Appel de l’URK pour sauver la Kabylie

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Lyazid Abid,
Lyazid Abid

DECLARATION DE L’URK (TAMURT) – La Kabylie est un précieux héritage que nous devons préserver. Quelle que soit nos différences et nos calculs politiques, nous devons tout faire pour la préserver. Nous savons, tous, que le salut ne viendra pas de l’Etat algérien, jacobin et arabo-musulman.

L’Algérie est rattrapée par son histoire. Sa politique criminelle anti amazighs l’a menée droit au mur. Le pays est à bord de l’implosion. Chaque clan actionne ses relais pour son maintien au pouvoir. Les généraux paralysent le pays par une lutte de leadership au sein de l’institution militaire, véritable détentrice du pouvoir depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962. A ces conflits d’intérêt claniques, qui font rage, la rue, de son coté, maintient la pression depuis le mois de févier 2019 et demande le départ de toute la classe politique algérienne pour instaurer un Etat de droit.
Mais dans un pays comme l’Algérie, constitué en réalité de plusieurs peuples contraints par la France coloniale à vivre sur un même territoire, pour mieux asseoir sa domination et dont le schéma est reconduit par l’Algérie indépendante sous la bannière de l’arabité et de l’islamité, l’équation politique à résoudre dépasse la problématique de l’instauration d’un Etat de droit. Conscients de cette difficulté, les Kabyles, qui avaient longtemps espéré une Algérie démocratique et puissante où ils seraient acceptés en tant que tels, voient leur rêve s’éloigner.

Désillusionnés, ils se préparent à affronter politiquement un pouvoir qui les combat constamment. Aux différentes revendications de la Kabylie pour instaurer la démocratie en Algérie à savoir un système décentralisé, régionalisé, l’autonomie, un statut particulier et enfin l’indépendance, le pouvoir algérien a toujours opposé une fin de non-recevoir, sans motif ni possible dialogue. A ce déni permanent du pouvoir algérien se greffe malheureusement le rejet de l’intelligentsia algérienne. Pour elle l’échec du Hirak est dû à sa « kabylisation ». Pour cette élite, la rébellion armée de la Kabylie en 1963, le printemps amazigh en 1980 et le printemps noir en 2001, consacrés à la démocratisation de l’Algérie, seraient un anachronisme.
Cette réflexion d’apparence innocente confirme que la reconnaissance qu’attendait la Kabylie de son engagement pour l’Algérie est aussi minée par le bas.

Pourtant, les Kabyles auraient pu proclamer leur Gouvernement depuis très longtemps. Ils avaient l’occasion de le faire en 1949 pour imposer la Kabylie amazighe, africaine et méditerranéenne, en 1956 lors du congrès de la Soummam pour la maitrise de leur avenir, en 1963 avec la rébellion armée sous la bannière du FFS, pour s’opposer au push de Ben Bella et de Boumediene, en 1980 pour échapper au despotisme algérien et puis en 2001, lorsque les services de sécurité algériens avaient commis l’irréparable en assassinant 127 jeunes kabyles manifestants pacifiques et blessant des milliers d’autres, dont beaucoup demeureront handicapés à vie. Ce n’est qu’en 2010 que la Kabylie a crée l’Anavad. Ne dit-on pas qu’il vaut mieux tard que jamais ?

Depuis cette année charnière, la Kabylie opère dans le sillage des pays qui cherchent à s’émanciper en franchissant les lignes rouges édictées par l’Algérie. Bien évidemment, à ce stade, la dignité humaine recommande et légitime le recours à tous les moyens pacifiques disponibles pour défendre son honneur. D’autres peuples, avant nous, ont fait valoir leur droit à l’indépendance en traversant des épreuves moins douloureuses que les nôtres. D’autant plus que le droit à l’autodétermination des peuples, surtout s’ils sont opprimés, est garantie par le droit international. Cependant, pour qu’un Etat soit reconnu par la communauté internationale, le critère distinctif est l’absence de subordination à toute autre entité. Cette souveraineté, qui fait grandement défaut à la Kabylie, doit se gagner dans les faits. Elle ne s’improvise pas, ni se décrète. Selon le droit international, pour être reconnu, l’Etat doit avoir un contrôle effectif sur son territoire. À défaut, même si la majorité de la population plébiscite son indépendance, il n’y a pas reconnaissance.

Pour exister, la Kabylie ne peut pas faire l’économie de cet effort. Mais comme il y a loin de la coupe aux lèvres, des chemins adaptés et plus accessibles à ce but stratégique doivent être envisagés. Cette option conciliante peut parvenir à dégager un dénominateur commun entre les autonomistes et les indépendantistes kabyles.
Ce rapprochement est nécessaire pour concrétiser les revendications de liberté du peuple kabyle qui passent inévitablement par la mise sur pied en urgence d’un Etat kabyle effectif. Un Etat qui permettra aux Kabyles de gérer les affaires de leur cité et qui sera doté de fonctions régaliennes, à savoir : la faculté de lever l’impôt, partie de ses ressources financières, avoir sa propre police, posséder une cour de justice autonome, avoir une école kabyle indépendante et se doter de ses propres médias.

Un tel Etat kabyle ne peut assurément pas coexister avec l’Etat algérien dans le cadre de l’actuelle constitution algérienne, d’où l’inévitable reforme constitutionnelle pour instituer soit un Etat fédéral, ou plurinational, ou unitaire régionalisé. Une telle réforme, dans un pays où la culture politique de l’élite ne permet même pas d’en débattre, est un énorme défi. Si les autonomistes, seuls, ou via le Hirak, réussissent à faire valoir ce changement structurel, les indépendantistes kabyles ne s’y opposeraient certainement pas. Encore faut-il que leur objectif d’indépendance ne soit pas hypothéqué par un quelconque verrouillage constitutionnel ou institutionnel et que les indépendantistes puissent activer politiquement en toute légalité et en toute liberté. C’est de cette façon que se conçoit la modernité et la démocratie, tout le monde a le droit de s’exprimer y compris la Kabylie en tant que peuple. Aucune concession ne peut être faite à ce principe.

Si le pouvoir algérien refuse tout contrat de coexistence avec la Kabylie, celle-ci doit être prête à concrétiser le slogan colporté partout et qui gagne de plus en plus la raison et le cœur de nos concitoyens : changement ou sécession. Par contre, en cas d’éventuelle implosion de l’Algérie, la Kabylie s’emparera de son territoire et y imposerait sa souveraineté par tous les moyens pacifiques.

Si le système venait à se maintenir par la force ou par la manipulation de la Révolution du Vendredi, il procédera à un lifting de son Etat. De nouvelles figures, jeunes et fraiches seront hissées au rang de ministres avec l’aval de l’institution militaire. Le Hirak sera promu au rang de réformateur du système algérien et se substituera au FLN et au RND. Cette nouvelle façade ferait du Hirak le porte-parole de l’armée algérienne qui continuera à gérer le pays derrière les coulisses. En tout état de cause, la situation du pays est des plus incertaines et un cadre de concertation est plus que jamais souhaité par tous les protagonistes. Pour son organisation, une invitation est lancée pour une rencontre entre Kabyles pour la Kabylie.

À travers cette déclaration, nous apportons notre détermination à continuer la lutte pour la liberté. Nous lutterons, comme nos ancêtres l’ont fait contre les colons de jadis. Nous sommes responsables de notre avenir, le pouvoir algérien est déjà coupable de sa tentative d’assassinat sur la Kabylie et sur les Peuples amazighs.

Le peuple kabyle a de bonnes raisons de considérer les partis kabyles (MAK, URK et RPK) comme des entités entièrement nouvelles et modernes. Nous faisons une belle lutte, la plus belle de toutes. Une lutte à laquelle personne ne nous oblige. C’est une nouvelle page que nous ouvrons. Une histoire kabylo-kabyle va s’y écrire. Nous l’écrirons ensemble, pour la Kabylie. D’ores et déjà, la formidable vitalité politique de notre jeunesse sera consacrée exclusivement à sa libération de l’emprise mortifère de l’arabo-islamisme. L’extinction de la flamme amazighe n’aura pas lieu, n’en déplaise à la junte militaire et à ses relais.

Lyazid Abid, Union pour la République Kabyle (URK)

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