Situation en Algérie : L’avertissement de Boualem Sansal

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Sansal
Boualem Sansal

CULTURE (Tamurt) – Considéré à juste titre comme le plus grand écrivain algérien vivant, Boualem Sansal est aussi connu pour ses positions franches et surtout courageuses quand il s’agit de parler de la situation sociale, politique et économique de l’Algérie. Il vient d’en livrer d’ailleurs une nouvelle lecture, très percutante et perspicace, dans le magazine « Valeurs actuelles ».

L’auteur du « Serment des barbares » (Prix du premier roman en France) dit les choses telles qu’elles sont et tire même la sonnette d’alarme. Avec un regard lucide, Boualem Sansal, dans cette nouvelle contribution, qui a fait un tabac en Algérie, grâce à sa disponibilité sur Internet (les journaux algériens n’ont pas jugé utile de la reprendre) fait d’abord un rappel historique sur comment les différents présidents ont régné en Algérie depuis 1962. Avant d’en arriver à la situation actuelle.

Boualem Sansal rappelle ainsi que dans les rapports annuels des ONG qui  classent les pays selon divers critères, l’Algérie tient son rang dans le peloton de queue, parmi les grands champions du désastre intégral, le Zimbabwe, la Corée du Nord, la Libye, l’Érythrée, la Somalie. « Pour autant, ajoute Boualem Sansal, il ne faut pas croire que la vie est horrible pour les habitants. Les Algériens sont les rois de la débrouille, ils habitent des bidonvilles, mangent des pierres, sucent des racines, se lavent avec du sable, mais réussissent à garder en eux la flamme de l’espoir.

On la trouve dans la drogue ou dans la religion et le commerce des produits magiques qui fleurit aux abords des mosquées (il s’en construit treize à la douzaine par jour) ; ou on s’investit à fond dans la possibilité d’une émigration réussie, ou on se regarde mourir à petit feu ». Pour Sansal, la responsabilité du président Bouteflika est entière dans cette situation. « Il est au pouvoir depuis l’indépendance et le restera jusqu’à sa mort, et, au-delà, il se perpétuera à travers ses frères et leurs enfants. C’est clair, la dynastie Bouteflika survivra au peuple mais le peuple ne lui survivra pas », écrit Boualem Sansal dans le magazine « Valeurs actuelles ».

Le romancier, également lauréat du Grand Prix de l’Académie française pour son roman « 2084, la fin du monde » souligne en outre : « Traumatisé par la décennie noire, celui-ci n’a plus de ressorts. S’il fait mille émeutes par jour, c’est pour dénoncer des élus locaux, en des échauffourées qui n’ont pas de signification politique au-delà. Et puis, il y a les islamistes, ils sont toujours là, plus nombreux, prêts à bondir sur la bête, et la dynastie s’est dotée d’une armada suréquipée, surentraînée, surpayée, elle ne fera qu’une bouchée du peuple et vite fait remettra les islamistes dans leur rôle d’épouvantail ». « Le plan est réglé, le cinquième mandat est dans la poche », préconise Boualem Sansal dans son réquisitoire contre le pouvoir algérien.

Ce dernier s’interroge en outre : « Vers qui se tourner ? L’Onu, l’Union européenne, l’Union africaine, la Ligue arabe ? Allons ! Les Algériens placent leur espoir en la France, où vivent quelques-uns de leurs compatriotes (2, 4, 7 millions ?), et leurs enfants, qui ne savent rien de l’histoire coloniale, font pareil, mais voilà, le jeune Macron, qui lui aussi méconnaît l’histoire, est venu à Alger pour leur dire à bout portant : “Vous n’êtes rien pour moi, je ne vous dois rien, débrouillez-vous !” Sait-il qu’en le disant aux Algériens, il le dit aussi à ces millions de Français qui ont l’Algérie au cœur et dans la tête, les pieds-noirs, les harkis et ceux qui, à titre civil, militaire ou religieux, ont servi en Algérie ? Tous veulent savoir ce qui s’est réellement passé, qui a trahi, qui a menti, et pouvoir se construire un futur qui reconnaisse le passé et le respecte ».

Boualem Sansal donne enfin un autre son de cloche, sans concession et sans doute sincère (il n’a rien à gagner et plus à perdre en s’exprimant sur ces questions, sa notoriété d’homme de lettres exceptionnel étant acquise et indéniable), au moment où rares sont les intellectuels et les artistes algériens qui osent élever la voix pour dénoncer les anomalies, une bonne partie d’entre eux ayant été « achetés » parfois avec des sommes faramineuses.

Tarik Haddouche

6 Commentaires

  1. Philosopher, théoriser, décrire son pays à partir de la France, c’est bien. Les idées et les reves fusent. L’imagination devient fertile devant un café à Paris ou Marseille. Mais la réalité vécue par les algériens n’est pas celle que l’on rapporte à partir d’un lieu si lointain et si proche de nous. J’aurais souhaité voir cette « cervelle » venir ici pour résister, déployer des efforts pour améliorer les choses. Beaucoup de nos cadres, de nos compétences, de nos « intelligences » travaillent, triment, ici, pour faire évoluer les mentalités en dialoguant et sans invective ou quelque insulte que ce soit. Ces cadres proposent et discutent, en Algérie, dans leur pays, et ne gémissent pas à partir de Paris, Lille ou Toulouse. Parler sans proposer, c’est facile. C’est juste de l’agitation inutile.

    • pour l’attendre au tournant (viens ici) c’est une belle phrase,qu’on utilise souvent pour appâter des personnalités similaires qui dérangent certains sphères du pouvoir, tendre un piège ou un guet a pan pour eux est une opération très prometteuse ensuite le maquillage d’un meurtre dans ce pays est facile a crédibiliser « en passant par voiture l’arbre est tombé; la route est affaissée » etc… et au final l’affaire est classé sans suite ou cas isolé
      ton raisonnement ne tient pas la route

    • Bravo M. Boualem Sansal. Vous avez le doit et devoir de critiquer ce système anti-démocratique,anti-amazigh qui repose sur deux piliers:la force des baïonnettes et la rente pétrolière (la carotte et le bâton). Boualem Sansal est un intellectuel qui voit plus loin que le bout de son nez. L’Algérie arabo-islamique est une prison à ciel ouvert.Je peux vous garantir que lorsque Boutef quittera la présidence (tôt ou tard),il n y aura personne pour défendre son bilan calamiteux,catastrophique et désastreux sur tous les plans:économique,sociétal et politique.Pour ceux qui l’ignorent, B. Sansal est l’un des rares intellectuels algériens et kabyles à défendre le projet du MAK. Une position courageuse que beaucoup de kabyles aliénés devraient s’en inspirer !
      Aseggas asâdi amervûh mass Boualem Sansal.

      • Diviser !!! alors que l’heure est au rassemblement si on veut en finir une fois pour toute avec le système dictato-democrat(la démocratie afriquaine)installé depuis des décennies par…….qui? où les algériens sont enlisés et n’arrivent pas se dépêtre de ce fléau comme on peut l’être pour une maladie honteuse.On veut s’en sortir mais à l’abri des regards .Nous parlons plus dans les médias des années 60 pour évoquer l’avenir de ce magnifique pays dont la situation stratégique tant sur le point géographie,politique et économique est ideignable.Nous avons tous les ingredients pour faire de l’Algerie la grande puissance et le porte parole d’une Afrique gangrenée .Mais non c’est bien plus facile (arrangeant )de parler de guerre Algérie,rivalité kabyle-arabe,Algérie-Maroc et je ne sais quoi d’autres. arrêtons ce fiasco et rassemblons nous pour proposer un avenir digne à nos enfants qui deviendrons si rien n’est fait les zombies d’une démocratie

  2. Azul,
    Vous écrivez à propos de Sansal : « Considéré à juste titre comme le plus grand écrivain algérien vivant… ». Mais qui a décidé de cela ? Vous-même ? C’est juste n’importe quoi et ça discrédite tamurt.info. Il y a au moins deux écrivains algériens VIVANTS, que je n’apprécie pas, personnellement, sur de nombreux plans (politique, éthique…), mais qui sont incontestablement, il faut le leur reconnaître, tout simplement loin… loin devant Sansal sur le plan littéraire (c’est ce qu’on demande à un écrivain, non ?), à savoir : Rachid Boudjedra et Yasmina Khadra.
    Quant à « Valeurs actuelles », c’est juste un torchon d’extrême droite français. Enfin, il est où le courage de bavarder en France sur la situation en Algérie ? Les gens courageux sont sur place, et il faut le dire haut et fort, pas à l’étranger. Cela n’empêche pas d’essayer d’être utile loin de sa terre natale, mais ce n’est pas du courage, c’est même très confortable par rapport à ceux qui résistent en Algérie. Il faut garder mesure dans ses jugements.

  3. N’importe quoi? Vous êtes peut-être sur place, mais en matière de soulèvement en dehors des kabyles, vous en faites rien mais à part de jeter l’opprobre sur les rares personnalités qui osent s’exprimer et dire la vérité. Monsieur Sansal a parfaitement raison, il faut être inconscient ou stupide pour ne pas voir la cicatrice béante creusée par vôtre régime arabo-baathe depuis leur arrivée au pouvoir, personnellement je dirais que le volcan qui gronde sous vos derrières depuis 14 siècles.

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