CULTURE (Tamurt) – Rien que le titre incite l’esprit critique et moins critique à lire l’ouvrage paru en France en mai 20II Signalons d’emblée que l’écrivain se disant « exilé » en France dès l’année I999, a utilisé le style du célèbre romancier britannique James Hadley Chase au chapitre introductif. En clair, le lecteur se laisse accrocher, voire carrément hypnotiser, dès la lecture des deux premières phrases.
En effet, Mohamed Sifaoui, à la longue expérience de plume, commence par nous présenter un certain Mohamed Mogueddem. « Vendredi 25 mars 20II : un sulfureux « conseiller » du président Abdelaziz Bouteflika vint à Paris et chercha à me rencontrer. Son nom : Mohamed Mogueddem. », commence effectivement l’auteur du livre avant d’ajouter : « Beaucoup de confrères algériens – et certains « grands journalistes » français – connaissent l’individu, que dis-je, le phénomène, qui n’a eu de cesse, notamment à l’époque où il dirigeait l’Information à la présidence de la République, sous le règne de Chadli Bendjedid, de terroriser, de clientéliser et de corrompre aussi bien les responsables politiques que ceux des médias et de l’administration.
Réputé pour être un grand intriguant, homme de réseaux et spécialiste des coups tordus, il est également célèbre pour sa capacité à retourner, en usant de chantage, de pression ou de diplomatie, les situations les plus complexes surtout quand celles-ci concernent le monde de la presse ou de l’édition. Ce n’est d’ailleurs guère surprenant de constater que peu d’articles l’ont visé tout au long de sa carrière, malgré ses méthodes de voyou, ses pratiques malsaines et sa proximité avec plusieurs pouvoirs (Chadli et Bouteflika notamment) ». N’est-ce pas que ces quelques mots mettent en grande soif de lecture le lecteur, averti ou profane ? Une fois qu’il a « présenté » le conseiller du président Abdelaziz Bouteflika, Mohamed Sifaoui informe ensuite le lecteur de l’objet de sa visite : « me convaincre de ne pas écrire ce livre ». Tout au long du livre, l’écrivain ne cache pas que toutes ses rencontres se sont déroulées dans les restaurants. Il avoue même qu’une rencontre a eu lieu dans un restaurant où il avait ses habitudes. Nos lecteurs doivent certainement savoir que les personnages rencontrés par l’écrivain sont importants. Donc, les restaurants parisiens qu’ils fréquentent doivent être à leur image et dignes leur statut, c’est-à-dire huppés. On peut en conclure donc que l’auteur de « Bouteflika le roitelet, le mégalomane, le chef de clan, l’intrigant… » ne prend pas ses repas chez la petite gargotière de Barbès ou Stalingrad, mais bel et bien du côté des Champs Elysée.
On comprendra les choses mieux en sachant que les restaurateurs parisiens ne servent pas leurs repas succulents gratuitement. La bonne chère, ça coûte cher, tel est l’adage connu en tous lieux et de tout temps. De là, le lecteur est en droit de s’interroger aussi sur cette capacité « extraordinaire » de Mohamed Sifaoui – il le dit bien dans son livre – qui était sur le point d’être arrêté alors qu’il était en fonction à Alger de réussir à quitter le territoire national pour se retrouver à Paris et décrocher aussitôt le statut d’exilé et juste quelques temps plus tard la nationalité française. Il faut avoir « les chances du diable » pour réussir une telle gymnastique.
Mohamed Sifaoui ne dit pas comment, il a fait face à la situation dès son arrivée en France sur le plan financier. Dès lors que son départ d’Alger a été fait dans la grande précipitation, il n’a pas eu le temps d’emporter avec lui le pécule devant lui être nécessaire ne serait-ce que durant les premiers temps de son séjour en France où, à l’instar de tous les pays de la planète , le logis, l’effet vestimentaire et la nourriture s’obtiennent contre de l’argent. Cela dit, conjecturons que Mohamed Sifaoui ait eu la chance de tomber dès sa descente d’avion à Orly ou Roissy sur quelque richissime Cléopâtre souffrant de thébaïde, il est quant même étonnant que sa diatribe soit seulement orientée contre Abdelaziz Bouteflika et ses collaborateurs. En effet, à lire le dernier livre de Mohamed Sifaoui, un lecteur innocent comprendrait que le malheur de l’Algérie a commencé avec le règne d’Abdelaziz Bouteflika.
Retenons bien une chose : Mohamed Sifaoui n’est pas un simple d’esprit. C’est un homme qui maîtrise à la perfection le dossier de la maison Algérie depuis sa création jusqu’à nos jours. Pourquoi alors a-t-il passé sous silence les raisons véritables qui ont poussé les dirigeants algériens à autoriser le multipartisme en I989, à agréer des partis islamistes et à organiser des élections à deux tours tout en sachant d’avance que l’ex-Fis allait remporter le premier tour ? Pourquoi le pouvoir d’alors a poussé Chadli à la sortie ? Pourquoi Mohamed Sifaoui n’a pas fait preuve d’honnêteté intellectuelle pour souligner que les dirigeants d’alors avaient eu recours à ce stratagème d’élections législatives avec sa suite connue pour éviter que la révolte sociale qui était sur le point d’éclater n’emportent le régime. On dit bien que quelle que soit la force et la puissance d’un homme, il ne peut contrôler trois catastrophes ; à savoir l’incendie, la crue des eaux et la révolte sociale. L’histoire nous l’a d’ailleurs prouvé à maintes reprises. Passons…Il est à se demander pourquoi l’intellectuel Mohamed Sifaoui n’a écrit mot sur l’assassinat du président Mohamed Boudiaf ? A cette époque, Abdelaziz Bouteflika était quelque part à Londres ou Dubaï en train de siroter son champagne tout en tenant sur ses genoux quelque belle dame. Le président Liamine Zeroual dépeint par l’auteur comme un homme de principe n’a pas eu lui aussi sa part de justice. En effet, pourquoi donc, le journaliste écrivain n’ a écrit mot sur l’assassinat de Lounès Matoub, raison ayant poussé Liamine Zeroual à raccourcir son mandat? Par ailleurs, les raisons véritables ayant motivé le pouvoir a pousser Liamine Zeroual à la porte n’étaient pas seulement son opposition aux détournements de deniers publics et à la corruption, mais aussi son rejet catégorique de la façon dont était « gérée » la lutte contre le terrorisme. A cette époque aussi, Abdelaziz Bouteflika n’était pas à Alger. Les événements tragiques survenus en Kabylie au printemps 200I connus sous l’appellation de « Printemps Noir » ont été également ignorés par la plume pourtant acérée de Mohamed Sifaoui. Contre qui ont été provoqués ces événements du printemps 200I ? N’est-ce pas contre Abdelaziz Bouteflika ? Cette réponse est connue de tous. Ce que les Algériens ignorent en revanche, c’ est par qui ont été provoqués ces événements et pourquoi.
Mohamed Sifaoui l’intellectuel connaît certainement les réponses à ces questions. Hélas, il a, encore une fois, l’occasion de faire ses obligations et devoir d’intellectuel. Passons donc encore ! L’auteur du terrible pamphlet contre Bouteflika et ses collaborateurs tire à boulets rouges sur Hocine Aït-Ahmed et épargne Saïd Sadi. En sa qualité d’écrivain et pour les besoins de l’écriture de ce livre justement, Mohamed Sifaoui a interviewé le Dr Saïd Sadi et pas les autres. Pour connaître la vérité concernant ces autres et les rôles qu’ils auraient joué dans certains événements, Mohamed Sifaoui l’intellectuel s’est contenté de se renseigner auprès de leurs adversaires politiques. Une bien curieuse façon de constituer une banque de données en matière d’informations et de jugements. Cependant, l’inénarrable viendra avec le portrait élogieux fait du général Tewfik, patron incontestable du Département du Renseignement et de la Sécurité (DRS). Si le général Tewfik est réellement nationaliste et gentleman comme le prétend Mohamed Sifaoui, pourquoi aurait-il laissé atteindre un tel degré de pourrissement ? N’est-ce pas ce général qui, bon gré mal gré, est le véritable patron de l’Algérie a permis l’élection et les réélections d’Abdelaziz Bouteflika ? La fraude électorale est la spécialité du DRS. N’est-ce pas que c’est le DRS qui a permis « le large oui » de la concorde civile un certain 29 septembre 2007 ? Ni en I999, ni en 2004 et ni en 2009, les règles du jeux en matière d’élections présidentielle n’ont été respectées. A propos de cette concorde civile, seuls I7 % de l’électorat a jeté le bulletin dans l’urne et plus de la moitié a voté non. Le résultat officiel, les Algériens le connaissent. Pourquoi donc le DRS veille à gonfler les taux mais tout en informant le bénéficiaire de la tricherie du taux réel de participant et de votants en sa faveur ? N’est-ce pas que c’est pour exercer un chantage sur le « vainqueur » ? Et selon bien des témoignages, c’est le général Tewfik en personne qui se présente au bureau du « vainqueur » avec les deux résultats, en lui disant tout en mâchonnant son cigare : « voilà le résultat du vote populaire et voilà celui obtenu par nos services ».
Cette façon d’opérer est claire et ne signifie qu’une seule chose : sans nous la petite famille du DRS, vous n’êtes rien. Mohamed Sifaoui écrit que le général Tewfik n’est jamais mêlé à quelque scabreuse affaire de détournement de deniers publics ou de corruption. Il est vrai que beaucoup de voix soutiennent cette thèse. Il est quand même curieux de constater qu’il y a un terrible paradoxe entre l’homme dit « intègre » qui est le maître absolu de l’Algérie et les nombreux vols commis par les dirigeants algériens au détriment de leurs administrés. Pourquoi donc Mohamed Sifaoui n’écrit mot sur les dossiers ficelés par le DRS depuis environ deux années de cela sur les fameuses affaires de la SONATRACH et l’autoroute EST-OUEST, sans pourtant que la justice algérienne n’en soit saisie ? N’est-ce pas que ces dossiers ainsi que plusieurs autres sont utilisés à des fins de chantage ? Tout en sachant que le chantage est un délit puni par la loi, il ne serait que naturel de présenter des dossiers traitant de détournements et de corruption devant la justice pour prouver réellement qu’on sert son pays et non sa propre personne. A en croire encore l’écrit pamphlétaire de Mohamed Sifaoui, l’islamisme est une œuvre ordonnée et signée par la seule personne d’Abdelaziz Bouteflika. Tout d’abord, l’islamisme est une réalité algérienne qui remonte à une époque où Abdelaziz Bouteflika n’était pas encore venu au monde. Ensuite, ces islamistes présentés comme de « puissants diables » ne pèsent pas sur l’échiquier national dans le sens entendu et compris par un simple d’esprit. Une petite anecdote pour nos lecteurs et non pour Mohamed Sifaoui qui connaît les profondes réalités algériennes. La loi portant Tamazight comme langue nationale est passée comme une lettre à la poste devant le parlement. Seuls deux députés se sont abstenus de se prononcer. Les députés du Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD) et le Front des Forces Socialistes (FFS) ont refusé quant à eux de voter en invoquant un principe qui d’ailleurs est juste : on ne vote pas sur son identité. A qui les Kabyles doivent cette consécration de Tamazight langue nationale ? Au DRS pardi ! En effet, à quelques jours avant le vote de la loi en question, les « gentlemen » du DRS ont rendus une visite à tous les responsables politiques qui avaient des poulains à l’assemblée pour leur donner la consigne « du vote ». Bien sûr, les « gentlemen » du DRS avaient leur propre lexique qu’ont pourrait traduire à peu près ici comme ceci : « Si tu veux continuer à te taper le bifteck et jouir du confort mis à ta dispostion par l’Etat algérien, instruit tes poulains de voter oui pour tamazight langue nationale : ». Même feu Cheikh Nahnah a veillé au respect strict des ordres du DRS ».
Nous avons cité cette anecdote pour rappeler que les grandes décisions prises dans ce pays est du ressort strict du DRS. Et comme le général Tewfik est le premier responsable de cette institution, c’est donc lui le maître absolu de la maison Algérie. Maintenant, libre à Mohamed Sifaoui de faire croire aux autres le contraire. Enfin, l’auteur du livre « Bouteflika le roitelet, le mégalomane, le chef de clan, l’intrigant… » décide d’envoyer jusqu’aux abysses de l’enfer Ahmed Ouyahia en dévoilant aux lecteurs une partie de sa vie intime. Là, Mohamed Sifaoui, en fin connaisseur de l’ordre sociologique et philosophique de la nation algérienne, a poussé l’outrecuidance à faire dans l’hypocrisie la plus abjecte. En effet, pour diaboliser Ahmed Ouyahia et le désigner comme un paria de la société, l’auteur du pamphlet contre Abdelaziz Bouteflika, sous prétexte de condamner l’attitude de son interlocuteur, Mohamed Megueddem, a repris les termes que celui-ci lui aurait tenus à propos du premier cité (Ahmed Ouyahia). Officiellement, c’est Mohamed Megueddem qui aurait agi comme un voyou en répétant le côté intime d’Ahmed Ouyahia mais en réalité c’est Mohamed Sifaoui qui a voulu porter la chose sur la place publique. En effet, si vraiment il a tenu à protéger la dignité d’Ahmed Ouyahia, il aurait pu tout simplement écrire que Mohamed Moguddem m’a tenu des propos fort malveillants à propos d’Ahmed Ouyahia.
En dernier, nous devons signaler que la lecture du livre de Mohamed Sifaoui a produit l’effet inverse de qu’il attendait sans doute. L’avis général est le suivant : Mohamed Sifaoui a écrit son livre dans la précipitation et sur recommandation et instruction du DRS, donc contre remise d’un chèque et en même temps, l’écrit prouve qu’il partage une certaine amitié avec le Dr Saïd Sadi. En tout cas, de tels écrits pourraient justifier la fréquentation des lieux raffinés parisiens par Mohamed Sifaoui. En clair, son « exil » n’est guère plus miséreux que celui de l’homme qu’il a attaqué au vitriol.