« Face à l’isolement international d’Alger, la cause kabyle progresse »

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M. Ferhat Mehenni (à d.) et M. Lyazid Abid (à g.) devant la Knesset
M. Ferhat Mehenni (à d.) et M. Lyazid Abid (à g.) devant la Knesset

ENTRETIEN (TAMURT) – Dans cet entretien express, Lyazid Abid, président de l’Union pour la République Kabyle, rend hommage à Ferhat Mehenni, récipiendaire du prix « Lifetime Achievement » lors des International Prime Awards Asia-Africa 2025, organisé le 17 juillet à Paris. En outre, il explique comment l’isolement international d’Alger a profité à l’avancement de la cause indépendantiste kabyle.

Le 17 juillet dernier, le président du MAK et de l’Anavad, Ferhat Mehenni, a reçu le prix “Lifetime Achievement in Cultural Advocacy and Self-Determination”. Que représente cette distinction pour la cause kabyle ?

D’abord, j’aimerais saisir cette occasion pour rendre hommage à Ferhat Mehenni pour cette nouvelle distinction. Il a amplement mérité cet honneur, eu égard à sa vie entièrement dédiée à la lutte pacifique pour la liberté et, depuis récemment, à son engagement pour la défense des droits du peuple kabyle à son indépendance.

Déjà, en 2013, il avait été récompensé par le Prix Gusi de la paix, en guise de reconnaissance pour ses efforts persévérants en vue de trouver des solutions servant le bien-être des peuples. En 2023, l’Université du Québec à Montréal (UQAM) lui a décerné, ainsi qu’à l’ancien président catalan Carles Puigdemont, le Prix Independentium, en hommage à leurs démarches en faveur de la libération des peuples et de la construction d’États souverains.

En recevant récemment le prix “Lifetime Achievement in Cultural Advocacy and Self-Determination”, Ferhat est honoré notamment pour son engagement de longue date à défendre le droit du peuple kabyle à l’autodétermination. C’est une reconnaissance internationale symbolique de la légitimité du combat du peuple kabyle pour recouvrer sa souveraineté. Sur le plan diplomatique, c’est une réponse cinglante au régime colonial d’Alger, qui qualifie injustement les indépendantistes kabyles de ‘’terroristes‘’.

En parlant du régime algérien, vous avez déjà annoncé, il y a plusieurs mois, que la politique répressive que mène l’Algérie en Kabylie, ses manœuvres de déstabilisation dans la région du Sahel, ainsi que son soutien armé et financier au Polisario le conduiront à l’isolement. Pensez-vous que c’est le cas aujourd’hui ?

Effectivement, j’avais annoncé à maintes reprises que le régime algérien se dirige droit vers un isolement international. Il faut être aveugle pour ne pas le constater. Dernièrement, l’Union européenne a lancé une procédure d’arbitrage, en accusant Alger « de restrictions croissantes au commerce et aux investissements ». Sur la question du Sahara occidental, les pays européens se rallient un après l’autre à la solution d’autonomie proposée par le Maroc. Après l’Espagne, la France et l’Angleterre, c’était le tour du Portugal de se prononcer, ce mardi 22 juillet, en faveur du plan marocain d’autonomie.

À cela s’ajoutent les tensions avec les pays du Sahel, à savoir le Mali, le Niger et le Burkina Faso, ainsi que les brouilles avec les Émirats Arabes Unis. Même la relation entre l’Algérie et la Russie, alliée historique du régime algérien, s’est dégradée suite à la présence de Wagner au Sahel. Le slogan de « puissance régionale » répété à tue-tête par le président algérien à chaque sortie médiatique, et auquel même les Algériens ne croient pas, n’est que pur mensonge destiné à bercer et à berner l’opinion nationale algérienne. Dans les faits, Alger n’est plus un acteur incontournable dans les dossiers régionaux, comme c’est le cas des dossiers libyen et malien.

Pensez-vous que cet isolement généralisé d’Alger a favorisé l’avancement de la cause kabyle sur le plan diplomatique ?

Tout à fait. Face à cet isolement international de l’Algérie, la cause kabyle continue d’avancer sur le plan diplomatique. Dans son dernier rapport datant de décembre 2024, le département d’État américain a rejeté la classification par l’Algérie du MAK comme organisation ‘’terroriste‘’. Washington estime que cette désignation relève davantage de considérations politiques que sécuritaires. Le combat des indépendantistes kabyles pour l’indépendance de la Kabylie est aux yeux de la grande puissance mondiale, qui sont les États-Unis d’Amérique, de nature politique et pacifique.

En septembre de la même année, un avis juridique britannique a reconnu de manière formelle et incontestée le droit du peuple kabyle à l’autodétermination. En effet, la Brick Court Chambers, un cabinet d’avocats britannique très réputé, avait émis, le 04 septembre dernier, un avis juridique reconnaissant l’existence des kabyles en tant que peuple. La cause kabyle est aussi évoquée lors de la tenue de réunions ou de forums onusiens.

A titre d’exemple, le Congrès Mondial Amazigh (CMA) a pris part à la 24ᵉ session du Forum permanent des Nations Unies sur les questions autochtones qui s’est déroulée du 21 avril au 2 mai 2025 au siège de l’ONU à New York. Cette session avait pour thème principal « la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones au sein des États et du système des Nations Unies ». La spoliation des terres, des territoires et des ressources naturelles des Kabyles par le régime algérien a été dénoncée.

En France, le blackout médiatique imposé depuis longtemps sur la question kabyle a été brisé, notamment dans le sillage des tensions entre Alger et Paris. Une délégation du gouvernement kabyle en exil a été maintes fois reçue à l’Assemblée nationale française par des sénateurs et des parlementaires. Le Représentant permanent du Maroc auprès des Nations Unies a, et à plusieurs reprises, évoqué dans ses interventions le droit du peuple kabyle à l’autodétermination face à l’hypocrisie du régime algérien, qui revendique ce droit pour le Polisario et le refuse aux Kabyles.

J’aimerais aussi souligner le refus des pays européens de répondre favorablement aux mandats d’arrêt internationaux lancés par Alger à l’encontre des militants indépendantistes condamnés à perpétuité par la justice algérienne, et dont je fais partie. Ce désaveu représente une victoire diplomatique pour la cause indépendantiste kabyle.

Blessée, attristée par le nombre de ses enfants privés de liberté, la Kabylie se bat fièrement face à l’adversité de l’Algérie. Aux Kabyles qui ignorent encore le prix de l’existence ou qui veulent la détourner de son combat pour la liberté, elle propose la lucidité et l’honneur. Entre indépendantistes, elle appelle à la modestie, à la fraternité dans la diversité et à la cohésion. Nous abattrons la tyrannie, c’est certain !

Entretien réalisé par Lyes B pour Tamurt

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