KABYLIE (TAMURT) – Dans une récente sortie médiatique, la sœur du rebelle, Malika Matoub, a donné sa version sur la réalité de la classification de la maison de Matoub Lounès, sise au village Taouerirt Moussa à Ath Douala. Malika Matoub, en substance, a confirmé de manière indirecte que la maison de Lounès Matoub est classée comme patrimoine culturel par l’État algérien. En d’autres termes, la maison de Matoub est devenue un bien de l’État algérien.
« Je me demande pourquoi toute cette polémique sur la maison de Matoub Lounès et sa classification ? La maison d’Abane Ramdane, celle de Karim Belkacem sont classifiées depuis longtemps comme un patrimoine national à préserver et personne n’a dit un mot, car c’est tout à fait normal. Même la maison de Lalla Fadma N’Souler a été aussi classifiée. Pourquoi certains s’opposent seulement à la classification de la maison de Matoub Lounès ? », explique Malika Matoub. « Ils disent qu’on a vendu la maison de mon frère, alors que c’est le contraire qu’on a fait moi et ma mère. Cette maison a été classifiée suite à notre demande. C’était le jour où on a reçu un huissier de justice mandaté par la veuve Nadia Matoub qui réclamait sa part d’héritage. Donc si on accepte la décision, chacun prend un étage et la voiture où il a été tué, on va la vendre, etc. Il restera quoi alors de la valeur de la maison de Matoub Lounès après ? Vous voyez ! Nous on n’a pas demandé la division ou la part d’héritage. On a demandé sa classification pour qu’elle reste un patrimoine pour tous les Kabyles et elle sera éternellement préservée à l’avenir, juridiquement et matériellement. Je ne suis pas malade quand même pour vendre la maison et le jardin où ma mère et mon frère sont enterrés. On a demandé la classification justement de cette maison pour éviter sa vente », argumente Malika Matoub qui insiste sur l’importance de sa démarche.
Une démarche sévèrement critiquée en Kabylie. « Nadia Matoub a le droit de venir s’installer ici, mais elle n’a pas le droit de réclamer la division de ce bien laissé par mon frère. Je n’ai aucun problème personnel avec Nadia, qui m’a accompagné de France jusqu’ici le jour du décès et de l’enterrement de ma mère. Mais personne n’a le droit de réclamer sa part dans cette maison qui appartient à tous les Kabyles, y compris moi », ajoute Malika qui assume clairement d’avoir demandé la classification de la maison de Matoub Lounès, assassiné justement par l’État algérien.
Il avait raison. Kateb Yacine qui disait : « Ils nous tuent puis ils nous rendent des hommages ». L’État algérien a ordonné l’assassinat de Matoub Lounès et ce même État a classifié sa maison pour… »la préserver ». Si Nadia à tort, Malika a-t-elle raison ?
Idir Yatafen
Cette affaire dépasse une simple querelle d’héritage : elle met en lumière une trahison silencieuse, maquillée en geste de préservation. Car derrière les grands discours de Malika Boukhtouche, il ne reste que l’ombre d’une sœur autrefois digne, aujourd’hui entièrement soumise à l’État assassin.
Elle ose parler de « patrimoine culturel », mais ce qu’elle fait réellement, c’est livrer la maison de Matoub Lounès à ceux-là mêmes qui ont ordonné son assassinat. Malika Boukhtouche n’a pas préservé la mémoire de son frère : elle l’a trahie. En demandant le classement de la maison par l’État algérien, elle a officiellement remis ce lieu sacré à un régime criminel, pour gagner en retour quelques privilèges personnels (Thunttichin), quelques miettes (Igrumen (ⵉⴳⵔⵓⵎⵏ) de reconnaissance officielle.
Qu’elle le reconnaisse ou non, elle est désormais un outil docile de la machine à effacer, manipuler et recycler l’histoire. L’État qui a exécuté Matoub Lounès se donne aujourd’hui une image respectable… grâce à la complicité active de sa propre sœur, devenue Malika Boukhtouche, celle qui a vendu son honneur et l’âme de son frère.
Elle accuse Nadia Matoub de vouloir diviser ou revendiquer un héritage. Mais que vaut un héritage privé face à une trahison publique ? Si Nadia demande sa part en tant que veuve, c’est un droit. Mais Malika Boukhtouche a offert tout le symbole de Matoub sur un plateau à ceux qui l’ont abattu.
Et ce n’est que le début. Si cette mascarade continue, l’État va tout récupérer, tout réécrire, tout arabiser : la maison deviendra un musée officiel arabisé, les chansons de Matoub seront vidées de leur sens, peut-être même traduites ou censurées. Et dans quelques années, on le rebaptisera peut-être « Abou Lounès Al-Qabayli », on donnera au village un nom générique arabe, et on enseignera aux enfants que c’était un chanteur « nationaliste », fidèle à la République, en espérant que les générations futures oublient la vérité, l’homme, le combat, et surtout la Kabylie.
Elle a livré la maison de Matoub, comme on livre un cadavre une seconde fois.
L’ironie est totale : au nom de la mémoire, on la vend à l’ennemi. Au nom de la Kabylie, on la livre au pouvoir central. Comme disait Kateb Yacine : « Ils nous tuent puis ils nous rendent hommage ». Il faut désormais ajouter : « Et parfois, avec la bénédiction des nôtres.