CONTRIBUTION (Tamurt) – Œuvre magistrale, haletante jusqu’au bout,Mourad Agawa vient d’écrire une nouvelle page qui pourrait s’ajouter au » dernier été de la raison « de feu Tahar DJAOUT.
Lorsque l’Algérie allait s’offrir à une tragédie telle une noceuse éméchée et cela, comble du paradoxe, au moment où elle avait la légitimité d’aspirer à davantage de grandeur,Amran l’agnostique, lui, se laissait sombrer dans les bras d’une » sœur musulmane »,Samra la brune. Et lorsque les algériens de 91 allaient arracher l’Algérie aux algériens de 88,Samra arracha Amran à Sonia.
De la foi à la folie est un roman-témoignage où l’auteur, Mourad Agawa, peint une fresque de cette Algérie qui virait a l’absurde après avoir accompli un miracle: sa seconde indépendance.
L’histoire d’amour entre Amran et Samra se déroule dans un bastion connu pour ses luttes identitaires, politiques et socioculturelles qu’était l’université Mouloud Mammeri au début des années 90. Samra est une étudiante algéroise et bourgeoise voilée qui rejoint le département agronomie de l’université de Tizi-Ouzou.Son arrivée dans le groupe d’Amran, communiste repenti mais laïc résolu, chamboule la vie de celui-ci jusqu’à le faire chavirer dans un amour naturellement voué à l’échec. Mais pour aplanir les aspérités, la raison à ses raisons que le cœur ignore.
Au fil des 242 pages du roman, Mourad Agawa égrène les luttes des algériennes et algériens -luttes syndicales, combat féministe-en cette période bouillonnante où le pays, moins d’un lustre plutôt, jurait au monde d’une victoire sur lui même. Seulement, le triomphe des islamistes aux municipales de juin 90 et le raz-de-marée qui pointait pour le 2ème tour des législatives de 91 menaçait d’anéantir ces acquis. D’ailleurs, les rapports peu amènes qui prévalaient entre démocrates et islamistes auguraient d’un avenir inquiétant. Entre ceux pourvus de faculté de douter et ceux imbus de leur certitudes, entre des intellectuels pacifistes prêts à débattre et les « khmers verts » prompts à dégainer le poing -plus tard la Kalachnikov-au moindre différend, Amran redoutait le futur de ces soubresauts et songea un temps a s’expatrier. L’idée çà laquelle il renonça
Dans son premier roman, Mourad Agawa consacre, par ailleurs, un grand chapitre aux différents courants qu’a connu l’islam: chiisme, sunnisme et kharidjisme. Promu en sous-main à coup de pétrodollars par les théocraties du golfe arabique, le courant le plus violent ,le wahhabisme en l’occurrence, s’est imposé dans cette Algérie post-octobre et bouleverse l’équilibre du pays.
Pour assainir les « dérives » du présent, les partisans de cette mouvance prônent tout bonnement le retour au moyen âge .Et ça marche au grand dam de Sonia qui paiera cash son engagement.
Dans « De la foi à la folie »,Amran aura vécu plusieurs vies et autant de déconvenues. Chaque vie charria son lot de tourments en lui arrachant une parcelle de lui même jusqu’à sa jambe qu’il perdit dans un guet-apens terroriste. Puis la consécration.
Farid B. pour Tamurt