Yennayer fête nationale : Tamazight dans le cadre arabo-islamique

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Yennayer

TAMAZGHA (Tamurt) – Acculé, notamment avec la montée en force des indépendantistes kabyles, le pouvoir algérien a été dans l’obligation de faire des concessions en décrétant dernièrement la journée de l’an berbère, Yennayer, comme journée de fête nationale officielle, chômée et payée. Alors que jusqu’à un passé très récent, la majorité des imams des mosquées algériennes étaient chargées par le même pouvoir « d’informer » les fidèles « que célébrer Yennayer était un péché », on assiste actuellement à un revirement de situation à 180 degrés.

Pourquoi donc le pouvoir algérien a-t-il changé de fusil d’épaule ? Il est tout à fait clair que la mesure de décréter Yennayer, jour de l’an berbère, comme une journée chômée et payée est loin d’être l’expression d’une conviction profonde du président de la République algérienne ou des autres décideurs. La première chose qu’avait déclaré Bouteflika après son intronisation comme président de la République en 1999,  à la salle Said-Tazrout de Tizi-Ouzou, en présence de quelques faux symboles de la Kabylie, était « sa promesse » que « Tamazight ne sera jamais, jamais, jamais langue officielle ».

Tout le monde s’en souvient, même les amnésiques. Mais la tournure prise par les événements, avec notamment l’émergence du courant indépendantiste en Kabylie, a donné le tournis au pouvoir et a acculé l’ensemble des décideurs. Ces derniers se sont trouvés dans l’obligation d’enchainer les décisions en faveur de la reconnaissance officielle de Tamazight comme langue nationale d’abord, en 2001, après l’assassinat de 126 jeunes kabyles par des éléments de la gendarmerie nationale, puis, en 2016, Tamazight et décrétée langue officielle, après la langue arabe, qui est langue officielle et surtout la seule langue « d’Etat ». La reconnaissance de Tamazight,  de  manière sournoise, comme langue officielle est le résultat aussi de la peur du pouvoir algérien devant le terrain que ne cesse de gagner la mouvance indépendantiste.

Tout le monde l’aura également compris. Mais ce que ne dit pas le pouvoir algérien, à travers cette série de mesures en faveur de Tamazight, c’est que tout est fait et se fera en réduisant la langue et culture amazighe à un sous-chapitre de l’idiologie arabo-islamique qui est l’essence du pouvoir et de l’Etat Algérien. Faire de Tamazight « un patrimoine » et un segment mineur de la grande maison arabo-islamique.

La preuve, c’est que les deux responsables des institutions chargées de cette mission, à savoir le HCA (Haut-commissariat à l’Amazighité) et le CNPLET (Centre national  pédagogique et linguistique pour l’enseignement de Tamazight) s’expriment tous les deux  en langue arabe, quel que soit l’occasion : conférences de presse, discours publics, etc… Il y a également le fait que les génériques de la chaine de Télévision amazighe, la TV 4, sont transcrits en langue arabe. Et les programmes, même quand il sont d’expression kabyle, ont trait à la civilisation arabe ou musulmane.

On y parle plus de l’émir Abdelkader et d’Ibn Badis que de Mouloud Feraoun et de Taos Amrouche, de Malek Ouary, Matoub Lounès, de Jean Amrouche, Fadhma Ath Mansour, Mohamed Arkoun ou encore d’Apulée, de Saint Augustin, Jugurtha, Massinissa…

Tahar Khellaf

4 Commentaires

  1. Une contradiction profonde. L’arabe langue d’Etat? Non merci, on est ni l’Egypte, ni sommes disponibles à tel compromis sur les fondements identitaires, mr bouteflika and C

    • Merci monsieur Ould Slimane. de reconnaitre le bon côté de « monsieur » Ouyahia (le fils de mon village n’est-ce pas) qui c’est beaucoup impliqué. c’est bien d’etre reconnaissant, c’est pas Idir ou Manguellet qui te donnera tort

  2. En ce 12 janvier 2018, j’ai regardé la TV4 car maman la regarde et qu’elle se satisfait des rares instants où elle comprend, dans la forme, ce qui se dit.
    Je suis sidéré par ce que nous présentent nos décideurs.
    D’abord, on le sait tous, cette petite concession de la part du pouvoir n’est nullement de la fraternité ou de bon sens, mais une réponse à la peur de ce pouvoir, unique bientôt centenaire, qu’ont engendrée les événements survenus dans certains pays « arabes » comme la Tunisie ou la Libye.
    Je cite ces deux pays car, c’est précisément ces deux noms qui sont évoqués par un présentateur kabyle de Yennayer 2018 : « nous avons le plaisir de recevoir quelques visiteurs de la Tunisie et de la Libye pour célébrer Yennyer ici en Algérie. »
    Est-ce une façon de dire aux Algériens, notamment aux Kabyles : « vous voyez, les Tunisiens et les Libyens voient de leurs propres yeux que les droits de chaque algérien sont respectés dans notre pays. Vous n’avez aucune raison de dire hemma, de protester, de vous soulever ! »
    La supercherie va loin. On nous passe quelques images de Lounès Matoub sur un fond de slavits ayavehri. Un Sacrilège !
    Xemel iy fassen, ur theganedh ara, alama yeghli
    Tindhas en meskin, edh lahlak it yebwin, mi gemmuth ighadhiyi.
    Ce sont là les paroles de Ait Menguellet qui ont vibré dans ma tête à ce moment-là.
    [remonte tes manches, ne le lâche point, jusqu’à ce qu’il s’écroule. Tu leur diras alors : « le pauvre, il était souffrant, sa mort me cause vraiment de la peine »]
    Je constate que cette TV4, c’est une porte de ma maison ouverte pour que l’idéologie du pouvoir s’invite à notre table et s’y installe en chairman, à nos dépens.
    Aah athin xedhmagh !
    Bonne année à tous.

    akinievhar@hotmail.fr

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