Arabiser, c'est déberbériser la Kabylie, pour l'anthropologue Tassadit Yacine, le pouvoir veut diviser les Algériens

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Déchirée entre plusieurs identités, plusieurs langues, la société algérienne est-elle schizophrène?

Cette schizophrénie s’explique en tout cas par l’histoire de l’Algérie et du pluralisme linguistique dont elle a hérité: la berbérité, qui la relie à son histoire ancienne préislamique et africaine, a modelé son histoire pendant plusieurs millénaires et jusqu’à l’arrivée des musulmans au VIIe siècle; l’arabité, qui la relie à la religion mais aussi à son histoire avec l’Orient; et enfin la francophonie, qui lui fut imposée par la colonisation. Le berbère et l’arabe, langues maternelles, et le français sont, à des degrés divers, constitutives de l’identité algérienne. Ce qui est en revanche problématique, c’est la gestion de ce pluralisme par les autorités depuis l’indépendance en 1962. Au lieu de pousser dans le sens d’une harmonie, d’un compromis entre ces trois dimensions, elles ont toujours posé le problème en termes d’affrontement et tenté d’exploiter, surtout dans les périodes de crise, ces différences pour dresser les Algériens les uns contre les autres et se poser ainsi en arbitre entre les différents groupes au nom de la sauvegarde de l’unité nationale.

Comment expliquer la crispation des autorités sur la question de la langue?

Ceux qui connaissent l’histoire de l’Algérie et de la revendication pourtamazigh (la langue berbère, ndlr) ne peuvent s’étonner de la réaction du pouvoir qui est constante. Les propos tenus aujourd’hui sont ceux entendus en 1963, quand on a sciemment dénaturé la revendication démocratique qu’exprimaient les maquisards menés par Aït-Ahmed en Kabylie en la faisant passer pour un séparatisme. Les mêmes aussi qu’en 1980, quand on a transformé en contestation politique la revendication avant tout culturaliste des lycéens et étudiants qui, lors du «Printemps berbère», ne réclamaient que la reconnaissance de leur langue. Le fait que le pouvoir réponde par le mépris, voire la répression, ne peut que conduire à une politisation et à une radicalisation. Car quoi de plus légitime que de revendiquer sa langue et sa culture, parties intégrantes de l’histoire et de l’identité de la nation?

Cette radicalisation en Kabylie ne risque-t-elle pas de se retourner contre une région souvent présentée comme moins «algérienne» que le reste du pays?

Dans la situation actuelle, tout est possible compte tenu de la volonté des autorités de diviser les Algériens en factions, comme on a déjà pu le voir s’agissant d’autres mouvements. En cela, le sort réservé aux Berbères n’est guère différent de celui fait aux mouvements de femmes que le pouvoir a utilisé et mis en avant pour se donner une façade de modernité, sans rien changer, par exemple, au code de la famille. Jusqu’à la mort de Matoub, la population kabyle a fait preuve d’une patience et d’une maturité politique étonnantes: elle n’a cessé de dénoncer le terrorisme sans basculer dans la violence. Si elle en est arrivée à manifester sa colère contre l’Etat et ses représentants, c’est parce qu’elle s’est toujours sentie humiliée et bafouée, aucune promesse sur la reconnaissance du tamazigh n’ayant été tenue. Dès lors, comment des couches importantes de la population, dont on refuse de reconnaître l’identité, pourraient-elles ne pas se sentir exclues de l’édification nationale?

Existe-t-il en Kabylie un risque d’affrontements plus larges, et donc de dérives incontrôlables?

En Kabylie comme partout en Algérie, il y a deux générations de culture très différente: la première qui a connu la guerre d’indépendance est sans doute plus encline à réaliser la synthèse culturelle qu’impose la diversité du pays; la seconde est beaucoup plus radicale d’autant qu’on a toujours refusé de prendre en compte sa différence au nom de l’unité de la nation. Cela dit, il n’est pas étonnant que, dans la situation actuelle, des manipulations de toutes sortes viennent jeter de l’huile sur le feu et aggraver la confusion pour désigner cette population comme antiarabe ou antimusulmane, ce qu’elle n’est pas. Si des jeunes refusent d’être totalement arabisés, c’est parce que l’arabisation telle qu’elle est faite exclut toutes les langues sauf celle parlée et imposée par un pouvoir inique et antidémocratique. Cette volonté d’arabiser est en fait une volonté de déberbériser et de soumettre une région traditionnellement contestataire, mais qu’on préfère accuser à tort d’irrédentisme. Imposer l’arabe officiel comme seule langue à un peuple qui parle l’arabe algérien, le tamazigh ou le français est un déni de la réalité qui montre une fois de plus la coupure entre autorités et population. La fragmentation de la société sur laquelle les autorités jouent ne reflète que leur absence de légitimité. Leur vulnérabilité provient du fait qu’elles se sont imposées par la force et se trouvent du coup dans l’incapacité réelle d’établir un consensus au sein duquel les différents groupes se reconnaîtraient et reconnaîtraient par là même leurs dirigeants. Cela dit, on met trop en avant les tendances les plus extrémistes du mouvement berbère au détriment des politiques et des intellectuels kabyles prônant l’unité du pays dans le respect de sa diversité. La manipulation d’une colère légitime entraînerait une dérive et une cassure dramatiques dans le pays .

Par GARÇON JOSÉ

14 Commentaires

  1. Je suis surpris et peiné, d’entendre de la bouche de Kabyles, qu’il y a des extrémistes berbéristes !! Veux t on nous mettre en garde ou juste nous rappeler « les fameux contre révolutionnaires des années 70 »??! Paix à leur âmes, pour ceux qui nous ont quitté !!Franchement, je voudrais bien comprendre qui sont ces personnes ! Mme Tassadit Yacine est la deuxième personnalité kabyle à en parler, après Mr Ourad sur matin.dz !! C’est étonnant d’entendre cela, de la bouche de kabyles, moi qui croyais que dans ce pays ou la mort est donnée sans aucun remord et avec une facilité déconcertante, ou est vraiment l’éxtrémisme ??!! A cette allure la, tous ceux qui luttent pour leur peuple et ses droits sont des extrémistes ! On s’étonne encore que echourouk, anahar et leurs sponsors, dégainent aussi facilement contre les kabyles !! En tout cas, moi de mon coté je ne connais aucun kabyle extrémiste, du moins parmi ceux qui vivent leur kabylité avec fierté !!

  2. oui Axel, on se rappelle un certain Matoub Lounes, l’extremiste ! le méchant garçon, « pas comme » le philosophe BCBG. Un autre extremiste (d’ailleurs dénoncé par le philosophe et chab idir) c’est Bessaoud Mohand Arab, dont l’Académie était une création du Mossad, n’est-ce pas ? Pas grave, mais surtout restons extremistes, tellement extremistes que nous pardonnerons même aux philosophes et aux intellos « modérés ». il est vrai que seuls les extremistes ne croient pas qu’un bon Kabyle est un Kabyle mort. Mais tant pis.

  3. «Arabiser, c’est déberbériser la Kabylie». Pour l’anthropologue Tassadit Yacine, le pouvoir veut diviser les Algériens.
    Cet article date du6 juillet 1998 à 07:18 !!! vieux de 14 Ans!!! Il fallait le mentionner Awinath!!!

  4. Vous savez qui est cette Tassadit Yacine? Moi je vous le dis :
    C’est une femme qui se prend pour une chercheuse de je ne sais quoi et qui répond comme ceci à un étudiant qui lui avait posé une question lors d’une conférence au sujet de la berbérité des algériens :

    T.Y. avait répondu que : « depuis l’affaire de l’Égypte (match de foot manipulé), tous les algériens tendent à fièrement à s’affirmer comme Amazighs et non plus arabes! Je ne sais pas quelle drogue avait elle consommé ce jour là, mais elle a été torchée net par l’assistance en lui ricanant au visage…
    Rappelons-nous d’un exemple encore vivant : Khalida Messaoudi Toumi avait même été chantée par MATOUB… ces sous-marins ne doivent plus tromper personne! ce sont des fonctionnaires non déclarés de la junte illégitime.
    D’après elle, l’Oranie est prête à devenir bilingue Kabyle dites-donc! rien que ça!

    Vive la Kabylie libre! Un grand Merci à FERHAT et l’ANAVAD sans oublier le MAK et à sa tête Monsieur B. AIT CHEBIB et tous les militants infatigables!

  5. Azul ayamcic !! « Des extrémistes pareils », on en redemande, des milliers si c’est possible !! Qu’ils reposent tous les deux en paix, avec tous les autres non cités !! Si être kabyle c’est se masturber de cette façon, je dis vive l’abstinence !! Vivent, la Kabylie et ses enfants , fiers et rebelles!!

  6. Tanemmirt-ik ay amcic aberkan! tu as tout dit! oui, ne soyons pas comme eux et ramenons, par la force des choses, ces égarés, sur le chemin de la kabylité assumée avec fiereté!

    Il avait bien raison Matoub Lounes d’avoir ce mépris pour la tiédeur des élites intellectuelles kabyles ! ils sont si décevant ! vive le peuple!

  7. Je ne suis pas étonne de voir actionner toutes les marionnettes kabyles partisanes tu mouvement dans le statuquo , de la régression féconde ou de l ‘arabisation juste , ou de l’islam des aïeux , cette dame proche connue des theses de lhocine ait ahmed connu lui par le contrat de rome , traiter les autres d’extrémistes alors qu’eux il ne sont pas foutus d’apporter le moindre bénéfice au kabyle , même quand ils parles ils sont de très mauvais kabylophones , intellectuels auto-proclames oui .

  8. Azul
    « Si des jeunes refusent d’être totalement arabisés, c’est parce que l’arabisation telle qu’elle est faite exclut toutes les langues sauf celle parlée et imposée par un pouvoir inique et antidémocratique… ». Je ne connais pas de kabyles (musulmans ou pas) qui voudraient et accepteraint d’être partiellement, ou de quelques manière que ce soit, arabisés.

    Néanmoins, il faut replacer le discours de Madame Yacine dans l’ambiance un peu fataliste de l’époque (1998). En tout cas, on en est déjà loin de l’ultime chainant (1949) avant la rupture. On en est loin des souvenirs de l’avant 1833, de 1857 ou 1871 et des espoirs de 2001.

    Notre culture et notre identité Kabyles auxquelles Madame Yacine a donné et donne encore énormémement, ne peuvent être cernés en dehors de ce qui constitue proprement le patrimoine kabyle : La terre sur laquelle reposent les reliques de nos ancêtres, celle là même qui nous a recueilli dans nos détresses du VI e siècle, du VIIIe du XII e, du XVIII; la demeure familiale et la communauté sur lesquelles veillent iâssassen n wukham, n taddarth, les récits (souvent romancés) de l’exode vers les montagnes de nos ancêtres fuyant la persécution du catholicisme compromis et l’obscurantisme de l’islam-rafistolage. La religion du terroir sacralisant le vivant, la vie, la sacralisation du travail et du progrès complètent les fondements d’une identité vieille d’au moins 22 siècles.

    Thaqvaylith, tamurth n tmizar, est une civilisation.

  9. madame TY vous êtes vraiment a coté de la plaque maintenant je viens me rendre compte que votre travail est franchement nul dommage! j’ai cru en vous pourtant! en lisant votre interview je suis déçu. permettez moi de vous dire que: en vous a compris.
    VIVE DDA FERHAT vive le MAK et vive le GPK nous sommes pas des extrémistes. a yagi d-nnif d-lherma tirrugza maci d-imeturfa. madame vous êtes comme certains artistes, sportifs et journalistes vous parlez et vous critiquer sans apporté une contre partie si vous avez un projet pour la Kabylie il faut le présenter si non laisser les nobles kabyles travaillaient.

  10. Ce qu’il faut rappeler c’est que c’est la france coloniale qui a largement contribué à la division entre algériens berbérophones et arabophones , alors que tous sont des amasighs que l’islam ,pour la grande majorité , a arabisé; que n’avions-nous pas entendu pendant la guerred’algérie des inepsies du genre : les kabyles sont plus intelligents ,qu’ils seraient plus beaux car d’origine scandinave,qu’ils sont travailleurs sous entendu que les autres sont fainéants,moches et bêtes…… et d’ailleurs ces stéréotypes sont toujours galvaudés à qui veut y croire.la manipulation est d’autant intéréssante qu’elle produit des émules .jusqu’à ce jour en 2012 ! alors de grâce restons tout simplement Algeriens et sachons démontrer que quoi qu’il en soi nous restons unis malgré toutes les turpitudes qu’on nous cré pour faire de nous des faibles bons juste à être écraséset humilies ! quant au régime, ce qu’il fait , entre dans le cadre d’une stratégie de prise de pouvoir par les arabisants -islamisants monolingues pour lesquels l’identité algérienne se résume au Coran, c’est là l’enjeu de la lutte, et c’est là la vraie problématique de l’identité algérienne, le reste n’est que disputes de chapelle !

  11. Mme tassadit dit à josé garçon :
    …Cette schizophrénie s’explique en tout cas par l’histoire de l’Algérie et du pluralisme linguistique dont elle a hérité : la berbérité, qui la relie à son histoire ancienne préislamique et africaine, a modelé son histoire pendant plusieurs millénaires et jusqu’à l’arrivée des musulmans au VIIe siècle ; {{l’arabité, qui la relie à la religion mais aussi à son histoire avec l’Orient ; et enfin la francophonie, qui lui fut imposée par la colonisation.}}

    Mais madame ,de deux choses l’une :

    Soit vous êtes naive et ne connaissez d’histoire que la propagande de la colonisation arabe qui vous a formatée par ses mensonges en se faisant passer pour une SAUVEUSE D’ÄME des amazighenes ,en particulier des kabyles qu’il fallait à tout prix araboislamiser pour les arabociviliser…

    Soit,et c’est plus grave, que vous êtes une adepte de la falsification de l’histoire et du panarabisme en prétendant que l’islamoarabisme n’était pas et ne l’est pas ,à nos jours,imposé par LA COLONISATION ARABOMUSULMANE..!!!!!

    Oui,Madame,mille fois oui!!l ‘islamoarabisme est une COLONISATION et la plus néfaste de toutes celles que le peuple kabyle a rencontrées au cours de son histoire.Il a été et l’est toujours imposé aux kabyles par TIMEST(le feu) L’EPEE(assif) IDAMEN(le sang) tout en détruisant l’identité et en s’emparant du territoire du colonisé KABYLE.

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