KABYLIE (TAMURT) – Les chanteurs kabyles ont toujours été les porte-voix du peuple kabyle. Chacun à sa manière a défendu la langue kabyle, la liberté, les droits de l’homme, les traditions et les us kabyles… Ils affrontent à ce jour un pouvoir raciste et régionaliste. Oulahlou est interdit de chanter ni même de sortie du pays, Zedek Mouloud n’a pas pu se rendre en Kabylie depuis 2020. Il est devenu exilé à son tour en France. Il n’est pas le premier. C’est ainsi depuis 1962 et l’exemple de Slimane Azem reste le plus édifiant. Il est même interdit de l’enterrer en Kabylie. Matoub Lounès a été assassiné par la sécurité militaire algérienne…
Les chanteurs kabyles sont les plus exposés à l’acharnement du régime algérien. Malheureusement, certains chanteurs kabyles souffrent de double peine. Ils sont aussi dénigrés par des Kabyles, souvent injustement. « Nos chanteurs, tous, sont notre fierté. Ils ont le droit d’avoir des opinions politiques diverses, mais d’une manière ou d’une autre, ils défendent tous l’identité kabyle. Cessons de les dénigrer !
Ce n’est pas qu’une fois morts qu’on s’agite pour inaugurer des ruelles à leurs noms pour leur rendre hommage. On doit leur construire des moments tant qu’ils sont vivants », dit Farida, une jeune étudiante en langue tamazight à l’université de Tizi Ouzou. « Takfarinas est toujours ciblé, alors qu’il est un des meilleurs chanteurs au monde. Il faisait partie des dix meilleurs chanteurs au monde, avec Mickaël Jackson, invités à chanter à l’anniversaire de Nelson Mandela en 1996. Il a toujours honoré la culture et la langue kabyle. Aujourd’hui certains l’insultent juste parce qu’il n’est pas de la même position politique. Il a le droit d’être contre l’indépendance de la Kabylie. Où est le problème ? Vous voulez qu’on devienne comme le régime algérien que nous ne cessons pas de dénoncer ? Ait Menguellet aussi. La plupart de ceux qui l’insultent aujourd’hui, ils n’étaient pas encore nés lorsqu’il a été arrêté pour avoir défendu notre liberté. En 2009, il avait refusé un cachet de dix milliards de centimes pour chanter en faveur de la candidature de Bouteflika. Il était au premier rang des combats en avril 1980… il est encore en vie, toute la Kabylie doit lui rendre hommage comme un seul homme. C’est plus qu’un devoir. Par devoir et par patriotisme, je m’incline devant nos chanteurs, tous. Qui parle aujourd’hui de notre Diva, Malika Domrane, Farid Ferragui, Rabah Asma, Kamel Rayen, Rabah Ouferhat, Oulahlou Zedek Mouloud, Mouhand Allaoua, Si Lakhal, Akli Yahiaten, Akli D, Ali Amrane… même si ils ne sont pas totalement d’accord avec notre projet de l’indépendance. Ils font face eux aussi à des pressions et menaces », ajoute notre interlocutrice avec un air empreint d’une légère colère.
« Si nous les Kabyles nous ne valorisons pas nos chanteurs, qui va le faire ? Il n’y a pas pire que d’être dénigré par les siens », fera remarquer la jeune étudiante Farida. « J’ai toujours essayé de passer ce message à mes frères kabyles : de protéger nos chanteurs et poètes et tous les artistes. Je suis étudiante en tamazight, c’est grâce à nos chanteurs en grande partie que nous pouvons étudier notre langue aujourd’hui », conclut la jeune étudiante.
Idir Yatafen



Cette manie de sacraliser des figures publiques simplement parce qu’elles chantent en kabyle… À croire que fredonner quelques paroles en tamazight suffit pour se racheter de toutes les lâchetés politiques. On nous sert le refrain éculé du « respectez leurs opinions politiques », comme si on parlait d’un simple débat sur la météo, alors qu’il s’agit ici de la survie même de la Kabylie.
Non, tous les chanteurs kabyles ne sont pas « notre fierté ». Certains sont devenus les porte-voix non pas du peuple, mais du système qu’on combat. Lorsqu’on utilise son influence pour saper la légitimité d’un mouvement indépendantiste né des entrailles de la douleur, de la répression et du sang, on ne peut pas prétendre être neutre. On choisit un camp. Et dans ce cas, ce n’est pas celui de la Kabylie libre, mais celui du régime qui emprisonne, exile et assassine.
Qu’un chanteur refuse de soutenir l’indépendance de la Kabylie, c’est une chose. Mais qu’il crache dessus et insulte ceux qui la défendent, tout en se positionnant comme victime, c’en est une autre. On ne peut pas vouloir les applaudissements de la Kabylie tout en s’agenouillant devant le pouvoir qui l’étrangle chaque jour.
Oui, les vrais artistes engagés comme Matoub, Zedek ou Oulahlou méritent notre respect, non pas parce qu’ils chantent, mais parce qu’ils ont payé le prix fort pour leur engagement sans compromis. Ils ont été persécutés parce qu’ils ont mis leur art au service de la vérité et de la justice, pas pour quémander des visas, des faveurs ou des cachets dorés en échange d’un silence complice.
Alors non, tout le monde ne mérite pas un monument ou une ruelle. Le respect, ça se mérite par la droiture, pas par la neutralité molle ni par les coups de fil au ministère pour « arranger » les tournées. Ceux qui défendent la Kabylie avec sincérité, même sans micro ni guitare, sont plus dignes de reconnaissance que ceux qui trahissent sa cause au nom d’une « diversité d’opinion » qui, en réalité, sert à couvrir leur opportunisme.
La Kabylie mérite des artistes libres, pas des lèche-bottes en costume de rebelle
Tanmirt a gma
Rien a rajouter..