De l’Afrique à l’Europe, un même réveil identitaire

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Le Figaro
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Le XXI è siècle sera identitaire: c’est ce qu’écrit Ferhat Mehenni, président en France du Gouvernement provisoire kabyle, dans son dernier livre (Le siècle identitaire, Michalon) et je partage son analyse. Sa grille de lecture éclaire bien des soubresauts et des conflits.

La thèse est simple: la colonisation a bâti, au nom de l’universalisme, des Etats hétérogènes et artificiels, ne tenant compte ni des racines des peuples ni des particularismes historiques. Devenues indépendantes, ces créations s’épuisent dans des luttes intestines, des guerres civiles, voire des racismes. J’avais noté, en 2001, cette remarque du président du Sénégal, Abdoulaye Wade: « Un burkinabé souffre plus de racisme en Côte d’Ivoire qu’un noir en Europe ». Depuis, la Côte d’Ivoire ne cesse de se déchirer dans des conflits ethniques qui expliquent l’impasse actuelle. Pour Mehenni, l’Occident se trompe en voulant ignorer ces revendications. Il écrit: « L’avenir ne se fera pas sans nous, nous les peuples encore dominés, encore sans voix (…) La décolonisation d’ il y a cinquante ans était celle des fausses nations. Celle des vrais peuples va commencer. Son accélération ne tardera pas à dessiner de nouvelles cartes en Afrique et en Asie ». Face à la multiplication de petits Etats, il suggère le fédéralisme, pour recréer des ensembles respectant les particularismes et les langues.

Le référendum d’indépendance du Sud-Soudan, qui se déroulera toute cette semaine et qui mobilise des milliers d’électeurs, est l’illustration de ce que décrit Mehenni, qui se bat pour sa part pour que l’identité kabyle (10 millions de personnes) soit reconnue par le pouvoir algérien. Il est en effet plus que probable que le scrutin avalisera la partition du Soudan, divisé entre le nord, musulman et en grande partie arabe et le sud afro-chrétien. Mais ce qui se passe en Afrique n’est pas très éloigné, hormis la violence et le racisme, de ce qui s’observe en Europe. Face à la mondialisation, au sans-frontièrisme et à la solution du multiculturalisme imposée par une Union européenne indifférente elle aussi à l’âme des peuples, c’est un même réflexe de protection qui parcourt désormais tous les pays d’Europe. Pour Magali Balent, chercheuse à la Fondation Robert Schuman, interrogée ce lundi par l’AFP, ce phénomène « est un mouvement identitaire de réaction au processus d’ouverture des frontières à l’échelle internationale, qui fragilise les souverainetés et les identités nationales ». Selon elle, les partis traditionnels ne doivent pas hésiter à s’emparer de ces questions plutôt que de les laisser aux seules réponses de l’extrême-droite. C’est aussi ce que je ne cesse d’écrire…

Ivan Rioufol
Le Figaro
le 10 janvier 2011

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