Né le 19 septembre 1918 : Slimane Azem, le chanteur kabyle persécuté par la France coloniale, forcé à exil par la dictature algérienne

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Slimane Azem
Slimane Azem

EVOCATION (TAMURT) – « Ce n’est pas moi ou mes chansons que le pouvoir algérien interdit, c’est ma culture, c’est mon appartenance à la société berbère », aurait confié sur son lit de mort, en 1982, Slimane Azem, à l’un de ses amis. Sous l’occupation française, l’icône de la chanson kabyle engagée était persécutée pour son œuvre artistique magistrale ‘’Effeɣ ay ajrad tamurt-iw’’ (O sauterelles, quittez mon pays), interdite d’ailleurs par arrêté des autorités françaises. A l’indépendance de l’Algérie, il a été forcé à l’exil sous la dictature de Ben Bella et Boumediene et fut interdit d’antenne. Ses disques ne circulaient que sous le manteau.

Les kabyles célèbrent, aujourd’hui mardi, le 105eme anniversaire de la naissance de Slimane Azem, une légende de la chanson kabyle. Né le 19 septembre 1918 à Agouni Geghrane, au pied du Djurdjura, dans le département de Tizi Wezzu (Kabylie), Dda Slimane est l’une des figures emblématiques du combat identitaire berbère. Sa chanson ‘’Effeɣ ay ajrad tamurt-iw’’ (O sauterelles, quittez mon pays), écrite et chantée pendant la guerre de libération (1954-1962), a été interdite en 1957 par les autorités françaises. Ce texte poétique fut appliqué par de nombreux kabyles à l’Algérie et son idéologie arabo-musulmane, qui combat farouchement la culture et la langue kabyles. Ainsi, pour le peuple kabyle, en particulier les militants indépendantistes, la lutte anticoloniale contre les envahisseurs que Slimane Azem qualifie de sauterelles (ajrad) ne s’est pas arrêtée en 1962. La vie et l’œuvre du géant de la chanson kabyle, qui fut un poète-chanteur « de l’exil, de la révolte et de l’insoumission » continue d’inspirer la lutte du peuple kabyle pour sa liberté. La longue et prolifique carrière musicale de Slimane Azem a pris son décollage lorsqu’il rejoint, en 1950, la SACEM en tant qu’«auteur-mélodiste nord-africain ». Son œuvre est à la fois traditionaliste, puisée des traditions ancestrales de sa Kabylie natale, et contemporaine, car l’artiste abordait dans ses chansons les crises de la société et la réalité de son époque.

L’enfant d’Agouni Geghrane s’est beaucoup inspiré des fables de la Fontaine qu’il a étudié, à l’âge de six ans, à l’école de son village, mais aussi de Si Mohand u Mhand, le poète errant de la Kabylie du XIX siècle, et à qui il dédie sa première chanson à succès enregistrée en 1951, « A Moh A Moh ». Slimane Azem a aussi contribué à la création de l’Académie Berbère (Agraw Imazighen). Il a organisé un gala artistique, le 08 juin 1969, en compagnie d’autres artistes kabyles, pour appuyer le travail entamé par Taous Amrouche, Mohand Arab Bessaoud, Mohamed Amokrane Khlifati, Abdelkader Rahmani (premier président de cette association du bureau d’Août 1966) et bien d’autres.

En 1974, il organise un deuxième gala à la Mutualité, malgré l’opposition de l’Amicale des Algériens qui avait tout fait pour l’empêcher. Ce concert artistique était considéré comme une victoire éclatante pour l’Académie Berbère. Selon le témoignage de Hend Sadi, la légende de l’exil « fut d’un apport financier à l’académie », car l’argent de ce gala était « versé à l’association berbère ». En outre, selon cet intellectuel kabyle, ce gala de Dda Slimane « a surtout fait découvrir le mouvement aux nombreux kabyles », et que c’est à partir de là que l’adhésion à l’Académie Berbère « fut massive ». En 1970, l’artiste kabyle reçois un disque d’or en France. Il est mort en exil, le 28 janvier 1983 à Moissac (Tarn-et-Garonne).

Arezki Massi

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