Ferhat Mehenni à Radio Arabian: « La France préfère le régime algérien à une Kabylie indépendante »

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Ferhat Mehenni à radio Arabian
Ferhat Mehenni à radio Arabian

EXIL (TAMURT) – La question kabyle, notamment la revendication du droit à l’autodétermination par les indépendantistes, continue de susciter l’intérêt des médias internationaux. Le 14 mars dernier, c’est le média panarabe ‘’Radio ARABIAN’’ d’expression française qui s’est intéressé à la Kabylie et à l’aspiration de son peuple au recouvrement de sa souveraineté. Bien que ce média, lancé par des tunisiens, soit « porté essentiellement sur l’arabité et la nation arabe et musulmane », comme il se décrit lui-même, et militant pour « l’unité nationale arabe », il a offert sa tribune au président du MAK, Ferhat Mehenni, pour s’exprimer dans un long entretien.

Interrogé par le journalise de ‘’Radio Arabian’’ sur l’existence d’une éventuelle « connivence » entre la France et le MAK, le président du Gouvernement provisoire kabyle en exil (GPK) a déclaré que le mouvement indépendantiste kabyle ne reçoit aucun soutien de la part de l’Elysée, qui préfèrerait plutôt le régime algérien. « La France préfère le régime algérien à une Kabylie indépendante. Elle ne veut pas la destruction de son modèle jacobin », a répondu en substance le leader indépendantiste, qui croit que l’Algérie repose sur le système jacobin hérité du colonialisme français. « Pourquoi la France refuse donc votre extradition ?, enchaîne l’animateur de ‘’Radio Arabian’’, en évoquant le mandat d’arrêt international lancé par la justice algérienne à l’encontre de Ferhat Mehenni en été 2021. Dans sa réplique, le président du MAK a mis en avant son statut de réfugié politique, son innocence du crime qui lui est reproché et le fait que la France est un Etat de droit pour expliquer la position de l’Etat français sur la question de son expulsion. « Je ne dépends pas de la France à partir du moment où je suis sous le régime des conventions de Genève, en tant que réfugié politique. Ce serait très grave pour la France de livrer un homme à un régime criminel au prétexte qu’il revendique (le droit à l’autodétermination). Dieu merci, en France il y a un Etat de droit. Il y a encore des libertés individuelles et collectives qui sont respectées.

En plus, il y a un attachement à la loi internationale qui fait que les conventions de Genève lui dictent de ne pas livrer un opposant politique pour des raisons politiques. Même si la France accepte l’extradition, il faut passer par des tas de procédures judiciaires pour arriver à une extradition d’un homme qui, par ailleurs, n’a commis aucun crime. Revendiquer le droit à l’autodétermination de son peuple est quelque chose de civique », a répliqué le président de l’Anavad (GPK), tout en dénonçant l’attitude hypocrite du régime algérien. « L’Etat algérien est mal placé pour donner des leçons d’intégrité territoriale ou autres. Il finance et arme le Polisario contre le Maroc (…) L’attachement de l’Algérie au droit à l’autodétermination ne doit pas être à géométrie variable », a-t-il affirmé. Par ailleurs, appelé à définir ce qui l’Algérie, l’auteur de ‘’Réflexions dans le feu de l’action : Histoire de la renaissance du peuple kabyle’’ (Paris, Fauves éditions, 2021, 376 p.) a souligné que ce pays « est une création ex nihilo de la colonisation française qui n’a pas réussi à générer une nation » et que l’Algérie « est une mosaïque de nations ». Et d’expliquer : « La France comme tous les pays colonisateurs du 17, 18 et 19 siècles croyaient qu’il suffisait de mettre sur pied une administration, de lui délimiter un territoire pour en faire un pays et une nation. On a vu à travers l’histoire que tous les pays créés par la colonisation sont en général des pays faillis dans la mesure où ils n’ont pas cette âme nationale. L’Algérie a plusieurs peuples à l’intérieur d’elle-même et je pense que chacun d’eux aspire profondément à être différent et à avoir sa liberté, son existence distincte de celle de l’Algérie », a-t-il développé.

« L’Algérie est le pays colonial dans lequel la France nous a piégés et annexés »

Pour Ferhat Mehenni, la Kabylie avait initialement une existence distincte de l’Algérie, laquelle a été créée par un décret du ministre français de la guerre, le général Schneider, vers 1840, et que c’est la France coloniale qui avait annexée la Kabylie après sa défaite en 1871. « L’Algérie est le pays colonial dans lequel la France nous a piégés et annexés. Il faut savoir que la Kabylie n’a pas fait partie de l’Algérie initiale, créée par la colonisation. L’Algérie a été créée par un décret du ministre de la guerre, le général Schneider, qui avait délimité le territoire, avait donné le nom de l’Algérie à ce territoire et dans lequel la Kabylie ne figurait pas. Il y avait la carte géographique de l’époque (désignant) l’Algérie française et la Kabylie indépendante. Notre annexion est intervenue après deux défaites militaires (celles de 1857 et 1871), qui n’ont jamais été actées par des traités comme (ce fut le cas avec) l’émir Abdelkader qui s’était rendu et a trahi en signant avec la France (un traité de reddition). Les kabyles n’ont signé le moindre traité avec la France pour dire qu’ils se soumettaient à la France », a déclaré le président du MAK. Celui-ci a ensuite rappelé le lourd tribut payé par la Kabylie pour l’indépendance de l’Algérie.

« Sans la Kabylie, l’Algérie serait peut-être encore sous domination française. (…) Quatre martyrs sur cinq étaient kabyles. Pourquoi ? La Kabylie se sent comme étant existante en tant que nation, en tant que peuple qui avait ses propres structures de gouvernement et ses structures fédérales et le fait qu’un étranger vient l’envahir et lui enlever sa souveraineté a été une blessure narcissique que la Kabylie n’a jamais acceptée. (…) La Kabylie s’est élevée contre la France parce qu’elle avait une personnalité, elle était une entité constituée déjà. Un peuple et une nation déjà valide », a soutenu Ferhat Mehenni.

Lyes B.

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