La langue entre cadre et statut

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Plusieurs zones du globe ont connu des transformations culturelles, des mutations sociales et des cadres politiques nouveaux. Cette dynamique explique les conflits latents et patents, les duels entre puissants et impuissants, entre dominants et dominés. Une dialectique qui ne cesse de faire de ce monde un champ de combat, là où le tout puissant démontre son insatiabilité et sa rage de vaincre, de mater tous ceux qui l’entourent.

Les minorités culturelles et linguistiques sont un objet de discrimination et de rejet dans pas mal de pays du monde. Ces minorités sont tout le temps vues comme un élément d’instabilité et de division nationale telle des portes ouvertes à l’ingérence extérieure dans les affaires internes de ces pays. Cette psychose institutionnelle reflète un égocentrisme effréné et un rejet catégorique de la diversité.

Pendant longtemps, les kurdes ont subi les plus tenaces des dictatures de ce monde. Ainsi, le territoire kurde est morcelé entre quatre pays (Syrie, Irak, Turquie et Iran), ces populations sont vigoureusement soumises à un ordre impitoyable. Un ordre qui se signale par des exactions, des exils forcés, des massacres de ces populations Kurdes.

En mars 1988, le régime irakien massacre avec l’arme chimique les habitants de la ville kurde de Halabja. De son coté la Syrie a essayé tous les moyens possibles pour mater les Kurdes, en les arabisant et en enlevant la nationalité syrienne à ses 60.000 kurdes.

Ceux de la Turquie constituent aussi un exemple de cette discrimination. Malgré, leur nombre important, les Kurdes de la Turquie sont mal écoutés et mal vus. Le régime turc a tenté tous les moyens possibles pour étouffer leurs revendications. Le PKK cette organisation militaire créée en 1984 dans le but d’une lutte armée pour obtenir les droits culturels et politiques des Kurdes est, désormais, classée comme organisation terroriste par les autorités d’Ankara et leurs alliés occidentaux, comme les Etats Unis d’Amérique.

Après la chute du régime de Saddam Hussein en Irak, les Kurdes de ce pays bénéficiait d’une large autonomie, ce qui constitue un regain d’espoir pour les autres Kurdes, celui d’obtenir un jour leur souveraineté.

Les Ruthènes en Europe de l’Est sont aussi, un exemple de ce crime d’histoire. Au cours du temps ils furent écartelés entre ces pays : la Russie, la Hongrie, la Tchécoslovaquie l’Autriche. Maintenant, ils sont apparemment Ukrainiens, ils ont eu plusieurs nationalités sauf, la leur. Ainsi, le territoire ruthène a appartenu à l’Autriche, par la suite à la Hongrie. En 1919, il appartenait à la Tchécoslovaquie et puis est revenu à la Hongrie en 1939. Après la seconde guerre mondiale en 1945, l’Union soviétique s’empara de ce territoire qui appartient maintenant à l’Ukraine. La constitution de Juin 1996, stipule que seul l’Ukrainien est la langue officielle du pays, tout en garantissant des droits aux autres minorités, cette garantie existant déjà dans les lois sur les minorités nationale adoptée par le parlement ukrainien en juin 1992. Cette loi garantissait certains droits pour les langues et cultures minoritaires du pays. La majorité du peuple ruthène se trouve en Ukraine. Le régime de Kiev a montré un grand ostracisme à l’égard de cette langue et culture ruthène, considérée comme un dialecte et non reconnue comme une langue. Les prémices d’une prise de conscience identitaire et politique du peuple ruthènes se concrétise le 27 janvier 1995 avec la naissance de la langue et de littérature ruthène de Slovaquie, avec ses règles grammaticales et ses normes linguistiques qui sont officiellement adoptées par les autorités slovaques. Cette prise de conscience qui prend de l’ampleur pour la revendication d’un territoire ruthène libre se heurte à des attitudes haineuses envers cette communauté linguistique, en particulier de la part de l’autorité de Kiev.

Les berbères, ces « majoritaires minoritaires » ou ces « étrangers autochtones » représentent une grande énigme de l’histoire de l’Afrique du Nord. Ils ont subi des invasions successives et des blessures incurables.
Le pays des Touaregs, là où parle des débuts de la Civilisation humaine, découverte de l’écriture « Thifinagh » et un mode d’organisation sociale resté au cours des âges matriarcale. La liberté, la générosité et l’hospitalité fondent les principales valeurs du targui. Mais dans ce monde personne n’échappe à la fatalité.
Vers la fin du XIXème siècle une grande partie de l’Afrique est conquise par la France coloniale. Le territoire targui qui n’est pas épargné de cette conquête coloniale, a été le théâtre de plusieurs révoltes populaires contre l’occupant français. Vers 1893, les Kel Ataram à Ménaka, actuelle Mali, se révolte contre la présence française. en 1902, c’est le tour des touaregs d’Algérie-les Kel ahaggar- pour se révolter contre la présence coloniale.
La France coloniale a orchestré l’un des plus grands crimes humanitaires en morcelant le territoire targui entre plusieurs pays (Algérie, Libye, Mali, Niger et Burkina Faso). Quelle ironie du sort pour ce peuple !
Après l’Independence de ces pays, la situation des touaregs se complique davantage. Rattachés à des régimes autoritaires et systèmes jacobins et centralisés, les touaregs se sentent asphyxies. En 1962-1964, première révolte targui au Mali, la rébellion des fellaghas, lancée depuis Kidal. Les autorités maliennes ont violement réprimées la mutinerie, assassinat des touaregs, élimination de leurs bêtes et empoisonnement des puits. Un véritable crime humanitaire qui va pousser les populations targui à l’exode vers les pays frontaliers, en particulier, l’Algérie. Vers 1988, les touaregs du Mali créent, depuis, la Libye le « MPA », mouvement populaire d’Azawad.
En 1990, des centaines de targuis sont assassinés par les autorités nigériennes après une rébellion targuie dans la région nord du pays. Entre 1995 et 1997, Niamey signe un accord de paix avec les rebelles targuis et lance un processus de décentralisation. En plus de cela, plusieurs combattants targuis seront intégrés dans le corps armée nigérienne, sans oublier le soutient économique pour une autre tranche de combattants targuis. En 2007, une autre insurrection targuie au Niger ce qui accélérera le processus de décentralisation et va permettre au targuis d’accéder aux postes de responsabilités, d’ailleurs en 2011, un targui est nommé au poste du premier ministre du pays.

Le problème actuel au Mali est plus complexe dont, on peut lire plusieurs choses : le régime de Bamako qui considère le problème comme conséquence de la révolution libyenne et que le MNLA est soutenu par la AQMI, voir les déclarations du M. Touré au journal Le Figaro du 15 mars 2012. D’un autre coté, les intérêts militaires des états unis d’Amérique qui voulait consolider ses bases militaire dans la région. La France, aussi, avec ses liens historiques avec l’Afrique et son insatiabilité d’épuiser, encore, les richesses de ce continent. L’Algérie, aussi, qu’on ne peut pas épargner, d’ailleurs, il était un élément médiateur dans la crise entre les targuis et le régime centrale de Bamako. Lors de la révolte targuie en 2006, Alger a joué un rôle important en invitant les deux cotés à signer un accord de paix qui porte sur la sécurité et la croissance économique à Kidal. Mais, pourquoi, cette positions algérienne ? L’Algérie ne voulait plus la rébellion targuie, à noter aussi, sa connivence avec l’organisation terroriste d’Ansar Edine. En effet, Alger voulait introduire les islamistes dans les dialogues sur le dernier conflit malien. En donnant la chance aux islamistes de s’exprimer, cela va détourner l’opinion internationale du vrai problème malien, celui du Kidal et l’autodétermination de ce territoire. Alger qui ne veut plus de revendications autonomistes ou séparatistes dans la région, car, cela menace l’Algérie qui n’est pas à l’abri d’une éminente balkanisation.

La revendication de la souveraineté du territoire targui « Azawad » au Mali est loin d’être résolu ou reconnue par les puissances du monde. Elle est entourée de plusieurs autres faux conflits, crées pour détourner sa légitimité et le destin d’un peuple qui dérange les intérêts de ces puissances. Les régimes de la région sont, aussi, loin de donner la paix aux targui, souvent, marginaliser effacés des images de ces pays. Ils sont considérés, comme des sujets de second rang ou des objets d’exposition aux touristes étrangers.

La Kabylie est une partie de ces territoires berbérophones répartis sur toue l’Afrique du nord. Ce territoire kabyle a connu les premiers moments de la revendication culturelle berbère en 1949. Cette revendication apparait au sein du mouvement national algérien, lorsque, des militants nationalistes algériens issus de la région de Kabylie introduisent la question de l’identité nationale et de la notion de l’Algérie algérienne qui comprend la reconnaissance de la diversité culturelle du peuple algérien, en particulier la reconnaissance de l’identité berbère comme composante majeure de l’identité nationale algérienne. un courant opposé qui appartient à l’Algérie arabo-musulmane reçoit des directives en particulier de l’Egypte pour mettre fin à ces idées qui les dérangent. Il y eut des exécutions et des assassinats politiques au sein du courant berbériste même durant la révolution algérienne « 1954-1962 ». Voila, des algériens qui s’entretuent !
En 1963, une année après l’indépendance de l’Algérie, Hocine Ait Ahmed personnalité emblématique de la révolution algérienne et natif de la Kabylie mobilise toute une région contre le régime central algérien qui a consacré la tyrannie comme mode d’emploi, après cette indépendance. Cette révolte a fait 5000 morts, des « martyrs » pour les kabyles. Il s’agit d’une blessure qui s’ajoute à celles laissées par la France coloniale, causée cette fois-ci par les soi-disant « frères de lutte » d’hier. Cette insurrection qui renseigne sur le particularisme de la région, ses propres valeurs et son attachement aux principes de la liberté et de la démocratie.

En avril 1980 la Kabylie s’insurge contre le régime central pour revendiquer la reconnaissance de l’identité et de la culture berbère en Algérie. Il y eut une grande répression policière avec des forfaits commis à l’encontre de la population locale, en particulier, le viol des étudiantes kabyles dans une résidence universitaire à Tizi-Ouzou la veille du 20 Avril 1980. Cette grande révolte populaire encadrée par une élite intellectuelle et politique kabyle, s’est accompagné d’un grand séminaire à Yakouren « Tizi-Ouzou » en aout 1980. Ce séminaire qui a rassemblé des militants du mouvement culturel berbère composé de spécialistes en (histoire, sociologie, linguistique, cinéma, théâtre…etc.), ainsi que des citoyens autodidactes kabyles. Les séminaristes sont aboutit à la publication d’un document qui porte sur trois principaux axes :
1- Le problème de l’identité réelle du peuple algérien et la reconnaissance officielle de ses deux langues : Tamazight et Arabe algérien ;
2- Le problème des libertés d’expression ;
3- Le problème de la culture dans le développement de la société.
Dan les années 1990 la Kabylie est confronté à l’islamisme comme tout le reste de l’Algérie. C’est dans cette conjoncture que les Kabyles se mobilisent en groupes de légitime défense pour lutter contre ce fascisme qui était anti-intellectuel et anti-progressiste. Pendant cette période, la Kabylie se mobilise aussi en 1995 pour une année de boycott scolaire, afin de faire reconnaitre la langue berbère et de l’introduire dans le système scolaire en Algérie.

En avril 2001, c’est le printemps noir de Kabylie qui a connu une grande mobilisation populaire kabyle contre l’autoritarisme et l’injustice. Plusieurs revendications dont la revendication culturelle berbère a été transcrite dans ce qui a été appelé la plate forme de El Kseur. Ce soulèvement populaire a connu l’assassinat de 127 jeunes et des milliers de blessés parmi les jeunes kabyles. Ce drame a laissé des séquelles sur la société kabyle. Il a creusé davantage le fossé entre la population locale et le régime central d’Alger, ce dernier, continuant encore à étouffer économiquement et à réprimer culturellement cette région berbérophone.

Aujourd’hui des voix se lèvent pour revendiquer divers statuts pour cette région. Des forces politiques implantées et actives en Kabylie revendiquent un système de régionalisation ou une forme d’union fédérale avec les autres régions. Certains visent plus loin, à l’image du mouvement pour l’autonomie de la Kabylie né au début des années 2000 qui revendique un statut d’autonomie de la région. Cette idée que le Professeur Salem Cahker a été le premier qui a osé à parler de statut d’autonomie culturelle de la Kabylie vers les années 1993. Vers 1994, le noyau autonomiste s’élargie avec des militants de la cause berbère à l’image du DR Malika Baraka et Monsieur Aziz Tari. Après les sanglants événements du printemps noir de Kabylie, un collectif est né dans la douleur « MKL », mouvement d’une Kabylie libre. Quelques temps plus tard, c’est la naissance du mouvement pour l’autonomie de la Kabylie dont l’ancien militant du MCB « mouvement culturel berbère » et chanteur contestataire Ferhat Mhenni est nommé porte parole de ce mouvement d’autonomie de la Kabylie. Ce mouvement vient récemment de prendre le nom de « MAK », Mouvement pour l’auto-détermination de la Kabylie. Il est né de la volonté de plusieurs intellectuels kabyles qui veulent un statut d’indépendance pour cette région.

La culture et l’identité comme élément subjectif ressemble à un moteur qui fait marcher une locomotive sociale, économique, juridique et éducative. C’est elle qui constitue les fondements rationnels d’un peuple. Ce dernier ne peux prendre en main son destin qu’on s’appropriant de ses éléments constitutifs et fondateurs de son existence.

Aujourd’hui, le retour aux frontières naturelles est une nécessité absolue pour protéger le monde et l’humanité d’une grande débâcle et d’un crime humanitaire orchestré par l’impérialisme mondial qui usurpe les richesses des peuples en commençant par leurs identités et histoires.
L’objectif est alors de renforcer et de promouvoir le concept de la « souveraineté des peuples » en mettant en œuvre un nouveau système mondial qui reconnaitra la diversité culturelle. L’universalité se concrétisera, quand, le monde marchera à contre courant de l’aliénation des peuples. Car, le souverainisme territorial luttera contre la dépression et la blessure narcissique. Une reconnaissance d’un statut d’une langue officielle n’est pas la même chose qu’une autonomie ou qu’une Independence politique d’une région. Car, cela va éloigner la domination d’une langue sur l’autre, car en réalité, l’Etat les octroie pas le même statut. C’est la question qui se pose actuellement en Algérie et d’autre pays de l’Afrique du nord, car dans des Etats qui se proclament arabo-musulmans, le berbère est loin d’avoir sa place. L’officialisation n’est que de la poudre aux yeux, car, des régimes qui ont saboté la langue berbère, depuis, des années ne peuvent pas avoir une réelle volonté de promouvoir cette langue et culture. Le problème est lié à la territorialité, il devait avoir un transfert des pouvoirs vers les régions, c’est pour cette raison qu’on parle de problème de cadre et non pas de statut. Une langue et culture ont besoin d’un cadre politique protecteur, qui lui permet de se développer et d’avancer.

Les fondements de l’humanité sont sapés par un capitalisme qui a tracé le monde à son gré. Des zones d’influences et d’exploitation économiques et militaires constituent la carte géographique de ce monde colonisé. Sans tenir compte des particularismes culturelles, des traditions locales, l’impérialisme tient profil des différences au sein des Etats en créant des conflits et des tentions. En plaçant et en soutenant des dictateurs qu’ils renversent lorsqu’ils n’ont pas intérêt en eux, les maitres du monde continuent d’écraser, d’aliéner et d’appauvrir les peuples.
La révolution doit se faire contre l’ignorance, contre l’aliénation pour se mobiliser contre cet ordre mondial diabolique. Nous devons cesser les guerres entre nous les humains (arabes-juifs, berbères-arabes, noirs-blancs ou musulmans et chrétiens), pour battre un ennemi commun « l’impérialisme » qui nous a internés dans des prisons qui s’appellent Etats.
Le monde doit se décomplexer davantage et permettra aux peuples de ce monde de respirer. La justice et le respect de l’individu doivent s’incarner dans le respect de la dimension culturelle et identitaire. Cela va permettre de réaliser un monde sans territoires, un monde qui sera à l’abri des crises économiques et des conflits sociaux.

Amar BENHAMOUCHE, étudiant à Montpellier.

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