Evocation : Il y a 27 ans disparaissait Said Mekbel, l’homme de la plume libre

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Said Mekbel
Said Mekbel

KABYLIE (TAMURT) – Il y a 27 ans jour pour jour, le 03 décembre 1994, disparaissait le célèbre journaliste kabyle, Said Makbel, dans un attentat attribué à des islamistes algériens. Il a été lâchement assassiné de deux balles dans la tête, à Hussein Dey (Alger), alors qu’il était attablé à une pizzeria qui se trouvait à quelques mètres du journal Le Matin dont il était directeur de publication. Un an avant son décès, il affirmait à la journaliste allemande Monika Borgmann que les intégristes islamistes ne sont pas les seuls auteurs des assassinats en Algérie, mais aussi une partie de ceux qui étaient dans le pouvoir et qu’il qualifiait de « maffia ». Ce témoignage a été rapporté par la journaliste allemande dans son livre « Saïd Mekbel, une mort à la lettre » publié en 2008 aux Éditions Téraède.

Connu pour sa chronique satirique Mesmar Dj’ha, Said Mekbel venait de publier, le 03 décembre 1994, son dernier billet étrangement prémonitoire « Ce voleur qui… ». Il a été enterré dans sa ville natale, Vgayet, où il a vu le jour le 25 mars 1940. Pour lui rendre hommage, une stèle commémorative à l’effigie du chroniqueur a été érigée à la cité Rabéa, au cœur de la ville de l’antique Saldae.

Arezki Massi

Nous vous proposons de relire son dernier billet « Ce voleur qui… », publié le jour de son assassinat :

« Ce voleur qui…
Ce voleur qui, dans la nuit, rase les murs pour ­rentrer chez lui, c’est lui. Ce père qui recommande à ses enfants de ne pas dire dehors le méchant métier qu’il fait, c’est lui.
Ce mauvais citoyen qui traîne au palais de justice, attendant de passer devant les juges, c’est lui.
Cet individu, pris dans une rafle de quartier et qu’un coup de crosse propulse au fond du camion, c’est lui. C’est lui qui, le matin, quitte sa maison sans être sûr d’arriver à son travail. Et lui qui quitte, le soir, son travail sans être certain d’arriver à sa maison.

Ce vagabond qui ne sait plus chez qui passer la nuit, c’est lui. C’est lui qu’on menace dans les secrets d’un cabinet officiel, le témoin qui doit ravaler ce qu’il sait, ce citoyen nu et désemparé…
Cet homme qui fait le vœu de ne pas mourir égorgé, c’est lui. Ce cadavre sur lequel on recoud une tête décapitée, c’est lui. C’est lui qui ne sait rien faire de ses mains, rien d’autres que ses petits écrits, lui qui espère contre tout, parce que, n’est-ce pas, les roses poussent bien sur les tas de fumier.
Lui qui est tous ceux-là et qui est seulement, journaliste. »

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