Tentative de domestication du barde kabyle Si Muhand U M'hand par le régime algérien

7
628

CULTURE (Tamurt) – Cet évènement a été placé sous la direction de son fondateur et directeur artistique, le français Yvan Tetelbom. Ce festival est composé de membres de plusieurs nationalités.

Pour rappel, Si Mohand U M’hand est né à la fin du 18e siècle dans le village de Icheriouen, aarch ath-Irathen, en Kabylie. Son village natal a été rasé en 1857 par l’armée Française, sous les ordres du Général
Rondon. Sa famille, Ath-Hamadouche, a été dispersée dans tous les villages avoisinants. Pour compensation, il lui a été octroyé une parcelle de terrain dans la localité de Tizi-Rached. Cette parcelle a
été baptisée Icheriouen, du nom de l’ancien village rasé !

En 1871 sa famille a participé à l’insurrection d’El Mokrani. C’est dans ces circonstances que son père a été fusillé à Fort-National, Si Mohand U M’hand échappant de peu à la mort. Ce miracle est du à l’amour que
lui portait la fille d’un officier français.

Toutefois, ses biens et ceux de sa famille ont été séquestrés. Son frère ainé ayant fui en Tunisie, avec une partie des biens de la famille.

C’est ainsi que Si Mohand se retrouvait démuni, ruiné et privé de sa famille. Sa vocation de poète révolté est probablement née de cette situation. Il a développé un fort sentiment de liberté qui l’a conduit à sillonner toute l’Algérie, jusqu’en Tunisie, à pieds.

Une première représentation a eu lieu au centre culturel algérien le 29 septembre 2010. Une tournée a suivi en Kabylie, du 4 au 9 octobre 2010, organisée par la direction de la culture, la wilaya et l’APW de Tizi-Ouzou, la Daïra et l’APC d’Azzefoun et l’APC des Aghribs.

Tous les membres ont fait le déplacement en Kabylie sur les lieux de vie du poète. Citons :

– Yvan Tetelbom (France), Claude Ber (France), Gérard Clery (France), Nazand Begikhani (Kurdistan), Giovanni Dotoli (Italie), Fadela Chaim-Allami (Algérie), Kamel Yahaoui (Algérie), Elvire Maurouard
(Haïti), Pierre Bastide (France), Nicole Barrière (France), Philippe Tancelin (France), Michel Cassir (France-Liban), Thanh Van That (Viêt-Nam), Frédérique Wolf Michaux (France), Jean-Louis Chales (France).

Ces derniers ont déclamé des poèmes en l’hommage à l’artiste dans sa maison familiale. L’émotion était palpable.

Il faut tout de même signaler que cet hommage s’est déroulé sous la surveillance étroite des services algériens sous le prétexte fallacieux de la sécurité. Un des membres du DRS, du nom de Slimane, visible sur
les photos de l’évènement, étant particulièrement chargé de suivre les membres du festival à la trace.

J’ai personnellement eu un contact téléphonique avec le directeur du festival, M. Tetelbom, concernant les désagréments liés à cette surveillance rapprochée. Mais celui-ci a assuré que la parole du poète triomphera toujours.

Un poète de la localité de Si Mohand U M’Hand, Ahcène Mariche, a prononcé un poème en hommage au grand barde. D’autres poèmes ont été lus, mais je vous livre celui de cet artiste local :

Si Mohand U M’HandComment ne pas t’évoquer
Toi qui a toujours su parler
Dans ta langue faite de poésie
L’inspiration m’appelle
La rime m’interpelle
A m’y mettre et versifier

Si Mohand le très adulé
Depuis les temps les plus reculés
Jusqu’aux jours présents
Ta poésie a poussé
Sur les langues elle a coulé
Elle est clés et leçons

La révolte t’a fait parler
D’un ton si pesé
On dirait tissés ou moulés
Tu raconte ta douleur
Tes soucis et tes malheurs
Et en accuse ta société
Toujours dans tes errances
Sans aucune pitance
Ta pipe, ton unique compagnon
Sur chaque mont, sur chaque cime
Tu t’abandonnais à ta rime
Tes poèmes en témoigneront

Tu disais tout haut
Ce que les autres pensaient tout bas
Sans peine et sans efforts
Sur un ton juste et fort
La vérité de ta bouche sort
Et coule tel un filet d’or

Tu disais tout ce que tu pensais
Sans gène
Sans peur et sans peine
Ton verbe très sensé
Doux et amer a la fois
Franc, direct et ne rate pas
Des mots, tu t’en es libéré

Tu en as préservé et sauvegardé
Dans ta Kabylité
Des tabous, tu en as cassé
Des situations tu en as dénoncé
Qui n’avaient pas été évoquées

Des défauts tu en as condamné
Tu en as dévoilé
Tu voulais qu’on les voit
A tout le monde tu les as montré
Dans ta poésie nous les avons retrouvé
Il est temps qu’on s’en nettoie
Par quels chemins n’es tu pas passé ?
Marcher ? Tu étais habitué
De jour comme de nuit
Tu as tout raconté
Sur les villages que tu as foulé
Hiver comme été

D’Alger à Tunis à pied
Quel long trajet!
Qu’est ce que tu n as pas enduré
Tu as dormis partout
Tu manquais de tout
De misère ton visage s’est ridé

Voyageur solitaire
Les tiens pas solidaires
Ont brisé ton élan
Tu porte comme une carapace
La misère que tu casse
Malgré son poids pesant

De Asqif n ttmana
Plus d’un siècle déjà
Que tes idées coulent encore
Avec respect nous t’évoquons
Avec plaisir nous écoutons
Ta poésie déclamée encore et encore

Des hommages te sont rendus
Partout s’érigent tes statues
Même dans les régions inconnues
Ta poésie est une leçon
Pour toutes les générations
Ö éternel, nous te survivrons

Sur ta vie, on a écrit, on a chanté
On t’a sculpté dans la pierre et sur le bois
On dirait que tu nous parle parfois.
Toujours nous cherchons
Ton message avec ta rime embelli
Et nous le déchiffrerons.

Témoin de ton ère
Témoin de tes pairs
Pour tous ceux qui voudront comprendre.
Ta poésie vivra
Ton histoire montrera
A tous ceux qui voudront apprendre

Tu as prédis le destin
Que nous avons atteint
Et que nous vivons aujourd’hui
Ah! Si tu pouvais revenir
Et voir ce que nous avons pu acquérir
Tu n’en sera que tout réjouit

Tu étais en avance
Plein de prévoyances
Pour tout évènement
Tu n’as dis que la vérité
Dans toute sa clarté
Nous a ouvert les yeux grandement

A chaque époque ses hommes
A chaque société ses savants
Nous poètes, c’est toi que nous avons.
C’est dans ta poésie
Que nos chercheurs ont trouvé
Ton trésor égaré

La route que tu as tracé
Nous l’avons jalonnée
Sans ménager aucun effort
Chacun ce qu’il sait
L’écrit dans ses cahiers
A l’instar des plus forts

Ta biographie est écrite et filmée
Pour qu’elle ne soit pas égarée
A chaque instant on peut la consulter
Nous ne pourrons jamais t’oublier.
Telle une étoile à jamais
Tu brilleras sur les tiens.
De toi le monde se souviendra
Ton nom on en or s’écrira
Dans toutes les langues.

Poème de Ahcene Mariche

écrit le 13 septembre 2010 à minuit 10mn

traduit par :

Idir Bellali

le 24 septembre 2010 à 4h du matin

Si Muḥend U MḥendAmek ur d yettlal wawal
Ghef win d yedjan awal
Ad yettuseggem d asefru
Tahregt iyi d tettnawal
Tameghrut iyi d tessawal
Labud ad nessefru

Si mohand anwa ur k nessin
Si zzman aqdim
Almi d ldjil n tura
Isefra k zraan mmghin
F yilsawen ttmirin
D timsirin d tisura

D lghidh ik id yesnetqen
Imeslayen ik weznen
Amzun si lqaleb id ffghen
thekku dh d ik iqerhen
ighublan d lemhayen
Di tmetti ik idhurren

Tezgidh themledh
aawin ur t ssinedh
Arfiq ik d asebsi
Tighilt iwumi teffledh
Awal as d fetledh
Asefru k d inigi

I ttxemmimen yemdanen
Tesaidh as imeslayen
mebla ma tnudadh
S ssut ik aalayen
D tidet qerrihen
Iten id smaredh

I illan ad t id inidh
Ur t ttsethidh
Ur tettagadedh
Lahdur ik d aktili
D tammet d ssemm ini
Aavar theggadhed

terzidh leqyud i wawal
tgidh as id mihlal
Di tmetti taqvaylit
Tekksedh ula d cckal
I kra n temsal
Ur nessin tassevhit
Laayuv tfdhehedh t-en id
Aghummu tekksedh asen id
tebghidh ad ten n wali
I laama tbeggnedh ten id
Deg isefra k nufaten id
D lawan ad ten nezwi

Anwa abrid ur tewwidh
D tikli tezgidh
Deg idh negh deg uzal
Anta ff ur dnnidh
F tudrin mi tettaadidh
D asemidh negh d azghal

Si lzayer almi d tunes
D amecwar s teghzi ines
Ughevlkan maci yiwen
Ulac anda ur tettisedh
Ulac ssi ur tenxxessedh
Lhif yekrez as udem

Inig lqella lwali
D wemdan ahraymi
Rzan ak ifadden
D tabburt n lhif I terzidh
Am jeghlal ay tt tettawidh
Taakemt-is zzayen

Deg usqif n ttmana
Fella k lqarn iaada
Tiktak mazal teddunt
Nessawadh ak rrahma
Mkul mi ara
Isefra k deg awal d ddun

Ughalent ak tejmilin
Tisebdadin ayen din
Ula gher lberrani
Tamedyazt ik dtimsirin
I yal tisutwin
Ilevda yissek ad n ili

Wa yura wa yecna
Nefka yak ula dtalgha
Ixus ad d tnetqedh
Ad n nadi ilevda
I deg izen ik yella
S tmeghrut tcebbhedh

D inigi n tallit ik
Yak d timetti yik
I wi bghan ad yefhem
Ad yeqqim usefru ik
Yak d umezruy ik
I wibghan ad ten yellem

Ayen iwumi t caredh
Ar ghures newwedh
A la t nettaici
Awik id yerran ad thezredh
Ayen ughur nessawedh
Lferh ad ak yili

F lweqt ik tizwert tesaidh
Mebaid ay tettwalidh
Timsal amek ara ilint
Nufa tidett id tennidh
D tafat n deg idh
Allen s isefra k I ldint

I yal zzman irgazen
I yal timetti imusnawen
Nekni d kecc ay nesaa
Deg isefra k ayen
At tussna ttqelliben
D agerruj ay d nufa

Abrid id nedjredh nugh it
Nerna neqaad it
Swayen is ilaqen
Yalwa I isen yesfukti t
D zzmam at nektev it
Am ledjnas nnidhen
Nerna nessekles it
Dtugniwin nettwalit
S ttawilat ilaqen

Tudert ik tughal d asaru
Akken ur tfennu
Ad k neweu melmi nebgha
D lmuhal ad ak nettu
Itri k ad yezgu
Yeccaaccaa f tmura
Amadhal ad ak yecfu
Isem ik s ddheb ad ittwaru
Di tutlayin merra.

Ahcene Mariche

Ecrit le 13 09 2010 à minuit 10 mn

ahcenemariche@yahoo.fr

7 Commentaires

  1. {{étant membre de l’association organisatrice de la dite manifestation, permet-moi Monsieur Nafa Kireche de te dire qu’il n’était nullement question de domestiquer si Mohand Ou Mhand, est il « domestiquable » par ailleurs?
    cela dit tu ne cite pas les poètes locaux qui étaient de la manifestation comme Rehman Mourad, Ahmed Lahlou, Noredine Ait Slimane,Jugurta souher Khaled, Hamid Ait Slimane… ces poètes étaient du menu fretins pour vous?
    c’est vrai que nos invités étaient surveillés de prés,, mais cela n’a pas empêché la manifestation d es e dérouler et l’échange entre nos deux cultures( kabyles et Française d’avoir lieux) ? les envoie de nos amis poètés venus outre mer sont un témoignage des plus vibrant sur ce point là.
    je trouve dommage que tu titre ton article de cette manière alors que le plus important à nos yeux est que par la grâce de Si Mohand Ou mhand notre littérature kabyle entre de plein pied dans l’universel!

    Pour plus d’information je t’invite à lire le témoigange de NICOLE BARRIERE sur le site PEN club français ou sur le site d’Yvan Tetelbom lui même;
    je te renvoie aussi aux articles que je publie moi même sur ce journal  » tamurt .info » dans sa version kabyle sur le même sujet.
    merci
    }}

  2. {{étant membre de l’association organisatrice de la dite manifestation, permet-moi Monsieur Nafa Kireche de te dire qu’il n’était nullement question de domestiquer si Mohand Ou Mhand, est il « domestiquable » par ailleurs?
    cela dit tu ne cite pas les poètes locaux qui étaient de la manifestation comme Rehman Mourad, Ahmed Lahlou, Noredine Ait Slimane,Jugurta souher Khaled, Hamid Ait Slimane… ces poètes étaient du menu fretins pour vous?
    c’est vrai que nos invités étaient surveillés de prés,, mais cela n’a pas empêché la manifestation d es e dérouler et l’échange entre nos deux cultures( kabyles et Française d’avoir lieux) ? les envoie de nos amis poètés venus outre mer sont un témoignage des plus vibrant sur ce point là.
    je trouve dommage que tu titre ton article de cette manière alors que le plus important à nos yeux est que par la grâce de Si Mohand Ou mhand notre littérature kabyle entre de plein pied dans l’universel!

    Pour plus d’information je t’invite à lire le témoigange de NICOLE BARRIERE sur le site PEN club français ou sur le site d’Yvan Tetelbom lui même;
    je te renvoie aussi aux articles que je publie moi même sur ce journal  » tamurt .info » dans sa version kabyle sur le même sujet.
    merci
    }}

  3. Azul

    Merci pour votre témoignage. souvent les gens utilisent des titres racoleur qui n’ont rien avoir avec le texte lui même. Et d’ailleurs je ne vois pas pourquoi tant de gymnastique sauf si certains prennent leurs lecteurs pour des imbéciles.

    Que vive la culture Kabyles
    Kabylie libre et autonome

  4. en tant que president de poètes à Paris et metteur en souffle de la manifestation autour de Si M’hand en Kabylie, permettez moi de dénoncer l l’article hasardeux de Monsieur Kirèche dont le titre raccoleur et choquant écrit uniquement pour déstabiliser ou introduire du doute dans les esprits, me blesse. jamais je n’ai senti de censure de qui que ce soit tout au long de ce festival et tous les poètes invités venant de France et ceux vivant en Kabylie ont pu parler librement. Nous étions tous avides de connaître plus profondément la pensée de ce poète et toutes les idées ont pu être exprimées sans retenue. ce festival rendait hommage à Si M’hand, à sa poésie universelle inscrite désormais dans le patrimoine culturel algérien, hommage que je lui rendais à Paris devant un public conquis et évidemment cette soirée à Paris je l’avais décidé, seul, en ce sens que personne ne m’avais dicté une quelconque instruction. Je remercie d’ailleurs l’association Youcel ou Kaci de Tizi ouzou d’avoir organisé avec autant de coeur et de savoir faire, ces journées dédiées à Si M’ hand dans le cadre de ce festival en kabylie et grâce auxquelles nous avons pu communier avec le poète à Sidi Rached. Les poèmes de Si M’hand nous emmènent si haut dans les étoiles que bien des choses ici bas deviennent sans importance/ http://www.poetesaparis.fr

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici