Azawad : Lettre ouverte aux candidat-e-s à l’élection présidentielle française

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Congrès Mondial Amazigh

Azawad : Lettre ouverte aux candidat-e-s à l’élection présidentielle française

Madame, Monsieur,

Depuis l’indépendance du Mali en 1960, Bamako tourne le dos à l’Azawad, territoire traditionnel du
peuple Touareg. A cette marginalisation socioéconomique voulue par les gouvernements maliens se
sont ajoutées des périodes de sécheresse aux conséquences dramatiques pour les populations. Les
appels à l’aide en faveur du nord-Mali n’ont jamais été entendus par Bamako. Par ailleurs, les
Touaregs n’ont cessé d’alerter les autorités maliennes sur les injustices, les discriminations, la
corruption et les violations des droits humains qu’ils subissent ainsi que la gouvernance non
démocratique qui ne leur laisse aucune place dans la gestion des affaires de leur propre pays. Le cumul
de ces griefs auxquels le pouvoir malien n’a apporté aucune réponse sauf la répression a provoqué une
série de révoltes des Touaregs qui se répètent depuis le début des années 1990. Chaque révolte se
traduit par des centaines de victimes et se solde par la signature d’un accord de paix mais qui n’est
jamais respecté par l’Etat malien, ce qui provoque une nouvelle révolte qui génère les mêmes drames
et les mêmes souffrances et ainsi de suite. En Novembre 2010, de jeunes Touaregs se réunissent à
Tombouctou pour créer le Mouvement National de l’Azawad (MNA) et optent pour la défense des
intérêts des populations de l’Azawad par des moyens légaux, pacifiques et démocratiques. Dès le
début de la réunion, deux de ses principaux organisateurs sont arrêtés et transférés à Bamako où ils
subissent les interrogatoires et la torture pendant 15 jours. Un an plus tard, le MNA se transforme en
Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA), un mouvement politico-militaire auquel
adhèrent les anciens combattants et les jeunes générations et dont l’objectif est l’indépendance de
l’Azawad.

Voilà ce qui arrive lorsqu’on ne laisse aux peuples que la révolte comme ultime recours. Sans présent
et sans avenir pour leurs enfants au sein de l’Etat Malien, les Touaregs de l’Azawad ont décidé de
prendre leur destin en main, conformément à la Charte des Nations Unies, à la Déclaration sur les
droits des peuples autochtones et à la Charte Africaine des droits de l’homme et des peuples.

Face à une armée malienne qui a vite abandonné le terrain par manque de motivation et certainement
parce que ses chefs ont considéré que la cause touarègue était juste et légitime, le MNLA n’a pas eu
beaucoup de peine à conquérir tous les territoires de l’Azawad (d’une superficie d’environ 1,5 fois la
France) en moins de deux mois. Ayant atteint son objectif, le MNLA met fin à ses opérations
militaires le 5 avril 2012 et dès le lendemain il proclame l’indépendance de l’Azawad. Naturellement,
il demande aussitôt la reconnaissance du nouvel Etat indépendant.

Les Touaregs, peuple autochtone Tamacheq-Amazigh du grand Sahara, possèdent une culture
caractérisée par le sens de l’hospitalité, la tolérance, le sécularisme et la démocratie. Ils sont donc
naturellement réfractaires à toute idéologie sectaire ou extrémiste. C’est pourquoi, contrairement à ce
que colporte une certaine propagande, les Touaregs ne peuvent en aucune façon avoir un quelconque
lien avec des groupes terroristes. Cependant, ceux-ci sont bien présents dans le nord-Mali depuis des
années et sévissent en toute liberté, au vu et au su des Etats de la région. Leur brusque intrusion dans
la problématique de l’Azawad s’est faite contre la volonté du MNLA et ne peut être qu’une
manipulation notamment des services maliens et algériens dans le but de discréditer la cause touarègue
et de saboter le projet de l’indépendance de l’Azawad. En tout état de cause le MNLA a clairement
déclaré son intention de chasser tôt ou tard Al-Qaïda de tous les territoires de l’Azawad et de bâtir un
Etat démocratique et laïque.

D’après les déclarations du Ministère français des Affaires Etrangères citées par les agences de presse,
il semblerait que la France ait décidé de « ne pas accepter » la déclaration d’indépendance de
l’Azawad faite par le MNLA. M. Juppé, Ministre des Affaires Etrangères aurait affirmé le 6 avril 2012
que “la France est attachée à l’intégrité territoriale du Mali, il n’est pas question de remettre en cause
la souveraineté de ce pays”. Il aurait cependant ajouté que “la question touareg ne peut être réglée que
dans le cadre d’un dialogue avec les autorités de Bamako”.

D’autres voix notamment à Bamako incitent la France à intervenir militairement contre le MNLA.
Le Congrès Mondial Amazigh, ONG internationale de défense des droits du peuple Amazigh
(Berbère), met en garde l’Etat français contre toute intervention intempestive dans ce conflit. Celle-ci
aurait pour seuls effets, d’aggraver l’animosité et les tensions entre le sud et le nord du Mali. Le
moindre coup de force étranger précipiterait le pays dans le chaos pour longtemps.

Lorsque le ministre français déclare qu’« il n’est pas question de remettre en cause la souveraineté »
du Mali, nous lui rappelons qu’il n’est pas question que la France continue de dessiner la carte de
l’Afrique à sa guise. Le temps du colonialisme est révolu et c’est le moment de faire parler le droit
international relatif au droit des peuples à s’autodéterminer. De plus, en tant qu’ancienne puissance
coloniale, la France est bien placée pour savoir le caractère arbitraire et artificiel des frontières qu’elle
a tracées en Afrique, ce qui est à l’origine du conflit d’aujourd’hui.

Par ailleurs, nous aurions vivement souhaité que « la France des droits de l’homme » exerce son droit
d’ingérence humanitaire lorsque les Touaregs du Mali et du Niger notamment, se faisaient massacrer,
affamer, spolier de leurs terres et de leurs ressources naturelles et exilés en toute impunité depuis plus
de cinq décennies.

On pourrait comprendre que la France veille à la préservation de ses intérêts dans la région mais
jamais au prix du sacrifice d’un peuple qui ne demande qu’à vivre librement et dignement sur ses
terres.

La solution définitive au différend profond qui oppose l’Azawad à Bamako passe effectivement par la
négociation mais sous l’égide d’une partie neutre et acceptée par les belligérants. Les Touaregs
comme les autres peuples opprimés dans le monde n’ont pas vocation à vivre indéfiniment colonisés.
La communauté internationale l’a bien compris en favorisant l’accès à l’indépendance de nombreux
pays en Europe au cours des 20 dernières années ou encore récemment en Afrique avec
l’indépendance du Sud-Soudan.

Mesdames, Messieurs, les candidat-e-s à l’élection présidentielle française,

Lors de votre campagne électorale et quel que soit le vainqueur désigné le soir du 6 mai 2012, nous
vous demandons à toutes et à tous :

– de positionner la France en conformité avec le droit international,

– de garantir la neutralité de la France dans le conflit interne au Mali,

– de soutenir au sein des instances internationales, une solution négociée pour un règlement
définitif du conflit qui passe par la reconnaissance de la souveraineté de l’Azawad.

Veuillez agréer, Madame, Monsieur, l’expression de notre considération distinguée.

Paris, le 8 avril 2012

Le Président du CMA

Fathi NKHLIFA

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