Quand le ministre des Affaires religieuses appelait, jeudi dernier, pour une prière de rogations pour la pluie, tous les sites météorologiques annonçaient trois jours de précipitations entre hier, samedi et demain, lundi.
D’ailleurs, sa requête n’a pas été particulièrement suivie par les imams. Cette initiative ne veut pas dire que le gouvernement ne croit pas à la prévisibilité à court terme des évènements météorologiques, mais l’air du temps l’oblige à farder son action et sa communication d’une dose de mysticisme censée convaincre la société de ses pieuses dispositions. Le pouvoir, qui, au cours de la dernière décennie, a résolument contribué à la prégnance du discours islamiste sur cette société, est contraint de rivaliser avec les activistes sur le terrain de la ferveur religieuse.
Tout en émettant, à l’occasion, ce genre de messages de son fatalisme dévot pour donner des gages de dévotion, le gouvernement fait montre, par la voix d’autres ministres, d’une étonnante assurance quand il s’agit, par exemple, de prédire la défaite des partis islamistes aux prochaines élections législatives.
En face, les islamistes font preuve d’une même certitude qui laisse peu de place à l’imprévisibilité de la volonté divine. Après Soltani, Djaballah vient de confirmer que leur foi en la victoire ne peut pas souffrir le doute du croyant. Les deux pôles “réconciliés” d’un même front antidémocratique ne conçoivent pas d’autre alternative que celle qui résulte de leur alliance ou de leur affrontement.
Dans ce dialogue entre conservatisme et régression, les deux forces se mesurent et l’enjeu de l’échéance législative en est d’emblée réduit à la question de leurs scores relatifs. Ces pronostics victorieux des uns et des autres correspondent à des offres d’alliance aux milieux sur lesquels le régime, d’un côté, et les islamistes, de l’autre, ont l’habitude de s’appuyer : les coteries de l’affairisme informel, les solidarités, les confréries conservatrices, les professionnels de la rente politique. Cet échange, c’est aussi les termes d’un marchandage anticipé. Car nous sommes loin de la perspective démocratique : les deux camps se sont accommodés du partage négocié du pouvoir et de l’accès à la rente. C’est donc une autre certitude qu’ils partagent : l’autorité de la fraude électorale dans la détermination du paysage politique national.
Pendant qu’il négocie par ricochets médiatiques, ils n’ont qu’un souci commun : un taux de participation des électeurs qui crédibilisera les quotas sur lesquels ils finiront éventuellement par s’accorder. Ce n’est pas un hasard si les discours des “opposants” islamistes — auxquels il faudrait ajouter le PT — remettent tout en cause — la loi électorale, la neutralité du gouvernement et l’impartialité de l’administration —, tout, sauf la bonne volonté du Président. C’est pourtant bien la volonté de l’arbitre qui est prépondérante dans le déroulement d’une opération électorale.
Mais les “opposants” islamistes, n’étant pas dans un esprit de confrontation mais de compromis, savent que l’adversaire n’est pas le régime ; c’est aux soutiens traditionnels du régime qu’ils disputent la place, pas au régime. Dans la droite logique du système avec lequel ils dressent le front antidémocratique.
M. H.
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