Des initiatives en TIC pour soutenir la langue et l’identité amazighes

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Avant la fin du siècle, sur les 7000 langues mondiales actuelles, 90 % d’entre elles seront éteintes, selon l’UNESCO. Le Berbère ou Tamazight, langue plusieurs fois millénaire, qui a été transmise exclusivement par l’oralité, fera peut-être partie de ces langues vouées à la disparition si rien n’est fait. Et la disparition de la langue amazighe et par conséquent de la culture véhiculée par cette langue serait une perte pour l’ensemble de l’Afrique du nord. Toute langue est menacée d’extinction quand elle perd de ses fonctions de communication dans la vie sociale. A l’ère de l’introduction des Technologies de l’information et de la communication (TIC), tamazight peut tirer le meilleur de la révolution numérique.

La mondialisation « est autant une richesse qu’une menace pour l’amazighe, mais cette menace, si menace il y’a, reste vraie pour les autres langues aussi, exception faite pour la langue anglaise », explique Lahbib Zenkouar, Directeur du Centre des Etudes Informatiques, des Systèmes d’Information et de Communication (CEISIC) de l’Institut Royal de la Culture Amazighe (IRCAM) du Maroc. L’apport des TIC en général et de l’Internet en particulier est indéniable pour la pérennisation de la langue et de l’identité amazighes. « Ces technologies de communication peuvent tisser beaucoup de valeurs du fait qu’elles permettent de véhiculer et la langue dans ses niveaux et la culture très riche », soutient pour sa part Yacine Zidane, enseignant universitaire, journaliste et chercheur dans le patrimoine. Pour cet universitaire algérien, cela va non seulement préserver la langue et la culture mais aussi les promouvoir. Et l’expérience est là, bien qu’elle soit insuffisante.

Des acquis, mais beaucoup reste à faire

Au niveau institutionnel, l’IRCAM a beaucoup fait pour Tamazight. Ses scientifiques ont travaillé à la réalisation et à la mise en œuvre de plusieurs normes fondamentales des technologies de l’information et de la communication. Ces normes, et principalement celle du codage, permettront sa reconnaissance, son traitement et son exploitation par les outils informatiques. Les travaux de cette équipe de linguistes et d’informaticiens de l’IRCAM ont été derrière l’adoption du codage du tifinagh par l’Organisation internationale de normalisation (ISO). Cette reconnaissance de « ISO-Unicode » de l’alphabet amazigh, a inauguré l’entrée de la langue amazighe dans les nouvelles technologies. « L’écriture berbère accède ainsi à tous les outils offerts sous le réseau international Internet et en particulier à la publication assistée par ordinateur », explique Lahbib Zenkouar. Cela a permis au géant de Microsoft en 2012 d’introduire tamazight dans Windows 8. L’IRCAM dispose d’une plate-forme de e-learning « école amazighe » facile d’accès, contrairement au site du Haut-commissariat à l’amazighité en Algérie. Tamazight tente de survivre grâce à des initiatives privées. Des citoyens ont trouvé dans les nouvelles technologies un moyen de redonner vie à leur langue, culture et identité amazighes. La toile regorge surtout de portails d’informations couvrant l’actualité amazighe dans la langue française et amazighe. Des plateformes d’apprentissage de langue amazighe existent aussi par la seule volonté individuelle.

Florilèges d’initiatives privées

C’est le cas du site « Apprendre le Kabyle », lancé par un jeune de 33 ans, Mohamed Amari, vivant en France depuis l’âge de 14 ans et ayant vécu sa petite jeunesse en Kabylie, dans le petit village d’Ait Idir. Créé en 2008, « avec beaucoup de nuits blanches à rédiger mes cours », ce site est rapidement très populaire. Il compte actuellement plus de 6,5 millions de visiteurs, soit plus de 1 million de visites par an. Plus de 5300 membres inscrits. Pour créer son site, financé par ses propres moyens, Mohamed a du faire une formation de webmaster et consolider ses connaissances linguistique en Tamazight. « Pour moi Internet est un outil formidable pour promouvoir et préserver notre culture. C’est une chance pour nous, berbères, d’avoir un outil aussi puissant et libre entre les mains. Je souhaite voir fleurir des centaines de sites comme le mien sur le web afin que le monde entier sache qu’on existe ».

Mustapha Ait-Oufkir, ingénieur en informatique, formé au Canada et disposant de 10 ans d’expérience en informatique et notamment dans le Telecom, originaire de la région d’Agadir (Maroc) a conçu une application gratuite en tifinagh développée sous Android et iPhone. « J’ai monté ASoftKorp dont le but au départ était de faire une application en Tifinagh pour notamment développer l’image et l’apprentissage sur les smartphones et tablettes », explique-t-il. Mustapha pense développer, avec son équipe, une application éducative pour les enfants avec des supports multimédias. Abdessamad Idrissi, un autre Marocain originaire de Kelaa M’gouna (Sud), qui réside à Berlin, militant du Mouvement culturel amazigh, a créé un dictionnaire participatif en Tamazight. « En août 2011, j’ai lancé le site « Amawal » pour le public en Open Source. Même si je ne suis pas spécialiste de la langue, j’ai fait beaucoup de recherches pour surpasser les problèmes liés au manque de standardisation. Après quelque temps les gens commencent à s’inscrire et ajouter des nouveaux mots », affirme-t-il. L’idée de concevoir ce site est venue, pour ce professionnel de l’audiovisuel, pour apprendre le berbère à sa femme allemande. Actuellement, le site compte plus de 3000 mots et 192 utilisateurs enregistrés et actifs.

2 Commentaires

  1. Azul,

    Merci pour l’article que je trouve très intéressant. J’aurais juste aimé que vous rajoutiez les liens des sites que vous nommez au lieu de juste les cités. Personnellement, j’aurais pu les mettre dans mes favoris pour consultations & contributions quotidiennes.

    Tanmirt de rajouter les liens.

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