Hommage à Chérif Kheddam : L'universalité dans une pensée foncièrement kabyle

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Cherif Kheddam
Cherif Kheddam

HOMMAGE (Tamurt) – « Je suis méditerranéen, ma musique est méditerranéenne, turque, grecque, italienne et algérienne. Je pars de ma spécificité pour toucher l’universel. Seule l’authenticité peut donner tout son sens à une œuvre musicale ou autre ».

Y a-t-il plus clair que cette affirmation de Cherif Kheddam pour mettre l’accent sur la spécificité kabyle dans un environnement Nord Africain, voir Méditerranéen ?

Le génie et la culture savante de ce monument que nous venons de perdre a donné la preuve que la particularité kabyle n’est pas obligée de passer par le pont de l’aspect Algérien pour atteindre l’universel.
Tout simplement, cette évidence exprimée avec une beauté exceptionnelle dans les perfections poétiques de Cherif Kheddam confirme que le kabyle n’est pas une partie d’un peuple mais, bien évidemment, un peuple à part entière et que sa culture est bel et bien vivante grâce à des « Amusnaw » de la trempe de Dda Cherif, qui lui ont permis d’accéder à l’universalité sans passer par une quelconque culture intermédiaire.

De part toutes les lectures et toutes les études réalisées sur l’œuvre artistique du Maestro Cherif Kheddam, nous avons constaté la primauté de l’analyse musicale sur la thématique, la profondeur poétique et l’engagement militant dans ses textes.

A travers cette modeste contribution, je voudrais mettre en évidence le potentiel de pensée universelle basée sur une authenticité foncièrement Kabyle qui caractérise la poésie de Cherif Kheddam. J’aimerais, aussi, mettre en valeur certains aspects qui ont été relégués au second plan dans les tentatives d’analyse de cette œuvre magistrale.

Tahar Djaout écrivait, dans l’hebdomadaire Ruptures, en 1993 : « Dés ses début, Cherif Kheddam a été considéré comme un révolté, un enfant indocile qui bouscule les conventions et les tabous ».

Le premier aspect que je voudrais évoquer s’inscrit, justement, dans cette optique moderniste révélée par le regretté Djaout. A la fin des années cinquante, Cherif Kheddam s’interrogeait, déjà, sur l’utilité de porter le voile islamique par une femme toute habillée du Nif kabyle.

A travers la chanson « Dacui d lahjab n therrit », Dda Cherif s’est exprimé d’une manière très progressiste sur l’une des questions qui fâchent le plus le caractère conservateur de la société Arabo-islamique. Il a donné une preuve irréfutable que la Kabylie n’adhère pas à cette vision rétrograde.

Pour joindre l’acte à la parole, il a, même, chanté en duo avec sa fille, signe de modernité en parfaite contradiction avec la Schizophrénie de nombre de figures et d’artistes chez qui cette modernité n’est qu’un discours creux.

Le second aspect que je tenterai de mettre en lumière est l’omniprésence du caractère universel dans les textes de Cherif kheddam.

Contrairement à l’hypocrisie environnementale de l’occident ou le débat sur la protection de la planète ne dépasse pas les lignes rouges tracées par les états forts, notre artiste a su humaniser ce combat en dénonçant le danger destructif de la technologie nucléaire dans sa chanson intitulée Lukan igxeddem wemdan.
La dernière caractéristique de la poésie de Dda Cherif qu’on doit mettre en exergue et qui demeure pour moi d’une importance capitale pour illustrer le coté militant de l’artiste est, incontestablement, son insistance sur la résistance de la Kabylie à tous les colonialismes qui voulaient lui faire perdre son originalité et la normaliser.

Dans unechanson très engagée, intitulée « Sebhan-k a win tt-yett3uzen kecc yesse3lin ccan-is », nous pouvons constater la mise en valeur, par l’artiste, d’un amour réciproque des plus profonds entre la terre kabyle et son peuple.
A mon sens, il est impossible d’être inspiré de cette manière par une simple région géographique. Pour réussir une aussi forte description de cette résistance du pays kabyle, il faut être convaincu que cette terre est, avant tout, une patrie.

De part ces trois axes essentiels qui figurent parmi tant d’autres dans le répertoire poétique de Cherif Kheddam, nous ne pouvons que confirmer que notre Maestro n’a pas uniquement honoré la Kabylie par le fait qu’il était son ambassadeur artistique incontestable mais il a, magistralement, démontré à tous les citoyens du monde l’étroite relation entre la pensée kabyle et l’universalité.

Il a mis en évidence l’existence d’une culture kabyle vivante qui se projette dans l’universel.

Ceci dit, haut et fort, que le peuple Kabyle existe bel et bien et qu’il mérite sa place dans le concert des nations.

Sur les collines de ta patrie kabyle, repose en paix Dda Cherif.

Moussa Nait Amara pour Tamurt

4 Commentaires

  1. Comme d’usage, un bel hommage a été rendu à Dda Crif un peu partout sur les médias kabyles. Bien entendu, la plupart des écrits ont mentionné son engagement, ses angoisses et son apport artistique à la culture kabyle en général.

    Par contre, au-delà de ses qualités, je pense qu’il serait honnête également de souligner que Dda Crif a fait partie de la génération de chanteurs kabyles qui a orientalisé la musique kabyle. Oui, vous avez bien lu. Lui, Farid Ali, Akli Yahyaten (il a même chanté en arabe ce dernier) et plusieurs autres ont donné une couleur très orientale à la musique kabyle en introduisant des sonorités et instruments libano-égyptiens.

    Bien entendu, il faut spécifier que ces chanteurs ne l’ont pas fait consciemment ou dans le but d’empêcher l’émergence d’une musique kabyle authentique. C’était simplement dans l’air du temps et le contact avec des Libanais et des Égyptiens a favorisé ce tournant. Ce contact « fraternel » a vu le jour lors du repli de la communauté kabyle suite à diverses repression des Françcais durant la période 40-70. [Vous pouvez lire plus à ce sujet ici->http://www.imyura.net/Timenza/tabid/57/articleType/ArticleView/articleId/668/Tazlitt-taqbaylit.aspx]

    Sinon, je souhaite que Dda Crif se repose en paix.

  2. Da cherif a chanté bcp sur sa region , sa terre natale, sur la kabylie mais il a bien précisé dans l’une des ses chansons qu’il est avant tout algerien, Nek dhadzairi et l’autre chanson Ledzair nchallah ats’hloudh.
    tanmirt

  3. Azul
    Dda Crif ne s’était jamais engagé dans le combat identitaire des années 60 au côtés de Dda Mohend Aarav ou Agraw Imazighen. {{Il a même refusé de chanter pour celle-ci en 1969 a Paris Issy les Moulineaux (région parisienne).}} Les artistes kabyles tels qu’ils étaient, personne n’avait chante gratuitement pour Agraw Imazighen. Dans les années noires des Imazighens, à l’époque du tyran de Boukherrouba Mouhemmed dit Houari Boumediene. Tous avaient exigé ce qu’on appelle : le cachet  » (qui veut dire payer cache). Je répond a l’expression « d ‘orientaliser » et de « rapprochement » vers l’Orient arabe. Les kabyles dans leur ensemble n’ont pas vu venir « le péril arabo-musulman ». Cette machine à broyer tous ce qui n’est pas arabe et musulman en Afrique du Nord. Même Dda Mohend Aarav, ne s’est pas rendu compte du « péril arabophone », que le jour où il a été au Maroc durant la guerre d Algerie pour se soigner. (lire heureux les martyrs qui n’ont rien vu). Par contre : Akli Yehyaten était même un agent de l’amicale et chantait que pour celle-ci . Il avait même était tabassé par les militants de cette organisation devant la chanteuse Djamila. Cette dite amicale était une organisation criminelle et jouissait de l’appui financier et politique du régime d’Alger. Ce but qui était combattre, de ficher tous ceux et celles qui ne s’accordaient pas avec la politique culturelle, politique du régime. (Pour tout savoir sur cette « amicale » des algériens en Europe aller sur kabyles.net et taper espace kabylophone, vous rechercherez l’interviw qu’avait fait Dda Mohend, ce qu’il avait dit sur cette amicale.

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