Boycott et sanctions économiques

CONTRIBUTION (Tamurt) – Mais qu’a-t-on réellement changé depuis 50 ans avec ces actions? Et pourquoi faut-il changer quelque chose pour vivre libre et dans la dignité chez nous? N’avons-nous pas libéré notre pays? Il est difficile de comprendre. Car le processus qui a fait que nous en sommes-là aujourd’hui a été long et lent, doux et efficace.

La Kabylie a perdu sa souveraineté pour la toute dernière fois en 1965 lorsque l’armée des frontières l’avait contrainte à la  soumission. Ben Bella s’en était vanté par ailleurs. Depuis, plus aucun Kabyle n’a le contrôle sur sa vie comme Kabyle digne et libre. Plus aucun Kabyle ne peut entreprendre librement et sans conséquences fâcheuses quoique ce soit qui va dans le sens de la promotion des siens et de leur affranchissement. Les seules actions tolérées, voire encouragées, sont celles qui vont dans le sens du courant arabo-islamiste. Un courant cher au pouvoir colonial d’Alger et beaucoup d’entre nous ont nagé et nage encore dans ce dernier. Malheureusement.

Maintenant faut-il dénoncer publiquement et sans pudeur ceux qui ont trahi les leurs hier, et sanctionner sans pitié ceux d’aujourd’hui? À mon sens, on en est là et il n’y a plus d’autre alternative pacifique que le boycott, la sanction économique et la totale désobéissance civile.

Certains, Kabyles bien sûr, diront que je suis extrémiste et que nous sommes tous des Algériens libres et égaux, après tout. À ceux-là, je ne peux répondre que par des faits en examinant certains aspects de la citoyenneté algérienne des Kabyles.
Si le Kabyle était donc Algérien comme les autres, il devrait avoir droit à la justice dans sa langue maternelle. Pourquoi faut-il parler et comprendre une langue étrangère pour avoir droit à la justice dans son propre pays? L’exemple de la vieille femme de Michelet qui avait recours aux services d’un interprète arabophone au coeur de la Kabylie démontre bien à quel point les uns sont plus égaux que les autres. Bien que dans le cas de la vieille femme, l’interprète ait omis d’interpréter, puisque ce qu’il disait à la vieille n’était pas ce qui se disait durant l’audience. Toute une justice elle a eu temghart n Michelet.

Encore une fois, si le Kabyle était Algérien, il devrait avoir droit à l’information dans sa langue maternelle via tous les médias modernes: télé, presse écrite et sites Internet tout comme les Algériens arabophones! Or, en Kabyle, c’est que du pipeau! L’État algérien n’encourage d’aucune façon l’information en kabyle. L’exemple des tentatives d’instaurer une télé en kabyle est flagrant. Amateurisme, folklorisation et mauvais goût sont les seuls vocables pouvant décrire ces pseudo chaînes.

Si le Kabyle était Algérien sur le même pied d’égalité que les autres, ses papiers d’identité  mentionneraient ne serait-ce que symboliquement sa langue maternelle. Or ses papiers sont écrits dans deux langues étrangères, soit l’arabe et le français.

Si le Kabyle était Algérien à part entière, ses gosses ne devraient pas aller à une école qui ne souffle pas mot dans sa langue maternelle et qui plus est, inculque des valeurs et des principes religieux qui sont loin des siens. Il faut préciser que l’introduction du kabyle à l’école est récente et se limite à la Kabylie. Son enseignement n’est pas pris au sérieux puisqu’il est absent des examens et il est présenté dans de multiples graphies. Ses enseignants sont découragés et maintenus sans aucun statut permanent comme leurs homologues qui enseignent l’arabe, le français ou l’anglais.

Bien entendu la liste est encore longue.  Ceux qui, en dépit de tout, n’y voient aucun problème ni contradiction à ces dénis versus le fait d’être Algérien à part entière, ne peuvent que baigner dans la complaisance, pire encore dans l’indifférence.

D’autres Kabyles, essaient de nous expliquer la situation en prétextant que le problème au fond c’est le système et ses apparatchiks. Si la démocratie était à l’oeuvre, le peuple algérien saurait montrer sa grandeur et enfin reconnaître le fait kabyle. Les Algériens sont aussi victimes que les Kabyles du système et ils se font imposer des valeurs tout comme à nous.

Ils s’accrochent donc à l’image qu’ils se font des Algériens feignant de reconnaître que ces derniers ont eu à maintes reprises l’occasion de se mettre aux côtés des Kabyles et ne l’ont pas fait. Consciemment. Et même dans leurs propres intérêts, lorsque les représentants de la confédération des Archs de Kabylie réclamaient la hausse du smig et la fin de la hogra pour tous. Des Kabyles réclamaient des droits à leur place et ils n’ont pas bougé le petit doigt. Pire, un sondage d’opinion réalisé par le Quotidien d’Oran dans la foulée n tefsut taverkant, a démontré que les Algériens étaient derrière leur état et ont affiché une incompréhension totale vis-à-vis du soulèvement kabyle.

Encore une fois, ay atma, même si la démocratie algérienne était parfaite, les Kabyles ne représenteraient rien. Les Kabyles sont tellement minoritaires qu’ils n’auraient pas le droit de présenter des projets de loi ni l’opportunité de défendre les intérêts de leurs électeurs. Elle sert à quoi cette démocratie-là qui isolerait la Kabylie? Peut-on accepter une démocratie qui nous ruinerait? Peut-on accepter le choix de la majorité qui nous serait hostile? Peut-on subir ad vitam eternam le choix des Algériens qui ne souhaitent qu’un état islamiste tout comme leurs cousins Tunisiens, Libyens et Égyptiens? Ce choix, ils l’avaient exprimé démocratiquement en 1991.

Ce que tous les Kabyles partagent par contre, qu’ils se réclament de l’Algérie ou de la Kabylie, est l’indifférence ou plutôt le laisser faire vis-à-vis des KDS de tous acabits. Nous avons des hommes et des femmes de lettres, des journalistes, des chanteurs, des sportifs  et des politiciens qui jouent avec nos valeurs pourvu qu’ils aient quelque chose à croquer. Mais on les laisse faire. Pire encore, on continue à les applaudir et à les faire vivre.

L’exemple le plus infligeant est la presse francophone algérienne que les Kabyles font vivre et qui nous tapent dessus systématiquement. Et pourquoi nous ne les sanctionnons pas en arrêtant simplement de consommer leurs informations?

Plus de visites à leurs sites internet et plus d’achats de leurs journaux leur feraient comprendre quelque chose.

Et tous ces chanteurs également qui se frottent au régime d’Alger, peut-on arrêter d’acheter leurs disques et leurs billets de spectacles pour leur faire comprendre que tout n’est pas flûte et guitare?
Quant aux politiciens kabyles, issus du RCD ou du FFS ou tout autre parti réputé ou dit “national”, peut-on mes amis les ignorer? Peut-on déserter les salles et places publiques où ils tiennent des meetings et conférences?
Ay atmaten, cessons de subir les couardises, les rennoncements et les égarements de certains d’entre-nous. Agissons pacifiquement en les tapant là où ça fait le plus mal: la poche. Délaissons-les. Oublions-les. Misons sur les petites actions individuelles et collectives qui vont dans le sens de la libération de notre peuple et de son épanouissement. Encourageons les bonnes initiatives. Ce sera payant pour nous tous.

Par M.A.U