Université de Vgayet : La pensée du philosophe kabyle Mohamed Arkoun revisitée

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Professeur Mohamed Arkoun
Professeur Mohamed Arkoun

KABYLIE (TAMURT) – Ce mercredi 26 avril, la faculté des sciences sociales et humaines de l’Université de Vgayet a organisé un colloque sur la vie et l’œuvre du philosophe kabyle Mohamed Arkoun. Placé sous le thème « La pensée de Mohamed Arkoun », cet évènement scientifique s’est intéressé au projet intellectuel de l’islamologue d’origine kabyle, détesté par les tenants de l’Islam politique. En 1985, le professeur Arkoun, invité par les autorités à prendre part à un séminaire sur la pensée islamique, à Vgayet, a été chassé de la rencontre par l’égyptien cheikh Al Ghazali à cause de ses propos critiques et ses propositions de réforme, jugés « hérétiques » par le mufti de l’Egypte. A l’époque, Al Ghazali a été recruté par l’Algérie comme enseignant à l’Université des sciences islamiques de Constantine. Il prêchait même dans une chronique hebdomadaire diffusée par la télévision algérienne.

Mettre en lumière l’œuvre de Mohamed Arkoun est l’un des objectifs du colloque consacré par l’université de Vgayet, hier mercredi, à ce philosophe et islamologue kabyle, né le 1ᵉʳ février 1928 à Taourirt-Mimoun, en Kabylie. Les intervenants ont revisité les concepts, les positions et les horizons de cet intellectuel laïque, qui a milité durant sa vie pour le dialogue entre les religions et les peuples. Parmi les thèmes « arkouniens » étudiés durant ce colloque, il y a lieu de citer « La laïcité », « L’humanisation », « La raison islamique » et « l’islamologie appliquée ». Mohamed Arkoun prônait une approche laïque de l’Islam, ce qui lui a valu la mise à l’écart et les attaques virulentes de la part des adeptes de l’Islam politique, des salafistes et des musulmans radicaux. L’épisode de son exclusion d’un séminaire sur la pensée islamique, organisé à Vgayet, en 1985, est édifiant à cet égard. Sylvie Arkoun, la fille de l’islamologue kabyle, a confirmé ce triste évènement. « Cheikh Al Ghazali traita mon père d’apostat et le chassa publiquement du séminaire. Mon père a été extrêmement affecté par la violence de cette altercation publique, mais aussi et surtout par le fait de ne pas avoir eu le soutien des autorités qui l’avaient pourtant elles-mêmes invité. Il s’était senti rejeté par son propre pays, alors qu’il était là pour parler d’un islam des lumières, un islam plus dans la liberté que dans la contrainte politique. Cet incident, je crois, l’a décidé à ne plus revenir en Algérie », avait-elle témoigné.

En développant le concept de l’islamologie appliquée, Arkoun voulait approcher l’Islam à partir des sciences humaines et sociales, telles que l’histoire, la sociologie et l’anthropologie. Pour lui, l’histoire que le monde vit actuellement a créé une nouvelle situation pour toutes les cultures du monde. Voilà pourquoi il prônait, concernant l’Islam, la réforme par rapport au cadre traditionnel hérité du passé. « Si l’Islam veut s’inscrire dans cette nouvelle histoire, il faut absolument qu’il bouleverse et subvertisse intellectuellement et scientifiquement tout le cadre traditionnel hérité du passé », enseignait Mohamed Arkoun, qui a tiré sa révérence le 14 septembre 2010. Boycotté par l’Algérie officielle, le penseur kabyle a été privé d’un enterrement dans sa Kabylie natale. Il a été enterré au Maroc, le pays de sa femme.

Au mois de mars dernier, son riche fond bibliothécaire, renfermant plus de 5 000 précieux ouvrages et 2 000 revues, a été gracieusement offert par la Fondation Mohamed Arkoun pour la paix entre ‎les cultures, gérée par la veuve du défunt Touria Yacoubi Arkoun, à la bibliothèque nationale du royaume du Maroc (la BNRM).

Arzki Massi

1 COMMENTAIRE

  1. On a pas à choisir entre deux dogmatismes islamistes. Du reste, c’étaient des islamistes « algérianistes » qui revendiqueront dans les années 90 le vrai islam, dénonçant ainsi ce qui était « l’islam kabyle ».

    C’est depuis le Moyen Âge que l’Afrique du Nord cherche à se libérer par de mauvais moyens. Les différentes confréries n’ont en définitive déterminé que plus d’ancrage dans l’islamosphère. Arkoun opère dans ce sillon, plus ce volontarisme creuse plus il amplifie sa dépendance de la symbolique religieuse, jusqu’à nos jours, avec plus de mosquées dont les succursales sont les écoles, outre les « organes de formatation ».
    Morale, Arkoun n’a pas été philosophe, encore moins philosophe kabyle, s’il l’avait été on aurait eu une dissertation quant à l’organisation sociale kabyle et la vision kabyle du monde. Il y a matière à étudier, mais il a évolué dans ce magma de l’arabislamisme. La modernité, c’est changer de lunettes, ce qu’il n’a pas fait. Il a été l’équivalent d’un Ait Ahmed ou Said Saadi lesquels ne voulaient briller de leur propre lumière et donc s’inventeront le triptyque « Arabité islamité amazighité ».
    Pour ne pas déplaire aux plus citoyens, ils passeront leurs vies à se créer une démocratie des cultures, qui dans la réalité sont en concurrence sur un territoire.
    A’ force de se berner soi-mêmes, aujourd’hui ni Ait Ahmed ni Saadi encore moins Arkoun n’empêchent le régime d’interdire la commémoration du 20 Avril.

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