les processions d’enfants portant des masques. Ils déambulent de maison en maison ,chaque maîtresse de maison s’empresse de leur remettre des friandises et toutes sortes de mets. Dans les temps plus anciens, avant d’être légués aux enfants, car ces pratiques ancestrales ont été durement combattues par les adeptes de la religion qui considéraient qu’elles n’étaient pas conformes à leur conception de la vie sur terre, en fait c’était les hommes qui portaient les masques qui ont donné naissance au théâtre. Ces masques symbolisaient aussi le retour des invisibles sur terre, c’est à dire le retour sur terre des morts porteurs de la force de fécondité. Durant la fête, les femmes kabyles ne doivent pas porter de ceinture, symbole de fécondité.
Cette perception des liens entre les vivants et les morts est encore présente dans la littérature kabyle notamment dans les proverbes.
Ces éléments plus ou moins bien sauvegardés et que nous devons perpétuer démontrent le caractère agraire de Yennayer.
Sakina AIT AHMED

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