Réflexions sur la réforme de la Constitution algérienne

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Réflexions sur la réforme de la Constitution algérienne
Réflexions sur la réforme de la Constitution algérienne

(Contribution d’Arezki HAMMAI à Tamurt) – Le point de départ aurait dû se situer au lendemain de l’indépendance du pays, en 1962 et l’œuvre aurait dû échoir à la première Assemblée Nationale Constituante, élue pour cette tâche délicate pour jeter les bases du nouvel Etat, devenu indépendant après une occupation française de 132 ans et une guerre atroce, qui a duré plus de sept années de guerre sans merci. Sa mission était de répondre aux questions de l’heure :

1/ Définir la citoyenneté algérienne en se posant certaines questions incontournables : qui sommes-nous ? D’où venons-nous ? Dans quelle direction souhaitons-nous aller pour bâtir un Etat destiné à gérer la société ?
Des commissions furent constituées pour rédiger un avant projet de constitution qui sera soumis à l’approbation du peuple détenteur de la souveraineté.

Après la guerre des sables au cours de laquelle, l’armée des frontières, sous le commandement de l’Etat Major Général avec à sa tête le colonel Boumediène et le groupe d’Oujda devenu groupe de Tlemcen.
Pendant que les commissions planchaient sur le projet de constitution, Ahmed Ben Bella, au nom du groupe de Tlemcen débarquait au cinéma le « Majestic » pour faire approuver par acclamation un texte inspiré par ses conseillers Egyptiens, sous la houlette de Fethi Debih, présenté comme étant la future constitution algérienne démocratique et populaire.

Une constitution se définie comme un ensemble de textes juridiques qui définit les différentes institutions composant l’État et qui organise leurs relations
Elle est censée refléter le minimum démocratique autour duquel, à défaut d’un consensus national, regrouperait la majorité des citoyens pour bâtir un futur commun.
Si les juristes consentent à dire qu’il n’y a pas de texte idéal pour refléter une société qui est par définition, diverse, il est possible de s’en approcher en adoptant une démarche claire avec des objectifs généraux simples en tenant comptes des expériences des autres nations
De l’expérience des Constitutions successives que le pays a connues depuis 1963, la constante qui apparait c’est le décalage qui existe entre les proclamations affichées dans les textes et la pratique politique et sociales mises en œuvres.

Après des années de réflexion, de consultations tout azimut, la montagne Algérienne accouche d’une souris. Le grand évènement tant attendu n’est en définitive qu’un prolongement de la « Tarte nationale » concoctée par les « socialo-Islamo-Baathistes » réunis, devenus alliés objectifs pour enterrer notre histoire plurimillénaire et nous annoncer la fécondation de « l’homme nouveau » qui sera « arabe » devant prendre, occuper et peupler le pays Amazigh baptisé « terre d’islam ».
Pour eux, les Amazigh n’ont pas d’existence réelle au sens historique et si l’on reconnait l’existence de « royaume » c’est uniquement en tant que « Numide », ce qui signifie une émanation de l’occupant Romain, des harkis préhistoriques. Ils sont forts nos dirigeants dans la négation de soi. Nos dirigeants actuels ont tellement honte de leur histoire, qu’ils avalent toutes les couleuvres pour plaire à leurs maîtres orientaux qui leur demanderont toujours plus d’efforts pour mériter une petite reconnaissance.
La grande réforme constitutionnelle promise et claironnée sur tous les toits n’est qu’un texte idéologique traçant les priorités du gouvernement actuel et à venir, pour continuer la sale besogne négationniste dont l’origine remonte au texte de Messali HADJ de 1948 reprenant le triptyque posé par Ibn Badis : l’Algérie est mon pays, l’arabe est ma langue, l’islam est ma religion.

Pour eux, le pays est devenu « terre d’islam » inséré dans la région du couchant « arabe ». Au slogan de Massinissa qui proclamait « l’Afrique aux Africains », ces constitutionnalistes dénaturent le sol et ses habitants qu’ils arabisent et islamisent, en niant l’histoire et ceux qui pourraient avoir une autre foi ou pas du tout, au nom de l’islam, « religion de tolérance, respectueuse des autres cultures. » Le slogan des « Arabes en Arabie » trouve toute sa place dans ce contexte, au risque de se voir traiter de « raciste ».
1/ Le principe d’égalité des citoyens en droits et en devoirs, qui n’est jamais respecté ne serait-ce qu’à l’égard des femmes comme en témoigne le code de la famille adopté en 1984.

2/ La discrimination introduite dans le cadre de l’article 51, qui prive les personnes détentrices de la double nationalité, d’accéder aux postes de responsabilité dans les structures de l’Etat. Les rédacteurs ont même poussé les choses jusqu’à l’absurde, en distinguant les binationaux de naissance de ceux qui optent pour une autre nationalité. Ce point constitue la transposition en droit de l’interdiction faite au musulman changeant de religion qui est frappé d’apostat et puni de mort.

3/ Les modifications à la carte des dispositions constitutionnelles à convenance du chef de l’exécutif, comme la suppression de la limitation de mandats présidentiels en 2008, pour la rétablir en 2016 en se référant au projet de révision proposé pour cette année.

La constitution, texte fondamental régissant un pays doit être un texte consensuel, destiné à réunir les citoyens autour de valeurs essentielles traduisant une communauté de destin. Il a pour vocation de réunir les gens, ne doit pas être clivant pour ne pas diviser la nation, les dressant les uns contre les autres.
Au lieu de cela, nous avons droit à un programme politique du gouvernement, pour mener à son terme la mission définie par les Frères Musulmans enveloppée dans le discours messaliste, au sein du mouvement national et mise en œuvre par les gouvernants successifs de l’Algérie depuis 1962. Les contours ont été développés dans la Charte nationale et l’école fondamentale. La suite nous la connaissons depuis 1983 avec les terroristes islamistes et le FIS, des années 90 et la décennie noire avec ses cortèges de meurtres, massacres, viols que le pays a connus et vaincu mais à quel prix.
Peut-on nous dire pourquoi on mentionne dans le préambule d’un texte Constitutionnel les formules comme : « Le peuple algérien demeure attaché à ses choix pour la réduction des inégalités sociales et l’élimination des disparités régionales. Il s’attelle à bâtir une économie productive et compétitive … » c’est un aveu d’échec après l’exercice d’un pouvoir sans partage depuis un demi siècle. Les rédacteurs poursuivent « La jeunesse est au centre de l’engagement national à relever les défis économiques, sociaux et culturels, un engagement dont elle sera un bénéficiaire principal ainsi que les générations futures ». C’est juste du remplissage qui n’a pas sa place dans une constitution.
Nos dirigeants ne se préoccupent point du juridisme. Les textes constitutionnels, les lois et autres décrets qui ne servent qu’à se donner l’apparence d’un vrai Etat, tel un décor de théâtre pour amuser la galerie et ceux qui s’illusionnent dans le mimétisme
Qu’attendre d’un pouvoir qui procède à une modification de la Constitution, supprimant la limitation de mandats présidentiels à son propre profit, alors que chacun sait que les Lois ne disposent que pour l’avenir. On ne fait pas adopter une Loi pour son propre profit sauf lorsqu’on est Bonapartiste. Il s’agit ni plus ni moins d’un coup d’état opéré avec la complicité bienveillante des partis politiques et autres organisations civiles, puisqu’il n’y eut ni protestation ni dénonciation.

Avec cette nouvelle mouture, on retourne à la case départ, comme si de rien n’était. On re-limite le nombre de mandats pour l’après 2019 : simple jeu d’enfant du FLN new-look.
Les précédentes constitutions (1963, 1976, 1989, 1996) ont toutes consacré l’égalité des citoyens en droits et en devoirs, ce qui n’a pas empêché l’adoption du code de la famille de 1984
LANGUES NATIONALES ET OFFICIELLES DITES-VOUS ?
Il serait plus simple d’affirmer qu’il y a deux langues nationales et officielles : la langue Amazigh et la Langue Arabe. Le classement découlant de l’antériorité historique de la première langue.
La langue d’expression de l’Etat pourrait se définir en fonction de l’intérêt du pays tant sur le plan politique, économique que culturel.

La religion ne doit, ni ne peut avoir de place dans le texte fondamental car ce sont des personnes qui peuvent avoir la foi pas une structure institutionnelle. S’agissant de la foi, la liberté de conscience des personnes dans une société ancienne et diverses de par sa composition complexe avec des pratiques remontant à la nuit des temps, l’Etat ne peut leur imposer un rite ou une pratique. L’Etat ne prie pas mais les croyants peuvent avoir une foi et la pratiquer chacun à sa manière et en fonction de sa relation avec celle-ci et de son rituel.
Les Imazighenes qui ont été là, sur cette terre depuis les temps immémoriaux sont niés dans leurs existence, dans leurs droits fondamentaux, ceux d’être eux-mêmes, chez eux parler leur propre langue et gérer leurs affaires comme bon leur semble, se retrouvent relégués à l’article 3bis dont la langue serait consacrée comme EGALEMENT LANGUE OFFICIELLE. Nous sommes devenus étrangers sur les terres de nos ancêtres et certains d’applaudir à cette aumône concédée par les maîtres du moment.

L’article 178 définit les points sur lesquels on ne pourrait jamais revenir, consacrés comme intouchables à jamais. Ce qui nous renvoie aux fameuses constantes nationales. Chacun sait qu’en politique, le mot « jamais » n’existe pas. Le peuple souverain peut décider de tout y compris « couper la tête au Roi » ou Président autoproclamé ou élu. L’histoire nous offre des exemples flagrants de l’inutilité de ce genre de proclamation, qui ne servent qu’à faire peur au peuple qu’on manipule à outrance ou qu’on divise à volonté, en dressant les groupes les uns contre les autres, jusqu’au jour où ce même peuple en aura marre de ses dirigeants et leur demandera des comptes, à sa manière, en recourant à la violence qui pourrait être légitime devant l’injustice, l’humiliation, le négation des valeurs fondamentales comme la négation de ce qui est considéré comme essentiel, irréductible.
Nul besoin d’être juriste pour connaître l’adage suivant : « Qui peut le plus, peut le moins ». Le peuple, seul souverain, par voie référendaire par l’intermédiaire de ses représentants, pourra décider des droits et devoirs de chacun, pour peu qu’il soit animé d’esprit de démocratie et de justice. Préoccupation que les dirigeants algériens n’ont jamais éprouvée à l’égard du peuple à qui ils doivent tout, surtout pour beaucoup, en étant parti de rien.
Exclusion des expatriés et de leurs descendants

Quant à ses enfants, obligés à s’exiler par les dépossessions coloniales et les politiques actuels pour se nourrir et venir en aide aux leurs, ils sont considérés comme des non-citoyens. Ce sont des « Zimigrés » qui ont la belle vie là-bas avec des euros à gogo et des nanas à ne plus savoir où donner de la tête. Le régime qui occupe les devants de la scène politique depuis 1962, voue une haine non dissimulée à l’égard de ses expatriés. En plus des brimades et bakchichs aux douanes, des difficultés dans les Consulats et du racket pratiqué sur les prix des billets de transport, on nous applique la règle 51/49 nous excluant du marché économique du pays et à présent, on nous exclut de la vie publique avec cet article 51 contenu dans le projet d’amendement de cette future Constitution.
Nous savons bien qu’il s’agit là d’un leurre pour faire diversion, amuser la galerie, et offrir une victoire à peu de frais pour leurs amis politiques (députés du FLN et autres alliés) qui protesteront et pour leur faire plaisir, ces aberrations juridiques seront supprimées dans le projet définitif.

Le pouvoir cherche à gagner du temps pour parachever son œuvre d’arabisation de la terre peuplée de vrais musulmans, Quant aux imazighens, ils nous laissent dans notre coin pour nous faire tourner en rond en jouant des « particularismes locaux », des ambitions individuelles et distribuer quelques strapontins bien rémunérés.
La terre des hommes libres est vouée à changer de couleur et de vocation. Nous sommes passés d’hommes libres Africains à Nord Africains pour finir comme maghrébins avec comme référence identitaire Mekka et pour les autorités d’Alger, nous ne sommes que des « zimigrés » privés du minimum reconnu aux citoyens du pays.
Pourquoi priver les binationaux de leurs droits, maintenant et pour l’Avenir alors que nous avons eu un Marocain (Ben Bella) comme président et un autre, naturalisé depuis peu et qui préside le Conseil de la Nation et autre Chakib Khelil. Peut-on connaître les nationalités multiples des dirigeants et hauts cadres du pays ? Ils n’ont pas honte d’afficher un tel racisme, ostracisme et mépris envers ceux qui ont tant donné et aimé ce pays, qu’ils veulent s’approprier à titre privé au nom d’une lutte qu’ils n’on jamais livrer et une identité et idéologie sans fondement et étrangère. C’est une insulte à l’Histoire et à nos aïeux qui méritent un sursaut des descendants de Massinissa, pour se donner les moyens de balayer tous ces usurpateurs qui se comportent en conquérants des temps modernes. Nous n’avons pas grand-chose à attendre d’eux ni à revendiquer. Il nous suffit d’être nous-mêmes, chez nous et de nous comporter en tant que tels en leur disant « nous sommes chez nous »

Arezki HAMAMI

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