Réponse du Gouvernement allemand aux questions relatives à la Kabylie

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BERLIN (TAMURT) –  La réponse du Gouvernement allemand, du 11 juillet 2019, adressée au Bundestag (Parlement), suite à l’interpellation de ce dernier par le groupe parlementaire die Linke, le 06 juin 2019, donne froid dans le dos. Pourtant, le peuple allemand mérite de connaitre la réalité de l’Afrique du Nord et du quotidien des Peuples qui y vivent. Quel intérêt y a t-il de priver le Peuple allemand de ce qui s’y manigance ? Pourquoi étouffer l’épouvantable répression des forces de sécurité algériennes sur les peuples amazigh, particulièrement en Kabylie et au Mzab.

D’emblée, on remarque l’entêtement du Gouvernement allemand à vouloir rajouter l’Algérie à la listes des pays sûrs d’où les réponses évasives et imprécises par rapport au nombre de refugiés d’origine algériennes et au nombre de reconduite à la frontière ces trois dernières années. Pour le Gouvernement allemand, les forces de l’ordre en Algérie procèdent rarement à des détentions préventives de manifestants pacifistes et jamais à des arrestations arbitraires et en masse.
A la question concernant la liberté d’opinion et de la presse, le Gouvernement allemand dit observer cette question de près et pense que le paysage médiatique y est pluriel et libre. Il est au courant de l’interdiction du journal TSA ces derniers jours, néanmoins la presse y demeure assez critique.
Ainsi, les Allemands ne sauront donc jamais les dessous des cartes. Les pratiques réelles des dirigeants algériens qui consistent à avoir une presse précise pour chaque opinion de la junte militaire au pouvoir ne serait pas à débattre. L’opinion publique allemande se contentera de la vitrine que l’Algérie affiche aux chancelleries étrangères et que le Gouvernement allemand approuve pour sauvegarder ses intérêts. Les sites d’informations kabyles et mozabites, notamment Tamurt et Siwel, interdits depuis des années en Algérie sont, ici aussi, soumis à l’omerta.
A la 7e question des députés allemands qui vise à connaitre la vérité sur le soulèvement du mois de février 2019, le Gouvernement allemand y voit un soulevement de différents groupes sociaux, de partis politiques d’oppositions et de syndicats indépendants. Il ne fait aucune allusion aux manipulations des généraux algériens de la société civile, alors que tout le monde s’accorde à dire que le début du Hirak était une manœuvre du général Toufik qui visait à infléchir le clan Bouteflika. Là aussi, les Allemands attendront les sources du Quai d’Orsay pour être sérieusement informés de ce qui se trame dans cette région du monde.
Comment les services de sécurité algériens ont-ils réagi aux manifestations de masse qui ont lieu depuis février 2019 ? Quelles sont les informations dont dispose le Gouvernement fédéral sur les restrictions disproportionnées du droit de réunion, la violence policière et la répression contre les manifestants, et quelles conclusions en tire-t-il ? La réponse à ces questions est très brève. « Bien que l’interdiction des manifestations dans Alger, la capitale, soient en vigueur depuis 2001, les forces de sécurité y ont autorisé les manifestations seulement depuis la mi-février2019 et optent pour une stratégie moins violente. Aucun mot sur les barrages de gendarmeries érigés aux frontières de la Kabylie à l’est de la capitale algérienne et sur cette discrimination. La violence est-elle réservée uniquement aux Kabyles ?

La réponse à la question relative à la liberté de culte et à la fermeture des églises en Algérie posée à juste titre par les députés Die Linke est aussi évasive. Le Gouvernement de la RFA se dit très attentif à cette question et évoque l’article 42 de la constitution algérienne qui stipule « La liberté de conscience et la liberté d’opinion sont inviolables. La liberté d’exercice du culte est garantie dans le respect de la loi ». Il ne fait aucune référence à l’intolérance et aux agressions que subissent régulièrement les Chrétiens sur le terrain, avec la bénédiction des hautes autorités algériennes. 

Par rapport à la marginalisation de la langue tamazight et à son statut réel dans la pratique, le Gouvernement allemand se contente répliquer qu’en plus de la langue arabe, tamazight est aussi langue nationale et officielle et que son utilisation et son enseignement devraient être être étendues. Le Gouvernement d’Angela Merkel ajoute que tamazight est enseignée depuis 1995, au début uniquement en Kabylie mais par la suite son enseignement s’est étendu à 38 wilayas sur les 48 que compte l’Algérie. Il cite le ministère de l’enseignement qui annonce 350 000 élèves inscrits pour étudier tamazight pour l’année 2017/18. Avant 1995, le Gouvernement algérien prônait officiellement une politique d’arabisation.
Avec une telle réponse, le Gouvernement allemand ferme les yeux devant la politique criminel d’Alger qui continue plus que jamais d’arabiser et d’islamiser les Kabyles et tous les peuples amazighs. Il a omis de mentionner que l’apprentissage de tamazight est à la discrétion des directeurs des établissements scolaires et non obligatoire. Résultat, son enseignement en Kabylie est parcellaire et dans le reste du pays quasi inexistant.

Par la 14e question, consacrée à la Kabylie, les députés allemands ont voulu connaitre la condition des droits de l’homme en Kabylie algérienne. Pour l’Allemagne, l’identité culturelle et linguistique y est particulièrement forte et les partis anti-gouvernementaux, notamment le plus ancien parti d’opposition, le FFS, y sont fortement enracinés. Une réponse qui n’éclaire en rien sur la situation des droits de l’homme bafoués régulièrement par des services de sécurités et l’armée qui se comportent en colonisateur sur un terrain conquis. A cet titre, le Gouvernement allemand serait bien inspiré de se renseigner sur le nombre de soldats stationnés dans ce petit territoire et en tirer ses propres conclusions.
a)- Est-ce que le Gouvernement allemand est au courant des poursuites et des arrestations arbitraires des militants indépendantistes de l’URK, MAK et des autonomistes du RPK. La réponse à cette question est stupéfiante : La loi sur les partis politiques en Algérie n’autorise pas les partis qui s’opposent à l’unité du pays. En plus de ce qui est rapporté dans les médias, le Gouvernement fédéral n’en a aucune connaissance.
C’est à croire qu’à part lire les journaux inféodés au pouvoir algérien, l’Ambassadeur d’Allemagne en Algérie et le BND (Service Fédéral de Renseignement) ne sortent jamais de leurs bureaux. Il est temps pour l’Allemagne d’ouvrir les yeux sur la géostratégie qui pointe du nez en Afrique du Nord. Des mutations profondes sont entrain de s’y opérer. La tyrannie ne dure jamais. Les Amazigh retrouveront leurs pays et leur place en méditerranée et dans le monde. C’est juste une question de temps. Le silence du Gouvernement allemand sur cette question n’est pas à son honneur.
b) Le Gouvernement fédéral sait-il que les forces de sécurité algériennes torturent, sous plusieurs formes, les militants en quête d’indépendance ou d’autonomie de la Kabylie?
Réponse : Depuis 2015, aucun cas de torture ou de mauvais traitements infligés à des militantes n’a été signalé. Le DRS (Département du Renseignement et de la Sécurité), qui était souvent responsable de ces dépassements, a été dissous.
A travers cette réponse, on se demande si aux yeux du Gouvernement allemand, les militants tabassés devant les caméras, les militantes trainées par les cheveux, agressées et humiliées devant tout le monde par les policiers algériens, sont des êtres humains… La confiscation des passeports, les arrestations arbitraires récurrentes des militants kabyles ne constituent-ils pas une preuve de violence de l’Etat algérien envers des militants pacifistes qui militent contre la tyrannie d’Alger ?
c) les poursuites des forces de sécurités des militants indépendantistes, des menaces qui pèsent sur leurs familles, des sanctions administratifs allant jusqu’à leurs licenciement du travail et d’exclusions des universités
d) sur le sur-effectif de l’armée, de la gendarmerie, des services de renseignement et de la police en Kabylie,
e) Si les armes achetées d’Allemagne par l’Algérie, sont utilisées contre les Kabyles dans leur territoire ?
f – Le gouvernement fédéral est-il au courant des informations faisant état d’auteurs d’incendies de forêt en Kabylie par les forces de sécurité, et quelles conséquences en tire t-il ?
g) Par quels moyens les forces de sécurité algériennes, responsables de l’assassinat de quelque 127 manifestants, jeunes kabyles, lors du printemps noir 2001, ont-elles échappés à la justice et à leur responsabilité ?
Réponse du Gouvernement allemand: Pour la question 14 de c à g : en dehors des rapports de la presse, nous ne détenons aucune autre information.

Le refus de répondre à cette série de questions donne froid dans le dos. C’est à croire que l’Allemagne ferme les yeux et cautionne les crimes et les tortures que l’Algérie commet intra-muros. Pour le Gouvernement allemand, le plus important c’est l’échange et le gain commercial. Les Kabyles, les amazighs, l’égalité, la liberté de conscience et de culte, la justice et les droit de l’homme ne sont que du décor. Pourtant, quelle chancellerie peut encore ignorer que la justice algérienne dédouane les criminels ? Les commanditaires et les exécutants des 127 jeunes manifestants kabyles. Il est de notoriété publique que la justice est aux ordres du pouvoir réel algérien et la chasse gardée des hauts gradés de l’armée. Le rapport de l’éminent professeur Issaad a bien souligné la responsabilité des forces de sécurité algériennes dans ce massacre. Les assassins des 127 jeunes kabyles ne sont pas inquiétés. Idem pour ceux de Matoub, de Boudiaf, de Kasdi Mebah, de Meziane, Djaout, Bousebsi, etc.

h) Avez-vous des infos sur l’interdiction du port du drapeau amazigh et kabyle lors des dernières manifestations ?
Réponse : le Gouvernement allemand suit avec intérêt l’évolution des manifestations, le Gouvernement de la RFA est au courant de la confiscation de drapeaux berbères par le chef de l’armée algérienne. Plusieurs personnes ont été placées en détention provisoire. Les drapeaux berbères sont tout de même encore visibles dans les manifestations.
Nous espérons que le Gouvernement allemand est au courant de la peine requise par le tribunal de Annaba contre Nadir Fetissi, 41 ans pour avoir brandi un drapeau amazigh, alors que ce geste n’est en aucune manière anticonstitutionnel.

Question 15 : Que sait le Gouvernement allemand de la situation politique, sociale, du respect du droit de l’homme à Ghardaia. Que sait-il du problème de fond et du conflit entre les Mozabits et les Chaambas ?
Réponse : Le Gouvernement fédéral est conscient de la situation dans la région de Ghardaia. Depuis 2013, il y a eu de violents affrontements entre la population autochtone et les forces de sécurité (Chaamba d’origine arabe) avec plusieurs morts, et en juillet 2015 la situation a fait au moins 25 morts. La question est de nouveau au premier plan en Algérie après la mort du défenseur mozabite des droits humains Kamal eddine Fehkar, le 28 mai 2019, à la suite d’une grève de la faim.

En réalité Kamal Eddine Fekhar a été, selon son avocat, assassiné en prison. Pour élucider ce crime, une enquête internationale et indépendante est indispensable. C’est la pression qu’exercerait Madame Merkel pour mettre sur pied une commission d’enquête qu’attendent les Mozabites et qui honorerait la Républque Fédérale d’Allemagne.
D’autres questions sur toutes sortes de libertés ont aussi été aussi posées au Gouvernement allemand par les députés de Die Linke que nous remercions pour leur courage et leur recherche de la vérité.

A la lumière des réponses formulées par le Gouvernement allemand, on peut sérieusement s’interroger si elles relèvent de l’Ignorance, de la complaisance ou du compromis. Jusqu’à quand l’Allemagne comprendra que l’Algérie, dans sa définition actuelle, n’est et ne sera jamais un pays sûr, ni pour ses citoyens, ni pour les citoyens du reste du monde. Le Bundesrat, chambre haute ou le Conseil fédéral, représentant des 16 Länder allemands a tout intérêt à rejeter la projet de loi qui vise à classer l´Algérie et le Maroc parmi les pays sûrs. Cela dissuaderait les candidats (les Harragas) à l´asile et accélérerait le traitement et l´expulsion des refugiés issus de ces pays. L´Allemagne s´entête à ne pas considérer l´Algéie comme un pays à risque alors que les persécutions politiques, la torture et les traitements dégradants et inhumains, la menace sur la vie des militants kabyles et amazighs sont monnaie courante. L´Algérie est devenu le premier importateur d’arme de l’Allemagne. C’est à travers l´aveu de ce type de business que les réponses du Gouvernement allemand trahissent leur rédacteur. D’autres part dernier sait aussi la part, de dernier connait tout à fait la pat du gâteau qui revient aux émiratis qui parrainent et concluent tous les contrats pour l’armée algérienne. Mais cela est un autre sujet qui n´entre pas dans le cadre des questions posées au Gouvernement.

Lyazid Abid, membre fondateur de l’URK

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