Le souverainisme kabyle a une histoire

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KABYIE (Tamurt) – Ce qui traverse en ce moment le mouvement souverainiste kabyle est un soubresaut normal que toute organisation politique traverse à un moment ou un autre de sa vie. L’expansion de sa base militante et de son espace d’action a conduit à une abondance d’idées et d’ambitions individuelles par instant antinomiques les unes avec d’autres. Ce n’est pas anodin, ni grave, ni irrémédiable ; il imprime une étape nouvelle que chacun espère plus productive.

Le souverainisme n’est pas une revendication nouvelle en une Algérie qui se targue depuis plus d’un demi-siècle d’être le modèle d’une ferveur populaire qui soutient sans faille « sa révolution » et subséquemment ses dirigeants inamovibles qui émanent et s’alternent au sein du même clan – dit clan d’Oujda – dont la seule légitimité est la force des armes.

Par la terreur diffuse et occasionnellement par la répression brutale, cet état de sidération est maintenu peu ou prou dans toute l’Algérie jusqu’à la fin des années 80.

Enfin en 2001, en plein milieu de la commission d’assassinats de citoyens kabyles par la gendarmerie et la police algériennes, le MAK est venu mettre fin à cette sinistre comédie.
Cette émergence est due non en dépit mais à cause de l’existence de partis politiques d’émanation kabyle, contenus dans un clapier en termes de représentativité qui a servi de saufconduit aux exactions du régime et de façade démocratique à l’étranger. Aujourd’hui et avec du recul, force est d’admettre que la présence de partis présentés comme « kabyles » loyaux avec le régime a été utilisée comme comburant dans la mise à feu de la Kabylie.

Mais la revendication souverainiste déclarée ou en gestation n’est pas propre à l’Algérie.
Elle existe même dans les pays occidentaux où la démocratie est enracinée comme en France, en Belgique, en Espagne, au Canada ou ailleurs.

En ce début de siècle, en Europe, cette demande a été résolue avec bonheur et sans heurts en ex-Tchécoslovaquie, avec du sang et des larmes en ex-Yougoslavie.
La Turquie, pays fondé sur la brutalité et le génocide s’oppose à l’indépendance du Kurdistan en empoisonnant son peuple d‘une haine inextinguible. Jusqu’à quand ?
Le point commun de tous ces besoins populaires a pris naissance de la partition éhontée de territoires après la première Guerre mondiale en Europe et suite à la décolonisation en Afrique et en Asie.
Aujourd’hui, elle fuse partout dans ces pays fabriqués et hérités de la colonisation qui a tracé des frontières à sa convenance, quasiment au cordeau, sans aucun égard aux peuples et à leur histoire respective.
En Afrique, c’est du Soudan qu’a commencé la série qui a abouti à l’indépendance du Sud, longtemps sous la férule du Nord islamisé jusqu’au fanatisme qui a entamé un véritable génocide des populations chrétienne et animistes.
S’agissant de la Kabylie, le phénomène est plus patent.

D’abord de par son histoire propre face à la colonisation.
Durant toute la domination ottomane, elle était restée indépendante. Face à la colonisation française, elle a mené seule – conséquence de cette indépendance – une résistance acharnée en 1857 puis lancé une insurrection générale en 1871.
Voici ce que rapporte l’historien Charles-André Julien à ce propos : « En 1857, l’armée française attaqua la Kabylie. À l’appel de la Kabylie, l’Ouest algérien, sous la direction de l’Emir Abdelkader refusa de se joindre au combat ».
Le 7 avril 1871, toute la Kabylie s’est soulevée contre l’armée coloniale française. Quand il apprit les débuts de l’insurrection, l’émir Abdelkader déclara :
« Je dénonce cette insurrection contre la justice, contre la volonté de Dieu et la mienne. Nous prions le tout puissant de punir les traitres et de confondre les ennemis de la France « 
(Référence : Charles André Julien. Histoire de L’Algérie contemporaine. 1827-1871. Paris, PUF. 2ème édition, 1979, p. 209).
C.A. Julien ajoute que  » les appels de l’émir à la Kabylie de déposer les armes, n’eurent aucun effet sur les combattants, aux sentiments de qui il était devenu étranger « .

Il était important de rappeler ces épisodes historiques de la résistance kabyle minorés quand ils ne sont pas tout simplement gommés des ouvrages officiels d’histoire.

Est-il encore besoin de rappeler ici la contribution majeure de la Kabylie dans la lutte de Libération ? Pour les nihilistes, de plus en plus hardis dans leurs dénégations de faits historiques, nous les invitons à lire les livres, les témoignages et les documents publiés par les historiens et les militaires français eux-mêmes.

Le loyalisme de la Kabylie envers l’Algérie s’est manifesté encore après l’indépendance lorsque la wilaya III a remis, le 31 décembre 1964 à la présidence de la République algérienne l’intégralité des fonds qu’elle avait en sa possession. C’était la seule à l’avoir fait alors que chaque wilaya de l’organisation FLN-ALN disposait de l’autonomie financière. Mais cette marque de loyauté a été apparemment perçue comme un geste d’obédience par Ben Bella et son clan.
Ce geste de fraternité et de solidarité destiné à renflouer les caisses d’un état exsangue s’est transformé en traquenard qui fait aujourd’hui de la Kabylie la vache à lait en matière d’impôts. Cette vérité, tous les rapports officiels de recouvrement des impôts l’atteste.

Aujourd’hui, l’accès pour un nombre important à une information directe et variée et qui offre même l’interactivité, permet de porter la lutte partout et en temps réel. Dans ces conditions, le Mouvement souverainiste kabyle, même s’il accuse de temps à autre un reflux pour diverses raisons reste ancré dans les esprits car ce qui a été accompli par le Mak et l’G.P.K. depuis 2001 est considéré par tous comme des fondements essentiels de la renaissance de la nation kabyle maintenue sans droits depuis maintenant 54 ans.
La conscientisation du peuple kabyle est surtout la réponse à l’antikabylisme sans retenue distillé par le pouvoir depuis toujours et particulièrement depuis Bouteflika.

En Kabylie, personne n’oublie la haine du Berbère, du Kabyle qui a fait faire à Boumediène dès 1976 l’équivalent des autodafés en mettant sous scellés le Fichier de Documentation Berbère (FDB) qu’il avait auparavant dépouillé de son nom en lui affublant le titre de Fichier périodique parce que le mot berbère lui écorchait les oreilles. Une telle inimitié est impossible à oublier.
Cette haine maladive va aller plus loin et jusqu’à l’inimaginable. Les cadavres des colonels Amirouche et Haouès vont être exhumés clandestinement et séquestrés dans une caserne de gendarmerie. Cette affaire ne sera dévoilée qu’à l’avènement de Chadli Bendjedid.

Le régime algérien a ses amis réels ou supposés qui sont les pays arabes et ceux où sévissent des totalitarismes. La Kabylie a potentiellement des amis dans les démocraties occidentales. Bien sûr, le pragmatisme et la real-politique empêchent ces états d’exprimer leur soutien ouvertement, mais déjà, des parlementaires, des intellectuels, des associations de Droits de l’Homme ont franchi le pas et cette reconnaissance poursuit son chemin.
En ce moment, le régime algérien fait feu de tous bois pour normaliser la région. L’École, les mosquées, les zaouias, les chaines de télévision et de radio, les commis de l’état, quelques maires, quelques députés, quelques élus locaux et les troupes de police et de gendarmerie installées en surnombre sont mis à contribution.
L’école ayant atteint la limite extrême de nuisance et de dégâts, l’angle d’attaque se fait de plus en plus par la religion où, il est vrai, un certain discours relatif « à l’islam de leurs ancêtres » capte une frange de citoyens inconscients et instrumentalisés à outrance.

La Kabylie n’en a cure des ces énonciations prophétiques, des châteaux en Espagne ou des fetwas qui ne sont que des incitations au meurtre et à l’intolérance. Elle sait que l’islam à la lettre est antinomique avec sa propre survivance.

Pour conclure et en hommage à Amer Imache, fondateur de l’Étoile Nord-Africaine et un vrai précurseur de l’autodétermination de la Kabylie frappé d’un ostracisme sidéral par le régime algérien, je propose ces faits historiques qui montrent à la fois un sectarisme arabo-musulman ancré et la détermination des militants kabyles pour l’émancipation de leur patrie :
« En novembre 1934, l’Étoile est de nouveau dissoute et ses principaux dirigeants arrêtés. Amar Imache est condamné le 5 novembre 1934 à 6 mois de prison et 2000 francs d’amende. Libéré en mai 1935, il reprend sa place au sein de l’Étoile. Il dénonce le projet Blum-Violette de 1936 selon lequel, pour libérer l’Algérie, il faut d’abord la rattacher à la France et pour être citoyen algérien, il faut d’abord être citoyen français assimilé. Il dénonce cette nouvelle entreprise de division, visant cette fois à séparer le peuple algérien de son élite et soutient que : « le premier gouvernement à forme républicaine et démocratique fut institué en Kabylie pendant qu’en France et ailleurs on ignorait ces mots » (L’Algérie au carrefour ).
Au moment où Messali vit en exil à Genève auprès de Chekib Arslan (décembre 1935 – juin 1936), c’est Imache avec Yahiaoui, Nouira et Radjef qui dirigent l’Étoile.

« Un premier conflit nait entre deux hommes Messali Hadj, qui défend le projet d’une Algérie arabo-musulmane, contre Imache, qui défend une Algérie « faite de vingt races », algérienne et laïque, ce dernier insiste sur la dimension kabyle de la société et de la fonction de l’assemblée villageoise traditionnelle berbère (le tajmât)
« Durant l’été 1936, de nouvelles dissensions naissent entre Messali Hadj et les Kabyles : le premier veut mobiliser des militants nord-africains pour la défense de l’Espagne républicaine en lutte contre le fascisme. Les Kabyles désapprouvent, le gouvernement espagnol n’ayant pas donné suite à la demande de constitution d’une république rifaine berbère.

Azru Loukad

11 Commentaires

  1. Tant que vous faites une fixation sur l’islam, le projet souverainiste ne fera que tourner en rond.
    D’autres, plus puissants et plus cyniques que vous, s’y sont cassés les dents.
    A commencer par un illustre Adolphe, pas Hitler, CREMIEUX, qui a essuyé un refus catégorique des kabyles d’abandonner le statut d’indigène musulman contre la nationalité française.
    Ensuite, le FIS, qui a fait un raz de marée partout sauf chez nous.
    Oui vous avez raison de dire que le pouvoir algérien instrumentalise la religion, mais vous savez bien que le peuple kabyle n’est pas dupe, et cet article démontre de façon irrévocable le respect que vous portez à ce peuple, en le prenant de haut, en décrétant que nous ne sommes que de pauvres tarés inconscients et instrumentalisés à outrance.
    Devons-nous donc attendre que la lumière jaillisse de vos écrits ?
    En France, on a parlé un certain temps, de la droite la plus bête au monde, en Kabylie, je crains que nous soyons réduits à parler de souverainistes les plus bêtes de l’univers, à force de se tirer des balles dans le pied, en s’attaquant à la valeur la plus fondamentale du peuple kabyle.
    Je passe sur certaines énormités, du genre, La Kabylie a potentiellement des amis dans les démocraties occidentales……citez-moi une seule démocratie qui nous a reconnu…à moins que mohamed 6 fasse partie de ces démocraties…
    Quant aux faits historiques que vous avez rapportés, aucun ne nie la dimension musulmane du peuple kabyle, bien au contraire.
    Tanemirt.

    • Notre problème n’est pas avec l’islam en tant que religion, mais avec l’idéologie islamiste, de ceux qui utilisent l’islam pour coloniser d’autres peuples…!!!

      Ceux qui soit disant sont venus en Afrique du Nord pour prêcher la bonne parole « les OMEYADES » ont fait des massacres parmi la population AMAZIGH, à l’image de ces deux criminels:
      1. OKBA IBN-NAFA, envoyé par le potentat YAZID IBN MUAAWIYA, un criminel qui a décimé la famille
      de l’imam « ALI ».
      2. de MUSSA IBN-NUSSER qui a commis des crimes contre l’humanité au MAROC plus précieusement.
      pour ne citer que ceux la….!!!

  2. Il faut surtout ne pas tomber dans la culture de nos ennemis, le népotisme, la dictature, l’unicité de la pensée….etc.
    nous devons prendre comme exemple les démocraties occidentales et non le fascisme oriental qui à produit des monstres à l’image de « DAESH » et consorts….. TANEMIRT.

  3. Nous ne comprenons lorsque vous dites en 1 que ka Kabylie n’est pas algérienne, en 2 qu’elle seule est la région référentielle Imazighene, en 3 la seule à prétendre la langue Tamazight et in fine , vous vous targuez être le berceau des Berbères. Vous savez , moi Neptune je ne m’y suis pas encore rendu là -bas.

  4. avec ce pseudo de Mhenna tu as tu a sali ce prénom berner .quand tu dit le fis a fait raz de marée par tout sauf chez nous .tu te prends pour un kabyle quel lâche .je te dit une chose des ténèbres ne jaillie pas de lumière et toi tu crois a un livre écris par un homme qui a passe sont temps dans un trou .

  5. On ne peut que se réjouir de l’adhésion des intellectuels kabyles à l’idée d’un Etat kabyle libre, seul moyen de sauver notre identité, notre langue et notre culture….Ceux qui défendent le statu quo ou l’assimilation à l’Algérie, sont d’une manière ou d’une autre les complices de l’ethnocide identitaire que subit la nation kabyle.
    Parmi les priorités du futur Etat kabyle, il faudrait une véritable révolution culturelle pour dés-arabiser et dés-islamiser (du virus intégriste cela s’entend) la société kabyle. Ce que l’Etat arabo-intégriste d’Alger a semé dans les esprits kabyles démunis, l’Etat kabyle laïque doit le défaire et l’éliminer radicalement. L’éradication du sida mental qu’est l’islamisme toutes options confondues (salafisme/wahhabisme…) est une condition sine qua non pour faire entrer la Kabylie dans la modernité et le 21ème siècle.
    La nation kabyle n’a pas d’avenir dans cette dictature arabo-algérienne. Les kabyles constituent un peuple à part entière, n’en déplaise aux négateurs de touts bords. Un peuple ne peut pas vivre sous la botte d’un Etat qui mène une politique criminelle d’éradication de sa personnalité. Nous n’avons pas les mêmes valeurs et les mêmes aspirations que les algériens. Ce n’est pas avec des anathèmes et l’hystérie que vous allez décourager les patriotes kabyles. Il n y a ni racisme ni haine envers quiconque, le droit du peuple kabyle à vivre libre est un droit inaliénable. Nos aînés ne se sont pas sacrifiés pour remplacer la peste coloniale française par le choléra arabo-islamique algérien. La Kabylie n’est ni arabe ni française, elle kabyle et amazigh. « Les kabyles ne sont ni meilleurs ni pires que les algériens, ILS SONT DIFFÉRENTS ! « Je suis un kabyle libre vivant à Vgayet et je suis un ex. militant du RCD. C’est la stratégie sans issue et suicidaire des partis dits kabyles qui a donné naissance au nationalisme kabyle en marche. Il n y aura pas de retour en arrière. L’avenir de l’Algérie c’est le despotisme oriental, avec tous ses avatars (arbitraire, corruption, despotisme, obscurantisme…)
    La séparation à l’amiable, pacifique et démocratique est l’unique chance de survie pour la nation kabyle.

  6. Essor économique et pôles d’ excellence des technologies innovantes dans les zones kabyles nous sommes pour, l »éradication du chômage des jeunes oui, l’ investissements massifs dans l’éducation des enfants oui, le desenclavement des zones rurales pourquoi pas, des projets touristiques « vert » oui. Mais de là prétendre un séparatisme en y allant sur la pointe des pieds pour quitter l’Algérie, non, d’un point de vue historique et géopolitique nous ne l’approuvons pas et nous ne la soutiendrons pas que cela en déplaise à certaines personnes, bien que ces gens ont le droit de s’exprimer librement et démocratiquement. . Azul fellawene.

  7. Comment promouvoir un essor économique de la Kabylie avec un Etat archaïque,anti-kabyle et hyper-centralisé ?
    Comment investir massivement dans l’éducation,lorsque pour baptiser une rue,construire une école il faut l’accord de nos maîtres de d’Alger ?
    Comment peut-on qualifier les kabyles qui s’opposent à une Kabylie libre ? Des aliénés? des zombis ? Des inconscients ? Ou des renégats ?
    Sans un Etat kabyle libre,il ne peut y avoir ni développement économique,ni démocratie,ni sécurité,ni épanouissement de notre langue.Rester sous le joug de l’Etat despotique d’Alger,c’est se soumettre à la politique criminelle d’assimilation des kabyles dans le moule arabo-intégriste qui est « le tombeau de la démocratie » !

  8. Merci pour ces faits. Enfin la vérité que la France a fait tant de mal a la Kabylie. Et maintenant elle ne bouge pas pour l’aider, elle prend juste ces génie et intellectuels et artiste comme Zidane, Amirouche, Piaf, Adjani, Dany Boon, Villeret, Prevost D., Louisa Necib, et plein de médecins ou professeurs…
    La France n’enseigne pas cela dans ses livres d’histoire. Personne ne nous en parle et pour cause ce sont les Kabyles qui ont libéré la Kabylie ! Les français ont essayé de nous arabéiser, nous musulmaner mais cela n’a pas pris. Les berbères sont libres et laïques. Notre seul religion vivre en paix , faire du bien et respecter la Nature qui nous a tant donné.
    La libéralisation de la Kabylie est proche. Il faut enseigner à nos enfants la Vrai Histoire de notre peuple fier digne et courageux et plein d’intelligence et de savoir faire. Vive la Kabylie libre !

  9. Le mot indépendantisme doit écorcher la langue ou plutôt les doigts puisqu’on lui préfère le souverainisme qui caractérise les partis ultra- nationalistes européens…

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