Yasmina Khadra et les Kabyles
Un rêve impossible

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Yasmina Khadra
Yasmina Khadra

CONTRIBUTION (TAMURT) – La rencontre d’un écrivain avec ses lecteurs devrait être un moment agréable, empathique, agrémenté de complicités subtiles que seule la magie de la littérature sait en produire. Les Kabyles, du fait de leur culture, adorent ces échanges. Le nombre de cafés littéraires créés dans chaque agglomération le prouve largement. Le dynamisme des animateurs de ces cercles culturels a apeuré les autorités algériennes au point de décréter leur fermeture systématique. À Tichy, Karim, récemment libéré, a été emprisonné pendant huit mois pour avoir donné la parole, entre autres, à Nordine Aït-Hamouda, A. Abdesselam et à un cadre de l’URK.

Le pouvoir a décidé de ne laisser s’exprimer que ceux qui corroborent ses thèses. La rencontre qui vient de se produire à la maison de la culture Mouloud Mammeri à Tizi Ouzou ne peut être le fait d’un éditeur, vu les discours politiques des intervenants. Il s’agit d’une manipulation grotesque dans le but de dresser les intellectuels contre le projet de libération de la Kabylie de la tyrannie algérienne. Sinon comment expliquer que ni les centaines de brûlés vifs, ni le sort des nombreux grands brûlés, ni le classement des activistes kabyles de terroristes, ni l’emprisonnement arbitraire et sans jugement de centaines de Kabyles n’aient fait réagir ni l’écrivain algérien le plus connu au monde, ni Yasmina Khadra, ni Moulessehoul Mohammed, ni le pèlerin, ni l’ami de notre cher et illustre chanteur Ait Menguellat. Yasmina Khadra n’est pas venu à Tizi Ouzou pour son œuvre littéraire, mais pour lancer un affront public à un peuple meurtri par les exactions de l’Algérie coloniale.

Outragé par le comportement de Yasmina Khadra, je vous livre, ici, quelques échanges que j’ai eus avec lui pour lever toutes équivoques quant aux ressentiments de cet écrivain envers les Kabyles en particulier et les Berbères en général. Je l’ai croisé, la première fois, en 1989, à Tamanrasset où j’étais affecté pour 18 mois de service militaire obligatoire. Du haut de son grade de capitaine, responsable du Bureau Reconnaissance de la 6e région militaire, il me lança : « Tu es Kabyle, par définition, tu es un sauvage ! » Au pourquoi de cette injure, il dira : « Vous les Kabyles, vous viviez dans vos montagnes comme des sauvages. Nous vous avons apporté une religion, une langue et une civilisation. Au lieu d’être reconnaissants, vous faites preuve d’ingratitude ». Malgré le contexte, je n’ai pu m’empêcher de lui rappeler les crimes de ses semblables qui venaient de jeter de l’acide sur les bras dénudés des étudiantes, à l’université de Constantine. Ce qui était inimaginable dans notre culture kabyle car nos élites notamment, Mammeri, Feraoun, Kateb Yacine… nous enseignent le respect de l’autre, l’ouverture à l’universel, le pacifisme et l’empathie mais jamais la violence. « Mammeri et Yacine n’arrivent pas à ma cheville !», répliqua-t-il séchement.
En me pointant du doigt, il s’adressa à d’autres officiers : « Les islamistes, dont il parle, sont nocifs pour notre pays mais lui et ses semblables sont dangereux pour l’Algérie ». Vous reconnaitrez, l’argumentaire réel de l’interdiction de la conférence de Mouloud Mammeri sur les Poèmes kabyles anciens, pour atteinte aux fondamentaux de la nation algérienne, dix ans auparavent, le 10 mars 1980.

Après la décennie noire et le sacrifice consenti par la Kabylie, qui avait amplement confirmé son rôle de rempart au terrorisme islamiste et à l’intégrisme, j’ai sérieusement nourri l’espoir de voir les intellectuels non-kabyles revenir à de meilleurs sentiments envers nous. Hélas, c’était espérer de la neige chaude, pour reprendre Lounès Matoub.

J’ai revu Yasmina Khadra, le soir du 6 octobre 2006 à Literaturhaus de Munich, en Allemagne. Il était, entre temps, devenu célèbre, reconnu, épanoui, officiellement libre de toute contrainte militaire, mais il n’acceptait pas que le célèbre humoriste kabyle Fellag divulgue les secrets des Algériens aux Européens, que Matoub travestisse Qasaman (l’hymne national de l’Algérie), que Boualem Sansal ait écrit, Poste restante : Alger. Lettre de colère et d’espoir à mes compatriotes, que le 20 avril soit kabyle, etc. Il n’épargna aucune personnalité kabyle populaire. Je lui ai alors demandé si, à ses yeux, il existait un artiste digne de ce nom ? Il répliqua immédiatement : « Oui, Lounis Aït Menguellet ». Je lui avais fait part de mon doute vu la complexité du verbe du poète, loin d’être à la portée des non-initiés surtout si on ne comprend pas kabyle. Il se justifia en évoquant les vertus de la traduction.

Que des non-kabyles soient fans de nos artistes est à notre honneur. Ce qui est révoltant, c’est le recours à l’insulte des Kabyles pour être auréolé ailleurs. L’avenir nous apprendra que Yasmina Khadra nourrit des ambitions politiques au plus haut sommet de l’Etat algérien. Par le passé, Bouteflika lui avait barré la route du ministère de la Culture occupé à l’époque par Khalida Toumi. Cette fois, il procède comme ses prédécesseurs. D’autant plus que son œuvre prolonge ce que Bouteflika, Boumediene, Mohand Cherif Sahli, Tahar Ouettar, Mostefa Lacheraf, El Ibrahimi, Ben Badis, l’Emir Abdelkader,  Jamâl al-Din al-Afghani, Muhammad Abduh et plus loin les Banu Hilal, avaient entamé.

Quant à la littérature, la vraie, elle est d’une lente virulence. Telles les racines d’un arbre, elle finit par briser les rochers. Elle ne s’accommode pas d’idéologie mortifère et d’hypocrisie. Les écrivains qui ont de l’avenir s’expriment librement sans se soucier d’éventuelles représailles. Pour s’en convaincre voici deux passages de Sansal : Une calamité ? À qui le dis-tu ! Bien sûr que je rentrerais chez moi si la Kabylie était indépendante et si elle disposait de la bombe atomique pour assurer sa sécurité face à la Ligue arabe. (1).
En 2012, lors d’une conférence, il prédit : la Kabylie, pour le moment, ne se bat pas pour son indépendance. Elle pourrait être amenée à le faire, si demain la répression du régime est telle, qu’elle y soit acculée, surtout que les conditions dans lesquelles vit la Kabylie s’y prêtent…

Tel Si Muh u Mhand, qui errait pour échapper à l’emprise mortifère du lieu où son père fut exécuté par les soldats français, Sansal écrit pour ne pas devenir fou, confiait-il à un journaliste français. Ces deux personnalités éminentes magnifient la famille des immortels tels, Boulifa, Mouhoub Amrouche, Taoes Amrouche, Mouloud Feraoun, M. Dib, Kateb Yacine, Mouloud Mammeri, Mohammed Arkoun, Rachid Mimouni, S. Chaker, Mohya, El Hasnaoui, Slimane Azem, Idir, Ait Menguellat, Krim B., Abane R., Amirouche, H. Ait Ahmed, S. Saidi, Djaout, Matoub, Ferhat… Ils étaient et seront à l’origine de notre libération de toutes dominations étrangères. Ils ont tout partagé avec nous, nos angoisses, nos souffrances, nos rêves de liberté et de dignité.

Lyazid Abid, membre fondateur de l’URK

(1) – Roman « Harraga » de Boualem Sansal, édition Gallimard, paru en 2005, page 176, ISBN 2-07-077538-0 –

3 Commentaires

  1. Merci pour votre courage et vos éclaircissements. Les kabyles crédules doivent cessez d’encencer leurs pires ennemis. Fut-il un écrivain à succès et fidèlement raciste et extrémiste. Cette énergumène se croit arabe et civilisateurs comme l’histoire coloniale le dit. La vérité dont les kabyles ont tous les éléments pour comprendre pour la faire jaillir mais se complaisent à reprendre les faux écrits coloniaux destinés à les réduire à des mineurs voire les faire muter car ils sont les vrais possesseurs de l’Afrique du Nord . Il faut savoir que la grammaire de ce que l’histoire coloniale appellera l’arabe c’est une création des kabyles. Et que le peuple arabe n’existe que par leur grâce pour succéder aux indigènes. Dites à cette écrivain arabe de faire un test ADN,ou même aux saoudiens .Et il descendra de sa lubie de civilisateurs..

  2. Merci de ce témoignage qui fera partie de l’Histoire de la Kabylie.

    Tu dois sûrement manquer à l’ANAVAD comme tu manques aux militants du MAK.

  3. Et voici de nouveau un raciste inhumain, digne de représenter L’Algérie, ce pays qui fait un pas en avant et dix pas en arrière. Ce personnage prétendument écrivain n’a ni n’aura l’étoffe d’un Mammeri ni d’un Jaout et tant d’autres. Que cela lui plaise ou non, ces récits à la mort moilleneux ne convainquent que les gens de son acabit. Je le vomi pour son mépris, sa bassesse, son manque de compassion, son hypocrisie, son manque d’amour ne serait ce que pour ses compatriotes lésés, opprimés etc. Cet homme n’a aucune vertue ni grandeur d’âme. Je l’emmerde autant, voir plus pour ses positions politiques, pour peu qu’il en ait. Sa fourberie n’a d’égal que son ignorance qui lui collent à sa face de rat d’égout et tous ses semblables. Il vient en kabylie pour nous insulter et et nous donner des leçons de bien vivre sa religion moyannageuse que je vomi également que ça lui plaise ou pas. Bref ! Son rôle est clair comme l’eau de roche, piqué au vif la kabylie, sachant qu’il est bien placé dans l’organigramme arabo algero kabylo izanique, il profite mais jusqu’à quand.

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