Elections en Kabylie : Atteints du syndrome de Stockholm « Le pouvoir fait tout pour éloigner les citoyens du vote ».

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Bureau des élections

CONTRIBUTION (Tamurt) – C’est la dernière découverte du président du RCD Mohcine Belabbas pour justifier la participation de son parti aux élections législatives et municipales. Aussi farfelue qu’elle paraisse, cette assertion ne surprend pas. Cette galéjade qui ne fait aucunement rire rappelle deux autres de haute volée et du même genre : « je suis kabyle parce que je suis arabe » et « entre l’Algérie et la démocratie, je choisis l’Algérie ».

On voudrait dire au président du RCD où sont passés les milliers et milliers de femmes et d’hommes dont je faisais partie qui ont accompagné le Rcd dans des meetings et des marches mémorables ? Voilà un parti qui a tourné le dos à la cause identitaire, qui a renié la laïcité, un fondement de sa profession de foi initiale, qui a escamoté tamaziγt de son logo. Cette dérive est vécue par des milliers de supporters du parti comme un véritable crève-cœur. D’autant qu’il doit exister encore en son sein quelques intelligences affirmées. Ce parti pour lequel des dizaines de milliers de femmes et d’hommes ont donné leur voix, leurs bras, leurs jambes et pour certains leurs biens, vous l’avez transformé en coryphée des psalmodies des émirs Mokra, Djaballah et consorts. Je m’abstiens volontairement d’évoquer l’autre parti qui, de fait, est une secte dont tous les postes-clés sont distribués à des confrères soigneusement sélectionnés.

Pourtant l’histoire est là pour rappeler aux uns et aux autres le sort que le régime algérien a réservé à la Kabylie. Dès les prémisses de l’indépendance de l’Algérie, le clan d’Oujda ourdit ses plans de conquête du pouvoir. Le clan sait que l’exécution d’un tel plan est aisée lui qui disposait d’une armée repue qui s’entraînait au-delà des frontières Est et Ouest à l’abri de tout danger. Et de fait, les responsables de cette armée n’ont pas hésité à s’attaquer aux éléments des wilayas III et IV, exsangues par 7 années et demi de guerre. S’ils l’ont fait sans aucun état d’âme, c’est bien qu’ils considéraient leurs adversaires non comme des frères de combat opposants mais comme de vrais ennemis. Les seuls qu’ils ont eu à combattre d’ailleurs. Quand au lendemain de l’indépendance Ben Bella vociférait par trois fois que nous étions arabes et rien que des arabes, il ne s’agissait pas de crise d’hystérie mais de la désignation précise de l’ennemi qu’il fallait contenir dans l’espoir de l’éradiquer à terme. Depuis, le régime composé de cette faction qui n’a pas pris part à la lutte armée s’est employé à entretenir le mythe de l’ennemi intérieur – la Kabylie – et invente régulièrement des dangers qu’elle couverait. Les exemples sont connus, inutile de les redire. Après sa prise de pouvoir, le clan n’avait aucune intention de céder son pouvoir à quiconque. Il se renforce au contraire avec l’apport et l’accord de partis qui ont tourné casaque pour une bouchée de pain. Deux faits récents indiquent clairement que la recherche systématique d’un consensus autour de ce régime qui se veut plébiscitaire relève d’une stratégie qui s’exonère du droit : Ahmed Ouyahia, chef de cabinet de Bouteflika s’est précipité à féliciter vivement le RCD qui venait d’annoncer sa participation aux élections et le ministre de l’Intérieur Bedoui menace le parti de Benflis de dissolution à cause de sa déclaration de boycottage. Une sommation claire à une sommation totale.

Si on excepte le petit intermède Boudiaf, c’est l’entre-soi du clan qui a prévalu toujours et à chaque niveau de responsabilité politique et de contrôle économique. Avec Bouteflika, le système a atteint une indécence telle que plus personne de raisonnable ne parle de l’Algérie comme d’une république. Aujourd’hui, même les gradés de la police sont employés à amadouer des collégiens et des lycées de Kabylie pour leur montrer le grave danger que représente le mouvement souverainiste. L’Algérie est devenue au fil des ans un pays policier de même acabit que le système construit par Benali en Tunisie, avant sa déchéance et sa fuite. Le racisme est consubstantiel à la culture arabo-musulmane si on peut qualifier de culture une idéologie dont le rêve suprême est de détruire tout ce qui est antéislamique. Las arabo-musulmans exercent leur racisme envers même ceux qui les accueillent dans leur pays. C’est vrai en Europe, en Asie, en Amérique et en Afrique. Et en Kabylie même, l’exemple de cette demande d’un palestinien à exonérer sa fille, intégrée totalement et parlant parfaitement le kabyle qui est élève d’un établissement secondaire à Asqif (ex-Michelet) des cours de tamaziγt, demande appuyée par l’ambassadeur palestinien lui-même, est l’expression patentée de ce racisme.

De nombreux algériens restent indifférents à la répression qui s’abat sur les militants kabyles. Il y en a même qui s’en réjouissent et ils ne voient pas la condition humiliante que le pouvoir algérien leur inflige à eux-mêmes. Ils ne se sont pas prêts à se résoudre à voir et comprendre que dans un régime qui applique méthodiquement et depuis des décennies au pays une arriération sans mesure, le patriotisme est une idiotie. Mais peine perdue, le défoulement antikabyle ne peut pas cacher la stupidité d’un pseudo patriotisme au bénéfice du régime qui les traite de moins que rien. Des journaux et des chaines de Tv privés font le même travail antikabyle avec des encouragements même pas dissimulés des pouvoirs publics. Après l’épisode de l’année 2012, la Kabylie a fait face cette année encore à une situation pitoyable à cause de l’enneigement qui l’a paralysée des cimes des montagnes jusqu’au plan de la mer. Durant des jours et des nuits, la population kabyle a vécu un calvaire interminable qui n’a suscité aucune réaction de la part du gouvernement qui tenait, imperturbable, des réunions de préparation des élections législatives et municipales. Comble de mépris, ce n’est qu’après l’accalmie venue que la présidente du Croissant rouge algérien s’est rendue dans la région de Wizgan et At Ziki avec au passage l’arrachage de la plaque commémorative dédiée à Matoub Lounès et Ferhat Mehenni que Madame la présidente ne saurait voir. S’il restait encore le moindre doute sur l’état de colonisation de la Kabylie, cet événement marque un stigmate de plus dans la violence faite à son peuple en cet hiver 2017 après celui de 2012.

L’Algérie “une et indivisible” est, depuis 1962, un continuum d’états d’urgence qui masquent une crise de valeurs ouverte depuis le rejet des résolutions du Congrès de la Soumam. Déjà en 2012, à la curée électoraliste qui aiguillonne les éternels pique-assiettes, les citoyens d’Iferhunen et d’At Vumehdi ont répondu par un bûcher de cartes de vote et l’évacuation de la télévision du régime dépêchée pour la propagande. Élections ou pas, le régime restera le même. Par conséquent, la rapacité des dirigeants actuels qui se nourrissent de haine de l’autre et d’un esprit de revanche jamais assouvie ne seront jamais enclins à labourer un champ dont la moisson enrichira d’éventuels successeurs. Ils continueront dans le saccage des richesses et les algériens boiront le calice jusqu’à la lie. Et sous la férule du régime, la Kabylie continuera à s’appauvrir avec l’acquiescement électif d’éternelles brebis galeuses kabyles qui ajoutent à leur cupidité du cynisme pur.

Azru Loukad  

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