Le KDS Mourad Amiri appelle à l’arrestation du chanteur kabyle Oulahlou

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Oulahlou
Oulahlou

ALGER (TAMURT) – Fonctionnaire au ministère algérien de l’Intérieur et proche de l’ancien ministre Yazid Zerhouni, en poste lors de la répression sanglante du Printemps noir de 2001, Mourad Amiri a appelé publiquement à l’arrestation du chanteur kabyle Oulahlou (Abderrahmane Lahlou). En cause : la dernière chanson de l’artiste, dans laquelle il dénonce ce qu’il considère comme le racisme antikabyle incarné notamment par Naima Salhi et ses soutiens.

Sur sa page Facebook, Mourad Amiri accuse Oulahlou d’avoir « franchi une ligne rouge » et affirme que sa chanson « véhicule des propos racistes et stigmatisants envers les Algériens arabophones », allant jusqu’à qualifier l’œuvre de « menace directe pour la cohésion nationale ».

Une accusation contestée par le contenu même de la chanson
Or, pour les auditeurs maîtrisant la langue kabyle, les propos d’Oulahlou ne relèvent ni du racisme ni de l’incitation à la haine. Dans sa chanson, l’artiste s’en prend aux « iâarvuven », terme désignant ceux qui nient l’identité, la langue et la culture kabyles, qui dénigrent publiquement les symboles de la Kabylie et ses figures historiques, tout en usant d’insultes et de stigmatisations répétées.
Naima Salhi est explicitement citée par Oulahlou comme illustration de ce discours hostile à la Kabylie. L’artiste dénonce ainsi un courant idéologique qui, selon lui, alimente la haine et le mépris à l’égard des Kabyles, et non une communauté linguistique ou culturelle dans son ensemble.

Un discours officiel à géométrie variable
Malgré cela, Mourad Amiri persiste et affirme que le chanteur « attise la haine » et « alimente les fractures exploitées par les ennemis de l’unité nationale », qualifiant même la chanson « d’arme idéologique contre la stabilité de l’Algérie ».
Ses détracteurs lui reprochent cependant de passer sous silence les discours ouvertement racistes tolérés, voire protégés, par le régime algérien. Plusieurs figures proches du pouvoir ont, ces dernières années, tenu des propos haineux à l’encontre des Kabyles sans jamais être inquiétées.
L’ex-sénateur FLN Abdelouahab Benzaïm avait notamment qualifié les Kabyles de « descendants de zouaves » et décrit la Kabylie comme une « tumeur à l’intérieur du pays », dans une publication Facebook datée du 12 juin 2021, restée sans suite judiciaire.

Un appel à la justice dénoncé comme une instrumentalisation
Dans ce contexte, l’appel de Mourad Amiri à l’arrestation d’Oulahlou est perçu par de nombreux observateurs comme une tentative d’instrumentalisation de la justice.
« J’appelle la justice algérienne à se saisir de cette affaire et à mettre un terme à ces dérives qui menacent la paix civile, l’unité nationale et propagent le discours de haine », a-t-il écrit.
Pour les soutiens de l’artiste kabyle, cette démarche relève d’une hypocrisie manifeste, dans un pays où les discours antikabyles prolifèrent sans sanction, tandis que les voix artistiques et critiques sont régulièrement ciblées.

Liberté d’expression en question
Cette affaire relance une fois de plus le débat sur la liberté d’expression, la place de l’art engagé et le traitement différencié des discours selon leur proximité ou leur opposition au pouvoir. Pour beaucoup, ce n’est pas Oulahlou qui menace la cohésion nationale, mais bien la tolérance institutionnelle accordée aux discours de haine, combinée à la répression des voix dissidentes.

Arezki Massi

3 Commentaires

  1. La problématique Kabyle en Algérie desormer sera plus sûr le terrain des luttes comme avant ni a la charge ( sur les épaules frêle ) des chanteurs .
    La solution sera sur le terrain politique aux instances internationales a travers la politique et alliances en pays

    Vive la Kabylie libre
    Soutiens a tous les Kabyles terroriser et emprisonnés par le colonialisme algérien

  2. Cette affaire illustre une nouvelle fois le profond déséquilibre dans le traitement des discours en Algérie. Lorsqu’un artiste kabyle dénonce une idéologie hostile à son identité, il est immédiatement accusé de racisme et présenté comme une menace pour l’unité nationale. En revanche, les propos ouvertement antikabyles, tenus par des figures proches du pouvoir, continuent de bénéficier d’une impunité totale.

    La chanson d’Oulahlou ne vise ni une langue ni un peuple, mais un discours de négation et de haine qui s’est banalisé dans l’espace public. Criminaliser l’art engagé tout en tolérant les insultes et la stigmatisation revient non seulement à vider la notion de cohésion nationale de son sens, mais aussi à alimenter les fractures que l’on prétend combattre.

    À travers cet épisode, c’est la liberté d’expression qui est une fois de plus mise à l’épreuve, ainsi que la capacité de la justice à agir de manière équitable, indépendamment des rapports de force politiques et idéologiques.

  3. Réponse parfaitement fondée, et même salutaire. On appréciera surtout la constance morale de certains donneurs de leçons : indignés à géométrie variable, sourds quand l’insulte vise la Kabylie, subitement hypersensibles dès qu’un artiste met un miroir devant leurs contradictions.

    Rappel factuel utile (apparemment nécessaire) : pour quiconque comprend le kabyle, la chanson d’Oulahlou ne vise ni une langue ni un peuple, mais un discours — celui qui nie, méprise et stigmatise l’identité kabyle. Confondre cela avec du « racisme envers les arabophones », c’est soit ne pas comprendre la langue… soit très bien la comprendre et faire semblant du contraire. On hésite.

    Le plus savoureux reste l’argument de la « menace pour la cohésion nationale ». Curieusement, traiter la Kabylie de « tumeur » ou ses habitants de « descendants de zouaves » n’a jamais semblé fissurer ladite cohésion. Preuve scientifique que l’unité nationale algérienne est extrêmement résistante… sauf quand un chanteur écrit une chanson.

    Quant à l’appel à la justice, il mérite une mention spéciale : dans un pays où les discours antikabyles circulent librement, la priorité urgente serait donc d’arrêter un artiste. Logique implacable : éteindre le thermomètre pour faire baisser la fièvre.

    Bref, cet article met le doigt là où ça fait mal : le problème n’est pas l’art engagé, mais l’indignation sélective. Et comme souvent, ce n’est pas la chanson qui dérange — c’est ce qu’elle révèle.

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