Conférence de Lyazid Abid à Montréal: « L’autodétermination du peuple kabyle, un droit inaliénable »

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MONTREAL (Tamurt) – Mesdames et Messieurs, bonjour, azul ! Un immense merci aux militants et cadres du Mouvement pour l’Autonomie de la Kabylie (Canada) et à la société Saint-Jean-Baptiste de m’avoir invité à cette conférence.

En ce moment, la Kabylie traverse une rude épreuve. La vague de froid et les chutes de neige qui ont sévi en Europe ne l’ont pas épargnée.
Comme la Kabylie est un pays montagneux, la neige a atteint par endroits 2 mètres de hauteur. Des villages entiers se sont trouvés coupés du monde : sans électricité, sans eau, sans nourriture, toits de maisons effondrés, etc.
À ce jour, on dénombre plus d’une dizaine de morts par hypothermie.
Devant ce danger, les villageois sont allés demander de l’aide aux militaires, présents en Kabylie en surnombre et hyperéquipés (il faut rappeler que plus de 100 000 soldats, c’est-à-dire 1/3 des effectifs de l’armée algérienne est stationné en Kabylie, dont la superficie ne dépasse pas les 2 % du territoire algérien) et en guise de réponse, ces derniers ont affiché leur mépris habituel.

Comme à chaque épreuve, la Kabylie s’est, retrouvée toute seule.
Devant de tels dangers, des mécanismes de solidarité, dont l’usage semble perdu, surgissent de la mémoire collective et refont surface. En cette douloureuse circonstance, cela s’est traduit par un extraordinaire élan de solidarité du peuple kabyle.
Pour désenclaver les villages isolés, des chaînes humaines se sont constituées. L’image est émouvante ; le geste est digne de l’honneur kabyle.

En Europe, au Canada, aux USA et ailleurs, les Kabyles ont répondu massivement à l’appel de leur gouvernement provisoire pour constituer un fonds de solidarité avec la Kabylie. Des dizaines de milliers d’euros sont déjà récoltés.

Au nom du GPK, permettez-moi de les remercier.
Cependant, le gouvernement algérien et ses milliards de dollars amassés grâce à dame nature, refuse d’assister un peuple en danger.
Encore une fois l’antikabylisme est de mise. Ce traitement réservé à la Kabylie ne date pas d’aujourd’hui, ce processus de dépersonnalisation forcenée est érigé en mode de gestion politique du pouvoir depuis l’indépendance de l’Algérie, en 1962.
En réaction à cela, plusieurs frondes se sont déclenchées en Kabylie. Déjà en 1963, Ait Ahmed, un chef historique kabyle, s’est rebellé contre le pouvoir personnel de Ben Bella : bilan, plus de 400 morts.

En 1980 : (printemps berbère) manifestation générale dans toute la Kabylie contre le parti unique (FLN) pour revendiquer le pluralisme politique, tamazight, la liberté de la presse et le droit des femmes, et ce, pour toute l’Algérie. Réponse du pouvoir : répression violente.

En 2001 : La Kabylie a fait sortir dans la rue 2/3 de sa population pour revendiquer la démocratie, encore une fois pour toutes l’Algérie : bilan 127 morts.
Le sang de ces innocents, qui a coulé dans l’indifférence des autres régions du pays, a renforcé la détermination des Kabyles à en découdre avec la tyrannie. C’est dans ces conditions que le MAK a vu le jour, en 2001.

Aujourd’hui, 10 ans après, notre combat pour la liberté a brisé bien des tabous.
Le MAK, depuis 2001, et le GPK, depuis juin 2010, ont pu replacer la Kabylie dans une logique de revendication qui aurait dû être la sienne depuis 1871.
Aujourd’hui, le MAK et le GPK sont fiers d’avoir fait le serment d’honorer la mémoire de nos 127 martyrs et de tous les Kabyles assassinés par la police politique algérienne.

Toutefois, le pouvoir refusant de reconnaître à la Kabylie son droit de prendre son destin en main, ne cesse de manipuler, de torpiller afin de faire pourrir le mouvement.

Le Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie (MAK) a, depuis son deuxième congrès en décembre dernier, placé la revendication hors d’atteinte du pouvoir algérien : aujourd’hui, il se bat pour son autodétermination.
Il n’est pas difficile de comprendre que le pouvoir algérien utilise la politique de l’usure avec les autres partis d’oppositions. Il en use jusqu’au pourrissement pour enfin pouvoir récupérer et normaliser.
Après 10 ans de démonstration de force sur le terrain, le MAK est devenu la grande force politique en Kabylie, mais le pouvoir demeure autiste. Non seulement il refuse de discuter des problèmes sérieux pour trouver de vraies solutions, mais il tente l’implosion du mouvement autonomiste.

En refusant cet étouffement, nous prônons dorénavant l’Autodétermination. Le MAK en a décidé ainsi pour pouvoir porter la revendication de notre peuple jusqu’aux plus hautes instances internationales. C’est notre droit le plus absolu.

Nous sommes un peuple qui aspire à sa liberté et aucune dictature, aucun lobby, n’entravera notre marche. Nous sommes un mouvement pacifique qui inscrit son combat dans la légitimité internationale.
Cette légitimité est d’abord affirmée par l’article 1 de la charte des Nations Unies qui consacre le principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes. En vertu de ce droit, les peuples déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel.

L’origine politique de la notion d’autodétermination remonte à la Déclaration d’Indépendance américaine du 4 juillet 1776.
L’idée du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes découle directement de la philosophie des Lumières. C’est un droit politique ancien qui dérive du mot allemand « selbstbestimmungsrecht » et qui a été fréquemment utilisé par les philosophes au 19e siècle.

Nous y avons droit. En plus de ces principes qui fondent un État, à savoir, une population, un territoire et un gouvernement, nous avons aussi une histoire commune et une communauté de destin.
La Kabylie puise ses origines très loin dans l’histoire. Elle remonte à la civilisation libyque qui s’était épanouie dans le bassin méditerranéen longtemps bien avant l’ère chrétienne. Région montagneuse, hors d’atteinte de l’ennemi, elle est composée de milliers de villages. Chaque village était une république où tout se décidait par le verbe. C’est sans doute cette organisation qui a fait que les Kabyles n’aient jamais senti le besoin de se doter de frontières fixes et de n’avoir jamais constitué un État moderne.

Il faut rappeler qu’avant l’arrivée des Français, en 1857, c’est-à-dire 27 ans après avoir conquis Alger, ces républiques villageoises étaient régies par un droit coutumier garant des libertés individuelles : le principe de la laïcité, par exemple, y était déjà consacré, alors qu’en France ce principe de droit ne sera voté qu’en 1882.

L’existence de la Kabylie est bien antérieure à celle de l’Algérie. C’est sur décret que le Général français Schneider, ministre, Secrétaire d’État de la Guerre, a crée l’Algérie en 1839. (Cela serait passé dans un café parisien, les Deux Magots, place Saint-Germain-des-Prés).

Par ailleurs, c’est en 1857 que la Kabylie passe progressivement sous la domination française. La France procède alors à des arrestations, à des spoliations et à des déportations massives, notamment vers la nouvelle Calédonie.
Pour casser la cohésion légendaire de la société kabyle, la France a entamé à travers ses bureaux arabes sa politique de dépersonnalisation du Kabyle.
D’ailleurs, le processus naturel qui allait mettre la Kabylie sur la voie des grands pays, qui ont contribué au rayonnement de la culture méditerranéenne et universelle, a été brisé d’abord par la France coloniale.

Refusant le joug colonial, les Kabyles ont initié et structuré le premier mouvement nationaliste algérien, l’Étoile nord-africaine, à Paris en 1926.

L’appel à l’insurrection du 1er novembre 1954 est tiré à Ighil Imoula, à Tizi-Ouzou, en haute Kabylie.
Et l’ordre de déclencher la guerre contre la France, la nuit du 1er novembre 1954, est signé « Si Rabah », pseudonyme du kabyle Krim Belkacem, qui tenait déjà le maquis en Kabylie depuis de nombreuses années et qui mena la lutte jusqu’à l’indépendance et la signature des accords d’Evian.

En 1956, un autre Kabyle, Abane Ramdane, surnommé l’architecte de la révolution algérienne, organisa le congrès de la Soummam en basse Kabylie. Et c’est précisément là que notre destin s’est joué.
Car les Égyptiens, à leur tête Djamel Abdel Nasser qui faisait tout pour relayer le maximum de pays africains et asiatiques à l’idéologie panarabiste, voyaient d’un mauvais œil le leadership des Kabyles, lesquels, de nature laïque, ne cadraient pas avec leur vision hégémonique.
L’agent spécial du Président égyptien Nasser, Fathi Dib, recommanda à son président de se méfier des Kabyles, car trop occidentalisés à ses yeux. D’ailleurs, dans toutes les fiches qu’il établissait sur les chefs de l’ALN, il mentionnait juste après le nom et le prénom leur appartenance ethnique, c’est-à-dire kabyle ou arabe.

Très rapidement, les Égyptiens choisirent leur homme, le pion Ben Bella. Ils lui conseillèrent la méfiance absolue envers les Kabyles et la liquidation physique de tout responsable susceptible d’entraver son ascension.

Suite au coup de force de l’armée des frontières en 1962, dirigée par Boumediene, et la confiscation de l’indépendance, la Kabylie entra en rébellion armée en 1963.

Et depuis d’autres révoltes éclatèrent en Kabylie : en 1980, le printemps berbère ; en 1998, suite à l’assassinat du chanteur populaire Matoub Lounès, puis, en 2001, la révolte des aârchs (comités citoyens) qui a causé la mort de 127 Kabyles innocents.

Ainsi le pouvoir raciste algérien utilise tous les moyens pour soumettre la Kabylie : nos richesses naturelles sont dilapidées, nos forêts brûlées, les investisseurs harcelés, la corruption généralisée, l’insécurité totale, notre cohésion sociale menacée et notre peuple contraints à l’exil.

Notre culture est toujours marginalisée, nos traditions folklorisées, notre langue rabaissée au rang de patois et l’armée algérienne abat en moyenne un Kabyle par mois.
Il est difficile de ne pas voir dans ces pratiques le comportement du colonisateur envers le colonisé.

Le GPK dénonce vigoureusement cette politique d’occupation. Il appelle les instances internationales, les intellectuels et toute personne éprise de justice à le soutenir dans notre combat contre la tyrannie.

Vivement le referendum pour l’autodétermination de la Kabylie Vive la Kabylie libre démocratique et laïque.

Et vive la fraternité entre le peuple québécois et le peuple kabyle

Merci

Montréal, le 17 février 2012
Lyazid Abid, ministre des Relations internationales

Extrait vidéo des questions réponses

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