Affaire Belghit : « L’indignation algérienne n’est que de la poudre aux yeux », estime Lyazid Abid (URK)

ENTRETIEN TAMURT – Dans cet entretien express, Lyazid Abid, Président de l’Union pour la République Kabyle (URK), un mouvement politique luttant pacifiquement pour l’indépendance de la Kabylie, revient sur la récente polémique suscitée par un professeur algérien, affirmant que l’amazighité serait « un projet franco-sioniste ».

Certainement, vous avez suivi l’énorme polémique suscitée dernièrement en Algérie et en Kabylie par les déclarations de l’universitaire algérien Belghit Mohamed Amine, qui a affirmé sur la chaine émiratie Sky News Arabia que « l’amazighité est un projet franco-sioniste ». La télévision publique algérienne s’est même distinguée par une riposte qualifiée de « magistrale » par des internautes à ce professeur et s’est virulemment attaquée aux Emirats-Arabes-Unis (EAU) dans un souci de défendre « l’unité nationale ». Quelle est votre réaction à cette polémique ?

L’indignation exprimée par les médias algériens, notamment la télévision publique ou des chefs de partis qui roulent pour le régime en place, comme le RND et le FLN, n’est que de la poudre aux yeux. Il me semble que ceux qui se sont félicités de la « forte » réaction de la télévision algérienne ont la mémoire très courte. Laissez-moi leur rappeler que c’est ce même média, qui est la voix de la junte militaire, qui n’a pas hésité en 2021 à traiter la Kabylie de « région terroriste » (Mantiqa Irhabia) et a mené une propagande haineuse et nauséabonde contre les kabyles. Pourquoi elle ne s’est pas autant indignée lorsque les islamistes Naima Salhi (Présidente du Parti de l’équité et de la proclamation) et Abdelkader Bengrina (président du mouvement El Bina) jetaient l’anathème et déversaient leur haine sur la Kabylie et le peuple kabyle. Pourquoi ces mêmes médias ne se sont pas offusqués par les propos tenus à l’époque par le sénateur FLN Abdelouahab Benzaïm qui a publiquement menacé les Kabyles de ‘’les extraire‘’ comme on le ferait pour ‘’une tumeur maligne‘’. Donc, cette indignation algérienne est empreinte d’hypocrisie. Ce ne sont pas les Emirats-Arabes-Unis qui ont inventé et promu le racisme envers les kabyles et l’anti-kabylisme, mais l’Etat algérien. En ce qui me concerne, je condamne, en mon nom et au nom de l’Union pour la République Kabyle (URK), les propos insensés de cet universitaire algérien, connu pour sa haine envers tout ce qui est kabyle et amazigh en général.

Ce professeur a été quand même placé sous mandat de dépôt, samedi dernier, par le tribunal de Dar El-Beida et sera poursuivi entre autres pour atteinte à « l’unité nationale et aux symboles et constantes de la nation ».

C’est ce même tribunal qui a condamné à la prison ferme des centaines de kabyles pour le délit de ‘’ kabylité ‘’. Le régime algérien est rattrapé par ses contradictions. Laissez-moi également souligner que beaucoup d’algériens partagent les idées de ce professeur. Peut-être, l’exemple le plus édifiant est le refus et le rejet de l’enseignement de tamazight dans les régions arabophones. En dehors de la Kabylie, l’enseignement de tamazight rencontre une farouche résistance, au nom de l’Islam et de l’Arabité, les deux autres composantes de la nation algérienne, selon sa Constitution. Si l’Etat algérien considère réellement que tamazight est une composante essentielle de l’identité nationale de l’Algérie, pourquoi n’impose-t-elle pas l’enseignement obligatoire de cette langue dans tous les établissements scolaires en Algérie ?

Comment le peuple kabyle doit-il réagir face à cette polémique ?

Le peuple kabyle n’est pas dupe. Il sait pertinemment que le racisme contre les kabyles et les amazighs en général ne date pas d’aujourd’hui et qu’il est nourri et cultivé par le régime algérien lui-même depuis l’indépendance de l’Algérie. Cette indignation algérienne n’est que de la poudre aux yeux. Le régime algérien, qui a protégé les concepteurs du projet ‘’zéro kabyle‘’ veut tout simplement détourner l’opinion publique algérienne des vrais problèmes socio-économiques qui rangent le pays et des échecs de la diplomatie algérienne, notamment sur le dossier du Sahara Occidental et le traitement de la crise avec la France. La meilleure réaction du peuple kabyle face à cette polémique est de ne pas se laisser distraire, mais de rester concentrer sur la lutte pacifique pour l’indépendance de notre chère patrie, la Kabylie.

Propos recueillis par Aksil K.