Après Mohamed Arkoun : L’académicien kabyle Salem Chaker fait don de sa bibliothèque personnelle au Maroc

RABAT (TAMURT) – L’éminent spécialiste kabyle en linguistique amazighe, Salem Chaker, a fait don de sa bibliothèque personnelle à la Bibliothèque Nationale du Royaume du Maroc (BNRM). Celle-ci lui a dernièrement rendu hommage, en organisant un colloque scientifique sur ses contributions académiques sous le thème “Un héritage de mots et de savoirs”. C’est le deuxième intellectuel kabyle, après Mohamed Arkoun, à avoir choisi de léguer son fond bibliothécaire au Maroc.

L’académicien kabyle Salem Chaker a justifié son choix d’opter pour la BNRM comme gardienne de son patrimoine, entre autres raisons, à cause de la qualité du travail de cette institution. « Comme je connaissais la BNRM, que j’ai visité en 2015, j’ai vu la qualité à la fois des locaux et du travail qui a été fait de mise en place. Du coup, ça m’a semblé être la solution la plus adaptée et la plus sûre. Honnêtement, et sur ce plan, je n’ai qu’à m’en féliciter parce que le transfert a été fait très rapidement. Même en France, ce sont des choses qui n’auraient pas été réalisées aussi rapidement. L’administration française est quand même un peu plus lourde », a confié l’universitaire et chercheur kabyle en marge de l’hommage qui lui a été rendu par la BNRM, en février dernier.

Par ailleurs, Salem Chaker a expliqué qu’il n’a pas choisi l’Algérie pour faire don de son fond documentaire parce que ses échanges scientifiques avec ce pays étaient difficiles et rares contrairement au Maroc. « Evidemment, et en filigrane, vous pouvez me demander pourquoi je n’ai pas choisi l’Algérie ». Il explique la raison : « Parce que j’avais de très bons étudiants marocains devenus mes collègues, et j’ai beaucoup collaboré scientifiquement avec des berbérisants marocains. Mes échanges scientifiques étaient très orientés vers le Maroc. Ils étaient plus difficiles, plus rares, aléatoires et incertains avec l’Algérie. L’institution de la BNRM m’a paru quelque chose de solide qui pouvait vraiment mettre à disposition et dans de bonnes conditions ce fond documentaire », a indiqué cet ancien professeur à l’Institut des langues et civilisations orientales de Paris (INALCO), tout en ajoutant que ce choix est « naturel, légitime et efficace ». Néanmoins, il précisera que « l’essentiel » pour lui est que sa documentation, sa bibliothèque et ses archives « soient en pays berbérophone ». Le Maroc, souligne Salem Chaker, est le pays où existe « le plus grand nombre de berbérisants et surtout le plus solidement formés ». Il a affirmé dans ce sillage que la moitié des quarante docteurs qu’il a formés sont des marocains.

Pour rappel, en mars 2023, la Fondation Mohamed Arkoun pour la paix entre ‎les cultures, gérée par la veuve du défunt Touria Yacoubi Arkoun, a gracieusement offert à la BNRM le fond bibliothécaire de ce penseur kabyle. Ce don renferme plus de 5 000 précieux ouvrages et 2 000 revues.

Dans un autre chapitre, il est utile de rappeler ici la prise de position honorable de Salem Chaker lorsque le régime algérien avait accusé les indépendantistes kabyles de terroristes. Dans une déclaration publiée fin avril 2021, il affirme ceci en réponse au communiqué du Ministère de la défense nationale algérien (MDN), annonçant le 25 avril 2021 le démantèlement d’un groupe terroriste lié au MAK. « L’hypothèse d’un groupe terroriste en Kabylie est une plaisanterie fumeuse », avait-il réagi.

Arezki Massi