Avec le temps, ce tas de bois disproportionné à ma petite personne de chérubin me paraît semblable à cette identité berbère d’Afrique du nord. Le berbérisme prôné par les berbéristes, dont je faisais partie, est devenu un « fourre-tout identitaire » sans contours exacts ni ambitions avouées. La dynamique géopolitique des pays nord-africains et l’évolution des paysages politiques intra-nationaux ont laissé sur le carreau les chantres du berbérisme culturaliste.
Le MCB, Mouvement Culturel Berbère, organisation qui n’a jamais dépassé la sphère kabyle a prétendu avec sincérité et conviction prendre en charge le destin d’une revendication supranationale : la reconnaissance de la culture et langue berbère.
Comment mener à bien un si vaste chantier alors que ses animateurs l’ont condamné à l’échec dès le départ ? Comment prétendre à la fois être l’émanation du peuple berbère et vider le mouvement de sa substance politique avec cette vielle rengaine d’organisation apolitique ? Comment prétendre être un interlocuteur incontournable des gouvernants en place alors que les poseurs de bombes qui ont tenu tête courageusement au pouvoir militaire ont été lâchement abandonnés à leur sort.
La liquidation physique des leaders Kabyles de la guerre d’Algérie a interrompu la transmission directe de mémoires militaire et politique nécessaires à la pérennité d’une lutte. Le capital expérience détenu par nos aînés suite à leur contact avec les autres composants de ce patchwork appelé peuple algérien nous a fait défaut pour anticiper la stratégie de la lutte identitaire post-indépendance.
Aujourd’hui, continuer à se noyer dans ce vaste océan qu’est l’identité berbère, c’est se condamner à disparaître. Dans un monde globalisé, cette option est viable si les États de l’Afrique du nord font le relais de cette identité pour former un bloc géostratégique à l’image de la Communauté Européenne. En face de cet apartheid du panarabisme prôné par cette supercherie du Grand Maghreb Arabe, une refonte de notre stratégie de lutte est nécessaire. Surtout si nous savons qu’un match de football a mis en péril un mitou-mythe qu’est la fraternité arabe entre l’Egypte ce dealer panarabiste et l’Algérie cette camée accro au panarabisme.
Pour ceux qui s’accrochent encore et toujours à des mirages en luttant contre les moulins à vent, ceux, nostalgiques d’une Berbèrie préhistorique et aseptisée de toutes ses altérités,
aux quidams de la neutralité face aux identités résiduelles des peuples d’Algérie et de l’Afrique du nord, comment échanger, interagir avec les autres si d’emblée vous vous liquéfiez dans ce magma de la globalisation ?
Aujourd’hui un nouveau combat de type alter-berbériste prônant les autonomies régionales est vital à la survie même de nos peuples. La lutte commence au sein de nos familles, de nos villages, de nos communes… Les défis s’appellent développement durable, énergie renouvelable, infrastructures touristiques pour réconcilier le Kabyle avec son identité. Commençons par le réconcilier avec son immédiateté économique. En résumé et tout simplement permettons-lui de vivre. Pour ce faire, cessons de nous contenter de palliatifs, cherchons le vrai remède : l’autonomie. Seule garante de notre émancipation.