L’arbitraire politico-policier bloque mon passeport

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COMMUNIQUE (Tamurt) – Au mépris des lois de la République, la police a décidé, une fois encore, de bloquer mon passeport. En déposant mon dossier, le 19 juin 2011, à la daïra de Chéraga (wilaya d’Alger) j’ai été informé par un fonctionnaire que le document serait prêt dans un délai d’un mois.

Près de deux mois plus tard, je suis toujours privé de passeport et interdit, de fait, de quitter le territoire national. En me présentant le 16 août 2011, et pour la quatrième fois, à la daïra de Chéraga, le même fonctionnaire me révèle que ma fiche de police était toujours bloquée au commissariat de Chéraga et que je devais m’y rendre pour « voir de quoi il s’agit ». N’ayant pas été convoqué par la police, j’ai estimé que cette « visite » était inopportune, l’unique interlocuteur légal du citoyen pour la délivrance d’un document de voyage étant l’administration.

Ce « blocage » n’est pas une première. En juin 2006 déjà, le même commissariat avait bloqué mon passeport sous le prétexte d’une condamnation judiciaire pour « délit de presse ». Il s’agit d’une plainte en diffamation pour un article sur les traitements inhumains infligés aux prisonniers de Tazoult-Lambèse, accompagnée d’un mandat d’arrêt qui remonte à … décembre 1997. Inutile de rappeler ici que je n’avais été ni convoqué pour le procès, ni informé du verdict, ni inquiété pour le mandat d’arrêt, malgré mes multiples sorties du territoire national. Mes différentes démarches auprès de l’administration et de la justice étant restées vaines, je n’ai récupéré mon passeport, en septembre 2006, qu’à la suite d’un large mouvement de solidarité de l’opinion nationale et internationale. Le 26 avril 2007, nouveau rebondissement. Au moment où j’allais embarquer sur un vol à destination de Paris, la PAF de l’aéroport d’Alger décide brusquement d’exécuter le mandat d’arrêt, une décennie après son émission, et de me livrer à la justice ! Après avoir fait opposition du verdict prononcé en décembre 1997, j’ai été rejugé le 23 mai 2007 par le tribunal correctionnel d’Alger-Sidi M’hamed, et acquitté.

Je croyais l’affaire classée. J’apprendrai qu’il n’en est rien en me rendant, le 27 juillet 2011, au commissariat de Chéraga pour l’enquête administrative ordonnée par le procureur du tribunal de Chéraga, suite au dépôt d’un dossier pour la création d’un journal. Une fois encore, le même mandat d’arrêt, signé par le même juge, et pour le même « motif », est exhibé par la police qui, malgré mes explications, n’a pas hésité à m’arrêter pendant près de 5 heures, avant de se rendre compte du « malentendu ».

N’étant pas paranoïaque, j’ai préféré mettre ces tracasseries sur le compte d’un dysfonctionnement bureaucratique plutôt que d’y voir un harcèlement ciblé. La récurrence de ces agressions émanant d’un même commissariat, et pour un même « motif », me pousse à croire aujourd’hui, qu’il s’agit bien de ces pratiques mesquines et indignes, dont les régimes autoritaires sans légitimité sont si coutumiers.

Dans un pays où l’allégeance clanique est érigée en système de gouvernance, et la répression en mode de gestion des conflits, il peut paraître dérisoire de s’insurger au nom de la légalité contre le blocage d’un passeport. J’ai pourtant la ferme conviction qu’opposer la force des lois – écrites -de la République à l’arbitraire officiel, reste l’ultime rempart contre les traditions perverses du sérail. Ces dérapages politico-policiers que l’éthique réprouve et que l’Etat de droit condamne, violent la Constitution qui garantit pourtant « le droit d’entrée et de sortie du territoire national ». L’article 11 de l’Ordonnance N° 77-1 du 23 janvier 1977 relative aux titres de voyage, limite les cas de refus d’un passeport à « toute personne :
– condamnée pour crime,
– condamnée, depuis moins de cinq ans, pour délit, à une peine d’emprisonnement ferme de six (6) mois au moins, ou qui fait l’objet d’une interdiction de quitter le territoire national, d’un mandat de justice ou d’une assignation à résidence. »

N’étant concerné par aucune de ces restrictions, je refuse de quémander comme une faveur ce qui relève d’un droit citoyen.

Je dénonce le blocage de mon passeport comme une provocation politique, un intolérable abus de pouvoir, une violation de ma liberté de circulation et une atteinte à mon activité professionnelle.

En prenant l’opinion publique à témoin, je tiens à rappeler aux autorités que le respect de la loi s’impose d’abord à ceux qui ont la charge de la faire respecter. Cette même loi impose aujourd’hui à l’administration de me délivrer un passeport dans les meilleurs délais. Ou de me notifier, par écrit, un refus motivé.

En attendant de voir les services de police se soumettre aux lois de la République, j’ai décidé d’user de tous les moyens légaux pour faire valoir mes droits de citoyen et protéger ma liberté de journaliste.

Alger, le 17 août 2011.

Arezki AÏT-LARBI (Journaliste)

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