TICHY (TAMURT) – « De l’interdiction de la conférence de Mouloud Mammeri, le 10 mars 1980, à l’affirmation identitaire » est le thème d’une conférence-débat animée, ce samedi 10 avril, par Muh-Said Belkacemi, militant indépendantiste et cadre de l’Union pour la République Kabyle (URK), au centre culturel Idir Achour de Baccaro. Alors que la Kabylie s’apprête à célébrer dans quelques jours le double anniversaire du printemps noir (2001) et berbère (1980), l’invité de l’association culturelle Asaki (Eveil) et du Café littéraire de Tychi est revenu sur ces deux évènements fondateurs de la Nation kabyle et sur le combat du peuple kabyle pour la sauvegarde son identité.
Pour Muh Said Belkacemi, l’interdiction de la conférence de Dda Lmulud At Maamer à l’université de Tizi Ouzou, le 10 mars 1980, « avait suffi pour faire sauter la chape de plomb qui pesait sur la Kabylie ». En effet, avant cette date, la dictature instaurée par Boumediene était « particulièrement cruelle surtout en Kabylie », a affirmé l’orateur. Et d’enchaîner : « Personne ne se hasardait sur le terrain des libertés. Seule, la Kabylie avait osé s’y risquer. En brisant cette chape de plomb, elle a affirmé sa volonté de poursuivre son chemin sur la liberté ». Si la Kabylie était « la cible toute désignée », c’est parce que, tout simplement, « elle était aussi devenue le souffre-douleur du pouvoir, des baathistes et des islamistes», a expliqué le militant indépendantiste.
Par ailleurs, Muh Said soutient que le printemps noir de 2001, qui s’est soldé par l’assassinat par le pouvoir algérien de 127 jeunes kabyles, constitue un tournant décisif dans le combat identitaire de la Kabylie. « Depuis, la Kabylie ne cesse de prendre conscience que la liberté ne se quémande pas. Par conséquent, la revendication politique kabyle ne cesse d’évoluer. Désormais, c’est la fin des erreurs stratégiques de la Kabylie. Même la nature des débats entre citoyens kabyles a changé. Nous sommes passés de la dualité FFS-RCD à l’argumentaire entre autonomie et fédéralisme puis autonomie et indépendance et enfin vers la recherche dans la sérénité du meilleur chemin pour concrétiser l’indépendance de la Kabylie. Une panoplie de mouvements politiques, aussi déterminés les uns que les autres, a vu le jour à commencer par le MAK, l’URK, indépendantistes, le RPK autonomiste et récemment AKAL, souverainiste», a-t-il souligné.
Ce pluralisme politique, selon le conférencier, « est un marqueur de l’effervescence politique qui anime la Kabylie » et prouve que « la flamme de la libération de la Kabylie est plus que jamais ravivée.» Loin d’être un obstacle, ce pluralisme, soutient-il, « est le garant contre toute dérive autoritaire. »
Dans un autre chapitre, l’orateur pense que même si le pouvoir algérien a lâché du lest en reconnaissant tamazight, d’abord comme langue nationale en 2002, et ensuite comme langue officielle en 2016, « pour atténuer sa déclaration de guerre à la Kabylie », ces manœuvres ne sont qu’une « concession purement formelle faite à la contestation kabyle pour se mettre au même niveau que son voisin marocain qui avait officialisé tamazight en 2011. » Abordant la question du Hirak algérien, Muh Said trouve « absurde » pour un peuple comme le nôtre (peuple kabyle), « qui a tant souffert et qui sait exactement ce qu’il veut, de s’aligner avec les contestataires d’un mouvement dont la revendication se limite aux slogans, pour un Etat de droit, yetnahaw gaa, selmiya selmiya et d’autres mots d’ordre aussi naïfs qu’irrationnels.»
Par conséquent, ce cadre de l’URK estime que « pour un Kabyle responsable, s’engager dans le Hirak, c’est s’encager.»
Enfin, tout en appelant les kabyles à participer massivement à la marche du 20 avril prochain « pour honorer tous nos martyrs, en particulier ceux de Tafsut Taberkant de 2001 », Muh Said croit que seule « la demande d’indépendance (…) est aussi vitale que salutaire pour la Kabylie et pour les autres peuples de Tamazgha.»
Arezki Massi