Mouloud Feraoun : Intellectuel blacklisté

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Quatre jours de plus et Mouloud Feraoun aurait connu l’Algérie indépendante. Il a été assassiné le 15 mars 1962 par l’OAS à Ben Aknoun. Depuis hier et jusqu’à demain, un colloque international est organisé à Alger pour revisiter son œuvre. Son fils et d’autres intellectuels ont décidé de créer la Fondation Feraoun en avril prochain.

Qui est Mouloud Feraoun ? C’est un poète… «Non, c’est le nom d’un collège où est scolarisé mon cousin à Tizi-Ouzou !» Au collège Wahiba Kebaïli, El Kahina ou au lycée Baba Aroudj d’Alger-Centre, rares sont les élèves qui connaissent l’intellectuel engagé, ses écrits, son enseignement. La littérature algérienne d’expression française, ce n’est pas leur point fort. «Je pense que Feraoun n’a pas été estimé à sa juste valeur dans nos écoles. Il aurait fallu s’arrêter sur son œuvre», explique Kamilia Oukil, maître assistante à l’Ecole normale supérieure de Bouzaréah. A l’exception du palier moyen où elle évoque vaguement Feraoun, l’école ignore totalement cette figure tant enseignée pendant les années du colonialisme.

«Même chose à l’université, enchaîne Fadila Oulebsir, maître assistante à l’université d’Alger II. Si nous connaissons Feraoun aujourd’hui, c’est parce que nous l’avons hérité de nos parents. L’école ne nous a pas inculqué les valeurs de Feraoun. Elle ne nous a pas transmis sa culture. Elle ne lui a pas réservé la place qu’il mérite. Il a été – consciemment ou inconsciemment – mis à l’écart sans qu’il soit interdit de l’enseigner.» Pour les jeunes, Mouloud Feraoun se résume à Fouroulou ou au Fils du pauvre. «Je sais seulement qu’il a écrit La terre et le… pauvre et qu’il est né en Kabylie», répond Sihem, étudiante en première année de littérature française à Bouzaréah.

Une fresque

«C’est regrettable, poursuit Mme Oulebsir. Car lire son œuvre, c’est découvrir une fresque, un tableau d’une Algérie que cette génération n’a pas connue. Lire Feraoun c’est, entre autres, s’imprégner de la culture, du mode de vie et de l’idéologie de ce peuple à un moment de son histoire. Plus concrètement et sur le plan pédagogique, Feraoun est un initiateur à la lecture de par ses travaux sur la lecture élémentaire.» Nawal Krim, maître de conférences à l’université d’Alger II, généralise le problème : «Feraoun n’est pas le seul à être absent des programmes scolaires ! On voit bien que nos écrivains ne sont pas médiatisés, qu’on ne prend pas la peine de leur consacrer des journées, des débats ou des rubriques dans les journaux.» Conséquence logique de cette absence : les recherches et les thèses universitaires sont rares.

«Nous ne trouvons pas de travaux sur Feraoun ou sur son œuvre et cela revient aussi au choix des directeurs de recherche et des étudiants», constate Fadila Oulebsir. Nawal Krim nuance : au département de français du moins, «il y a plusieurs travaux sur cet auteur. Je sais que nous avons des enseignants chercheurs qui ne demandent qu’à travailler et à participer à des journées internationales, surtout quand il s’agit de nos auteurs». Pour elle, la présence écrasante des Français qui interviennent au colloque d’Alger pour le cinquantenaire de la disparition de Feraoun n’est pas fortuite. «Je ne trouve pas normal que l’université d’Alger ne soit pas au courant ! s’énerve-t-elle. Nous avons des intellectuels, mais ils ne sont pas sollicités.»

A voir :

Le Journal de Feraoun théâtralisé par Dominique Durcel. Intitulé Le contraire de l’amour. La pièce est prévue le dimanche 22 avril à Tizi-Ouzou, lundi 23 à Alger, mercredi 25 à Oran et vendredi 27 à Annaba.

Nassima Oulebsir

2 Commentaires

  1. Qu’il repose en paix ! Il nous avait averti quelques temps avant son assassinat :  » Nos ennemis de demain seront pire que ceux d’aujourd’hui » ! On ne peut pas dire qu’il s’était trompé !!

  2. black-liste ;le terme est juste .Feraoun est un ecrivain et un psychosociologue fins et digne des meilleurs .je pense a hugo,zola etc.
    L’algerie fidele a sa mediocrite continue et persiste dans le rejet et le deni de ses enfants pour s’alliener a des cultures etrangeres: occidentales et moyens orientales et confondent les buts (affirmer nos valeur et nos preceptes,les developper ,les faire evoluer.. ) et les moyens (les langues arabes et francaises)..
    Ceci est une des raison de la defaillance et de la mediocrite de l’ecole algerienne et des lacunes qui handicapent les algeriens dans leurs creativite et leurs affirmations dans le monde comme au pays…
    Taqvailit ,cette langue en pleine renaissance et expansion vient remettre de l’ordre dans tout ce bazar. »Mis ugelil » est une une traduction magique et extraordinaire du fils du pauvre de feraoun ,qui repose les fondement des valeurs kabyles et humanistes ,la elles sont le plus evidentes :le village democratique et republicain kabyle et l’humanisme religieux de ses habitants…MERCI fouroulou

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