Considérés comme des mécréants par les djihadistes de l’Etat islamique, les Yazidis, dont les croyances sont antérieures à l’Islam, sont menacés de mort en Irak.
Depuis la prise de Sinjar, ville à majorité yazidie, les djihadistes de l’État islamique ont massacré au moins 500 membres de cette communauté. Certains auraient été enterrés vivants, rapportait dimanche le ministre irakien des Droits de l’homme, Mohamed Chia al-Soudani. Entre 20.000 et 30.000 sont toujours bloqués sur la montagne de Sinjar, selon le Haut commissariat de l’ONU aux réfugiés (HCR). La communauté internationale s’inquiète du sort réservé à cette minorité. Depuis la semaine dernière, une série de frappes américaines a permis de ralentir l’avancée des djihadistes. Désormais, Washington examine de près les différentes options qui permettrait l’évacuation urgente des Yazidis.
• Un peuple multimillénaire
Les Yazidis tirent leurs racines dans l’ancienne Mésopotamie. «Aujourd’hui, ils sont présents essentiellement en Irak, mais aussi au sud du Kurdistan iranien, au niveau de Kermanshah», explique Karim Pakzad, spécialiste de l’Irak à l’Iris (Institut de relations internationales et stratégiques). Ils revendiquent sur ces terres une présence multimillénaire ; leur calendrier entre dans sa 6764e année. Ils sont entre 500.000 et 600.000 en Irak, essentiellement dans la plaine de Ninive. Bien qu’ils parlent un dialecte dérivé du kurde, ils se défendent d’être Kurde.
• Une religion complexe influencée par l’Islam
Leurs croyances remontent aux prémices de l’Islam. Les Yazidis sont monothéistes, mais ils mêlent plusieurs influences (syncrétisme), notamment musulmanes. Ils sont en effet les héritiers de Cheikh Adi, un mystique soufi, fondateur d’une communauté musulmane orthodoxe au XIIe siècle, dans les montagnes du Kurdistan. Coupés du monde, les Yazidis vont intégrer des rites, mythes et symboles propres à eux, qui les éloigneront progressivement de l’Islam primitif. Se mêle également un héritage plus ancien du zoroastrisme (dualisme entre le bien et le mal), de judaïsme mais aussi de christianisme. Les Yazidis pratiquent en effet le baptême et vénèrent le Christ ainsi que la Vierge Marie.
• Adorateurs du diable
Figure majeure du yazidisme, ils adorent Malek Taous, l’ange-paon. Ce qui leur vaut la haine des djihadistes car dans l’Islam, Malek Taous n’est autre que Sheitan, ou Satan. «Mais ce n’est pas du tout le cas pour les Yazidis», explique Karim Pakzad. «Pour eux, Malek-Taous n’est jamais rentré en rébellion contre Dieu. Au contraire, il a été chargé par Dieu de veiller sur la Création.» Ils ne sont par ailleurs pas mentionnés par les religions du Livre, alors que les chrétiens sont cités dans le Coran. «Les Yazidis sont donc considérés comme des mécréants qui n’ont même pas le droit de vivre dans la cité, ni même de se convertir…», précise Karim Pakzad.
• Persécutions répétées
Les Yazidis sont persécutés depuis le XIIIe siècle. Massacrés au XIXe siècle, ceux de l’Empire ottoman ont trouvé refuge dans le Caucase, en Arménie et en Géorgie. En Irak, la chute de Saddam Hussein en 2003 a provoqué des violences interconfessionnelles dont ils ont été les victimes collatérales. Aujourd’hui, ils sont présents dans deux zones du Kurdistan irakien. La vallée sacrée de Lalish, au nord de Mossoul, où se trouve leur principal sanctuaire. On y trouve plusieurs temples yazidis caractérisés par un dôme en forme de cône cannelé, mais surtout la tombe de Cheikh Adi. Depuis le début de l’offensive djihadiste, beaucoup de Yazidis se sont réfugiés à Dohuk, dans le nord de l’Irak à la frontière turque. La deuxième zone de peuplement yazidi se trouve à l’ouest de Mossoul, dans les monts du Sinjar. Mais depuis la prise de la ville du même nom par les djihadistes, des milliers de Yazidis se sont réfugiés dans ces montagnes extrêmement arides où ils manquent de tout. Encerclés par l’Etat islamique, ceux qui survivent et réussissent à s’échapper fuient vers la frontière syrienne.