ALGERIE (Tamurt) – Les partis politiques se lancent déjà dans la campagne électorale pour les futures législatives. Et hormis le Front de Libération Nationale (FLN) et son frère utérin, le Rassemblement National Démocratique (RND), les autres, sans exception, dénoncent déjà la fraude qu’ils considèrent comme « inévitable ».
Les partis dits « islamistes » comme le Mouvement de la Société pour la Paix (MSP), El-Islah et Ennahda, conscients de leur véritable poids dans la société et, surtout, par la nouvelle approche de nature « positive » de Washington à l’endroit de l’islamisme, vont même jusqu’à pousser des avertissements à l’endroit de « ceux qui contrarient la volonté du peuple ».
Sans aller à le nommer directement, il ne peut échapper à personne que c’est le Département du Renseignement et de la Sécurité (DRS) que les partis islamistes somment de cesser sa politique de quotas concernant les sièges de l’hémicycle Zirout Youcef. La grande question se posant aujourd’hui est de savoir si l’institution que dirige d’une main de fer le général Tewfik laissera le Parlement tomber sous la coupe des islamistes ou imposera, cette fois-ci encore, sa volonté pour « sauver » la république. Il faut avouer que quel que soit le choix à faire, il sera difficile.
A conjecturer effectivement le cas de fraude : le RND et le FLN seraient majoritaires au Parlement. Le danger islamiste serait évacué au moins pendant une durée de cinq ans. Il se trouve cependant que la fraude est punie par le droit national et international. Respecter le choix des électeurs ? Les sièges de l’hémicycle Zirout Youcef seraient occupés majoritairement par des députés issus de formations politiques dites « islamistes ». Malheureusement ce ne serait pas tout. En effet, après avoir élaboré des lois à base des lois de la chariaâ islamique, les différents mouvements islamistes jetteraient leurs tentacules pour islamiser toutes les institutions de la république.
Les islamistes ont un point fort : ils savent se montrer patients et avancer doucement mais sûrement. Il est facile d’imaginer le scénario. Dès leur prise du pouvoir et dans la perspective de faire croire au peuple que leur mission est de le servir, ils commenceraient par la mise sur pied de commissions d’enquêtes pour mettre à nu tous les détournements et tous les vols commis depuis I962 au détriment du peuple. Connaissant la haine nourrie par le peuple envers ses dirigeants pour l’avoir maintenu depuis cinquante ans dans une sorte d’esclavage, les citoyens, sauf les avertis, ne remarqueraient pas l’obscurantisme vers lequel ils s’engouffreraient tellement ils auraient l’esprit accaparé par le désir et la joie de voir à la potence celles et ceux ayant bafoué leurs droits les plus élémentaires pendant des décennies. Ce n’est qu’au moment où il n’y aurait plus personne à présenter à la potence que des questions se poseraient sur l’avenir du pays. A ce moment-là, il serait naturellement trop tard. Pour se débarrasser du « nouveau monstre » tuant par lapidation une femme et à coups de fouet un homme pour s’être adonnés à une relation sexuelle extra-conjugale et coupé la main d’un coup de sabre à un garçonnet pour avoir « chipé » une pomme, il faudrait un miracle.
Il n’y a pas plus dangereux qu’un personnage malhonnête et, au même temps, intelligent. Aujourd’hui, le constat que mettent en avant les islamistes est des plus justes ou du moins un certain constat. En effet, ce sont les islamistes qui parlent à haute voix des ravages causés à l’Algérie par les vols et détournements. C’est toujours les islamistes qui dénoncent la bureaucratie et l’inégalité des Algériens devant les chances de réussite. En un mot, ce sont les islamistes qui rendent publics les différents maux et injustices dont souffre le simple citoyen. Cependant, ces mêmes langues islamistes ne parlent jamais de leur mode de gouvernance exacte et complet qu’ils compteraient instaurer en cas de leur prise de pouvoir. Pour un esprit non averti, la prise du pouvoir par les islamistes est tout simplement synonyme de justice pour tous, fin de la bureaucratie et égalité de chances devant la réussite.
A l’issue de l’émission hebdomadaire « hiwar essaâ » (dialogue de l’heure) animée par l’animatrice vedette, Farida Belkassam, diffusée hier soir, l’invité qui a séduit le plus est M. Yazid Ben Aïcha du parti Ennahda. Il y avait à la même table MM. Mohamed Fidji du RND, Taher Ben Taleb du PNSD (parti national pour le social et le développement), Djelloul Djoudi du PT et enfin Mohamed Taïbi en tant qu’observateur politique. Celui-ci est enseignant universitaire en sociologie.
Lors des débats, tous les représentants politiques à l’exception de M. Mohamed Fidji du RND, ont mis en avant le phénomène de la fraude et ont déclaré que c’est à cause de ce mal que le Parlement algérien est jusqu’à maintenant obsolescent. Et les trois ont anathématisé le DRS qu’ils ont désigné par le terme « pouvoir ». Cependant, c’est M. Yazid Ben Aïcha qui a eu le premier le courage de mettre à nu certaines pratiques du gouvernement algérien notamment sur en ce qui concerne les dilapidations de la trésorerie nationale. Le représentant d’Annahda révélera que l’Etat algérien a déboursé pas moins de onze milliards de dollars à des bureaux d’études étrangers alors le travail qu’ils ont fait aurait pu être faits par des bureaux d’études nationaux pour un montant ne dépassant pas trois milliards de dollars. Le même intervenant parlera des frustrations et conditions difficiles dans lesquelles vit le simple citoyen ; et dénoncera le fait qu’un citoyen porte une cravate papillon et maintient son pantalon avec des bretelles – ce qui signifie qu’il nage dans la richesse et l’opulence – alors qu’un autre citoyen ne cesse de serrer la ceinture pour maintenir son pantalon autour de la taille – ce qui signifie qu’il est maigre comme un clou à force de privations –.
Encouragé par la hardiesse du représentant d’Annahda, M. Djelloul Djoudi du PT enfonce à son tour le clou dans la planche en révélant que dans le cadre de la privatisation, l’Etat a fait en réalité dans le bradage des entreprises publiques. Dans la multitude d’exemples cités, M. Djelloul Djoudi a cité la laiterie de Draâ-Ben-Khedda.
Le représentant du PNSD a quant à lui tenu un langage logomachique. Nous retenons seulement une chose dans son abscons : son parti pris pour un Etat théocratique. D’ailleurs, au moment où Farida Belkassam lui donna la parole pour la première fois, M. Taher Ben Taleb a commencé par rendre gloire à Dieu et à saluer les prophètes, les anges, les saints et autres divinités imaginables et inimaginables.
S’agissant enfin de M. Mohamed Fidji, il n’a pu défendre la position de son parti car trop de preuves ont pesé sur lui quant aux privilèges dont il jouit. C’est M. Mohamed Taïbi, l’observateur politique, qui le tira du mauvais pas en suggérant « qu’après cinquante ans d’indépendance, il est temps pour l’ensemble des partis politiques de se mettre d’accord sur les grands choix à faire pour le pays ».
L’intervention de l’universitaire Mohamed Taïbi est pertinente. A analyser ses « grands choix à faire », il est question de choisir un modèle de gouvernance qui sied à toutes les mentalités des Algériens et où chacun puisse y trouver son compte. Autrement dit, l’option des autonomies des régions n’est pas à écarter. La Kabylie et le Sud algérien ont déjà formulé leur voeu dans ce sens. Pourquoi pas alors le Constantinois et l’Oranie ?
Une chose est certaine en tout cas : quelle qu’elle soit la formule à retenir par Alger, le projet d’autodétermination de la Kabylie ne relève pas de l’utopie. Il est même salvateur pour l’Algérie et l’ensemble de l’espace géographique de l’Afrique du Nord. Car faute d’un tel choix judicieux, l’islamisme s’y implanterait en maître absolu et certainement pour longtemps.