L’amazighité, otage des lois organiques au Maroc

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MAROC (Tamurt) – Pendant plus d’un demi -siècle, l’amazighité, dans toutes ses dimensions, a non seulement subi un déni de reconnaissance incompréhensible, mais aussi une marginalisation doublée d’un mépris et d’une mort programmée. Cette situation aparthéidiste a eu pour conséquence l’émergence du Mouvement Amazigh, mouvement social et politique s’inscrivant à la fois dans une continuité identitaire de l’Afrique du Nord, mais aussi dans la modernité à travers les valeurs de démocratie, de citoyenneté et des Droits de l’homme.

Le combat de ce mouvement qui a connu une situation difficile voire impossible sous Hassan II, a trouvé pour la première fois un début de réponse dans le discours d’Ajdir du nouveau Roi en 2001. En effet, ce discours jugé à l’époque historique, suivi par la création de l’IRCAM (Institut Royal de la Culture Amazighe), avait soulevé d’immenses espoirs quant à la résolution définitive et équitable de la question amazighe au Maroc. C’était sans compter avec la résistance de ceux qui se sont fait des situations de privilégiés sur le dos et la résistance amazighe à la colonisation française : toutes les mesures prises par l’Etat au plus haut sommet mettront 10 ans pour aboutir à l’officialisation de la langue et de l’identité amazighes dans la constitution de 2011. Longtemps occultée par la pensée dominante arabo-islamique, l’amazighité était enfin reconnue sur son territoire historique.

Cependant, l’officialisation effective est soumise aux lois organiques qui doivent être préparées par le Gouvernement et validées par le Parlement. Sauf que le Gouvernement et le Parlement, sont non démocratiques et hostiles à l’amazighité, ce qui constitue en soi une prise d’otage de la langue amazighe et de tout ce qu’elle implique comme intégration dans les institutions d’un Etat qui se dit de droit, mais qui bafoue quotidiennement les Droits du peuple autochtone amazigh.

En effet, deux ans après que la constitution de 2011 « ait été approuvée » par le peuple marocain, les lois organiques en question ne sont pas toujours soumises au Parlement. Le 2 Juillet 2013, a été organisée une conférence nationale sur la question dans la capitale Rabat. Etaient présents et ont pris la parole tour à tour le Conseiller du Roi, le Premier ministre, le Président du Parlement, les Ministres de la communication et de la culture. Après avoir écouté les discours de tous les dignitaires du régime, tous les concernés par la question sont unanimes : le Gouvernement n’a même pas commencé à réfléchir à une approche pour la mise en œuvre du processus devant conduire ces lois organiques devant le Parlement. Autrement dit, et contrairement aux affirmations antérieures des uns et des autres responsables, la traduction de l’officialisation de la langue amazighe dans les faits n’est pas la priorité du gouvernement, et certains ont même parlé de l’intention du Gouvernement Benkirane de ne déposer les lois organiques au Parlement qu’à la dernière année de la législature, afin de gagner du temps.

D’autre part, ces différents hauts responsable ont tous répété les mêmes concepts que les militants amazigh considèrent comme des mines à retardement : « l’amazighité appartient à tous les marocains », donc à ceux-là même qui la combattent par tous les moyens ; « elle relève par conséquent de la responsabilité de tous », entendez donc de personne. « Elle ne doit pas être utilisée politiquement », entendez par le mouvement amazigh, alors qu’elle est utilisée par tous les partis et le pouvoir depuis toujours à des fins politiciennes, à leur profit, bien sûr.

Plus grave encore, ce constat s’ajoute à la suspension de facto des acquis du discours d’Ajdir et la création de l’IRCAM sous prétexte d’une attente nécessaire des lois organiques. Ainsi, 9 années d’enseignement de la langue amazighe, malgré les blocages qu’elles ont connus, sont renvoyées aux calendes grecques. Les cahiers de charge des chaînes de télévision n’accordent que 20 pour cent de programmes folkloriques à l’amazighité, en contrepartie de 80 pour cent de programmes variés et propagandistes à l’arabité. Ajoutez à cela que les noms amazigh sont toujours interdits par les responsables de l’Etat civil, que des militants amazigh croupissent toujours dans les prisons, que les activités des associations amazighes sont soumises à des limitations voire des interdictions, sans oublier qu’aucune subvention n’est accordées aux associations considérées comme indépendantes des partis et du pouvoir en place.

En fait les objectifs du pouvoir et de ses alliés sont clairs : gagner du temps, toujours gagner du temps, afin que le processus d’arabisation de la société amazighe, enclenché depuis ce qu’on appelle ici « l’indépendance », fasse son œuvre et arrive à terme, car déjà, plus de cinquante ans d’une politique criminelle d’arabisation a détruit une grande partie du patrimoine immatériel de l’amazighité. Quand personne ne saura parler la langue amazighe, l’on accordera tous les droits aux imazighen qui ne seront plus là pour en jouir. Déjà, les générations de l’arabisation ne comprennent plus ce que disent leurs parents en langue amazighe. La communication familiale dans les villes et même les campagnes est des plus incroyable : les parents parlent tamazight avec leurs enfants et ces derniers leur répondent en darija, le dialectal marocain.

De ce qui précède, on peut déjà tirer une conclusion : la gestion marocaine du dossier amazigh, gestion donnée en exemple pour toute l’Afrique du Nord par des médias bien intentionnés, est des plus machiavéliques : tout est beau au niveau du discours qui s’adresse plutôt à l’opinion étrangère, mais rien n’est lâché dans la pratique comme en témoigne les exemples précités. Devant les instances internationales qui interpellent régulièrement l’Etat marocain sur l’état des droits de l’homme, des droits culturels et linguistiques, sur les droits du peuple amazigh en tant que peuple autochtone, les responsables mettent en avant les avancées du royaume dans ces domaines, arguant la constitution, l’IRCAM, le pluralisme de façade, etc…

Il y a quelques mois, l’une des rares députés à avoir le courage de parler la langue amazigh au Parlement marocain a été vertement remise à sa place, et son audace a abouti à une interdiction officielle de l’utilisation de la langue amazighe « officielle »-même orale- au Parlement marocain sous prétexte que la représentation du peuple-sic- ne dispose pas de matériel de traduction, sachant que le Royaume, friand des colloques, rencontres, sommets et autres forums internationaux qu’il exploite comme tribunes, dispose bel et bien de traducteurs et du matériel nécessaire pour toutes les langues du monde. Mais pour la langue mère du pays, le matériel est introuvable sur le marché international. Pourtant, les responsables savent qu’il existe des centaines de cadres amazighs capables de traduire instantanément la langue amazighe dans toutes les langues présentes au Maroc, à savoir l’arabe, le français, l’espagnol et même l’anglais.

Le problème est donc clair : la volonté politique de revaloriser la langue et la culture amazighes, de l’intégrer réellement dans les institutions de l’Etat, fait toujours défaut aux décideurs du Royaume chérifien. Mais cette absence de volonté est camouflée dans un discours de velours qui a longtemps leurré les élites amazighes, toujours incrédules devant le machiavélisme d’un makhzen rôdé au maniement de la démagogie, de la récupération, de la corruption des élites, aussi bien politiques qu’intellectuelles, si bien que le peuple, analphabète et pauvre, n y voit que du feu dans une politique que même les plus grands politologue n’arrivent pas à cerner.

Devant ce machiavélisme hérité du temps de Hassan II et avec lequel beaucoup de haut responsables de son temps n’ont pas rompu, le Mouvement Amazigh se doit de revoir sa stratégie, ses tactiques ainsi que son organisation.

Il paraît clair qu’on se cache derrière la constitution pour faire traîner les choses encore pendant une vingtaine d’années. D’ici là, les vieux qui se souviennent auront disparu, et un patrimoine sans pareil aura vécu, ceux qui parlent tamazight également. Resteront alors des corbeaux qui ne parlent ni comprennent tamazight, autrement dit des darijophones prompts à se dire « arabes »même s’il y a juste une décennie, leurs parents ne parlaient que tamazight.

La politique culturelle génocidaire enclenchée il y a une cinquantaine d’années a déjà fait ses preuves et continue de plus belle. Mais ce constat ne fait que réconforter la thèse qui impute la réussite de cette politique aux imazighen eux-mêmes : beaucoup sont les instruments qui permettent aux différents pouvoirs en Afrique du Nord de mener à bien une politique suicidaire qui n’a pas encore trouvé sa place dans le domaine de la recherche psychanalytique en tant que cas de « suicide collectif » d’un peuple à l’histoire millénaire.

Ali khadaoui, Maroc

8 Commentaires

  1. azul, halte au colonisateur arabe le plus malin car il utilise l’islam a ses fin ,les berberes sont arabisés par la langue de l’islam ,on ne peut prier qu’en arabe et utiliser l’arabe religieusement ,donc tres difficile de lutter contre les croyances populaires trop encrées dans les moeurs ,mais democratiquement on peut devenir laique et reclamer ses droits ,droits des peuples a disposer d’eux meme ,il faut une desobeissence civile et crier haut et fort son appartenance au peuples autochtones d’afrique du nord vive les amazighs libre vive une federation des peuples amazighs en afrique du nord tannemirt.

    • Azul, vive le peuple amazigh libre. Vive la fédération des peuples amazighs. Peuple amazigh, parlez tamazight. Peuple amazigh, exigez vos droits et défendez votre patrimoine et votre peuple fier.
      Tanmirt

  2. Tout ces états arabes colonisateurs aidés de leurs alliers occidentaux font tout pour détruire la pensée amazigh porteuse de liberté de modernité et de laïcité .A l’image de l’Algérie le pouvoir marocain islamistes ou pas il sont unis contre tamazight et miment leur comportement négationniste et raciste à l’égard des peuples amazighs de l’Afrique.

    Les condamnés à être plus intelligents à déjouer leur ruse et méthodes honteuse pour faire échouer ce qui fait tamazight et à s’organiser à travers leur pays et tamazgha voire à l’étranger de manière plus large afin d’unir les militants et les citoyens pour arracher ce qui leur est dû.

    Tamazight et la liberté valent bien tous les sacrifices pour vivre chez soi en homme libre et digne.

    DONNONS-NOUS TOUS LA MAIN ! le combat vaut la chandelle.

    • Je cite: { {{Les condamnés à être plus intelligents à déjouer leur ruse et méthodes honteuse pour faire échouer ce qui fait tamazight et …}} }

      Il est clair que tu es eveille’ et depuis tres longtemps… Mais ce n’est passs tout le monde qui l’est.

      A mon avis, ce n’est pas/plus une histoire d’avant du tout, mais bel et bien de MAINTENANT !

      Les auteurs de cette domination sur nous en algerie, au Maroc, en Lybie et ailleurs… ne sont pas des temps anciens, ils sont nos contemporains, c.a.d. de notre epoque et age. La difference est qu’ils ont plus de volonte’ et sont plus intelligeants – c.a.d. ils agissent sur leur volonte et sont organise’s pour cela ! La preuve est qu’ils ne sont pas dans la rue a quemander mais a imposer – contrairement a nous, c.a.d. ILS SONT ENGAGES EN PENSEE ET EN ACTS.

      • Et cela c’est après l’indépendance?

        http://www.youtube.com/watch?v=LUUMH1fkGxY

        vous oubliez SCIEMMENT Napoléon qui date d’avant l’indépendance, non?

        A VOUS LIRE ,LA FRANCE C’EST L’ANGE GARDIEN…Certainement pas des imaighens.
        Occulter ce fait c’est mentir pour ne pas dire trahir à la foi..

        La France le CERVEAU, les larbins les bras et les alliers bédouins les continuateurs colonisateurs sans elle rien ne pourrait perdurer. Bien sûr, il y a les aliénés et les opportunistes les larbins de service.
        Savoir tirer les ficelles avec ses larbins c’est connu comme le monde.

        Pouvez-vous juste nous expliquer pourquoi c’est l’omerta dans les médias Français qui nous confondent avec les arabes sur tout ce qui touche à imazighens?

        Aucun reportage sur les berbères libyens ou KABYLES assimilés aux arabes ‘sarko ‘ désignés dans les reportages comme rebelles et non par ce qu’ils sont .Aucun drapeau amazigh ni reportage sur leur grande fête monstre à TRIPOLI. Cela ne trompe pas ,c’est du concret.

        • Non cher Monsieur, je n »omets rien en ce qui concerne le rôle de la France dans l’état actuel des imazighen en Afrique du Nord: c’est elle, la France, qui nous a livrés pieds et mains liés à l’arabo-islamisme. Aés, u Maroc, c’est bien Lyautey qui executé cette politique à l’encontre des imazighen, et cette politique coloniale française, alliée au colonialisme arabe, sous le masque de l’islam, continue toujours. Si vous pouvez lire mes articles à ce sujet, vous verrez que j y explique comment la France, après avoir colonisé nos pays, après avoir vu que la lutte armée gagnait du terrain, a orchestré l’indépendance du Maroc en s’appuyant sur une poignée de traîtres, tous des arabo-andalous. J y explique comment la France a fait de ces traîtres une pièce de rechange à la lutte armée, et comment cette dernière a été liquidée par ceux qui ont été érigés de toutes pièces en nationalistes et défenseurs de l’indépendance. Tous nos maux viennent du fait que nous n’avons pas encore eu notre véritable indépendance. La France est sortie par la porte et elle est revenue par la fenêtre. Ses intérêts continuent à etre garantis par ses protégés, chantres de l’arabo-islamisme, tel le parti de l’Istiqlal, dont les femmes de ses fondateurs montaient sur les toits et lançaient des youyou à l’annonce d’une victoire de l’armée coloniale sur imazighen!!!ces mêmes fondateurs du parti arabiste qui a régné en maître sur la politique d’arabisation ont organisé une prière du vendredi pour que Lyautey guerrisse d’une maladie… Cela se passait à Fes, capitale de l’arabo-islamisme.

  3. Le fait que vous avez accepté de publié une insulte à mon encontre à partir de Montréal et censuré une réponse à cette insulte en faveur du pouvoir et au mépris de la kabylie,je dirai que ce site Tamurt appartient au DRS. Peut-être laissé par Larbi Belkhir vu que toutes les réactions où j’évoque Ali Mécili,victime de ce général, ont été censurées.

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