Du 11/09 aux révolutions arabes: les Etats-Unis et l’allié islamiste

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Ancien chef du service international de RFI, spécialiste des questions de défense et expert du monde arabo-musulman, Richard Labévière, s’est fait connaître d’un large public après les attentas du 11 septembre avec un livre aux accents prémonitoires. Dans Les dollars de la terreur, dès 1999, soit deux ans avant la chute des tours, l’auteur estime que « la CIA avait objectivement créé les conditions d’un Ben Laden gate à venir».

Nul complotisme ici, une enquête référence aux allures de polar géopolitique -ou roman d’anticipation, comme on voudra- dans lequel l’auteur passait méthodiquement en revue les circuits de l’argent du terrorisme. Le livre s’attardait sur 50 ans de soutien inconditionnel des américains au royaume saoudien, premier bailleur de fonds du terrorisme islamiste.

Dix ans plus tard, Labévière revient sur les lieux du crime : « Cet anniversaire a pour moi comme un goût de rappel à l’ordre : Oussama Ben Laden a encombré vingt ans de ma vie professionnelle : dix ans avant le 11 septembre, dix ans après. Je dis « encombré » parce que le temps passé à démêler les « dollars de la terreur » aurait certainement été mieux employé à investir d’autres champs moins morbides du monde arabo musulman » écrit-il en prologue de son dernier ouvrage Vérités et mythologies du 11 septembre.

Ben Laden, un sociopathe ordinaire devenu ennemi public numéro 1

Libre de toute contrainte commémorative, Richard Labévière ne se contente pas de refaire l’enquête mais surtout d’analyser et déconstruire les 11 mythologies nées du 11 septembre. « Le pacte du Quincy » en est l’élément fondateur, véritable préhistoire des attentats du 11 septembre. Obnubilés, au sortir de la seconde guerre mondiale, par la question pétrolière, les américains signent un accord pétrole contre protection et stabilité. La plus grande démocratie libérale du monde s’allie à une monarchie de droit divin. C’est l’erreur fondamentale, un égarement historique dont Oussama Ben Laden sera le résultat. Quinze des dix-neuf terroristes impliqués dans les attentats du 11/09 seront saoudiens.

Avant d’être l’ennemi public numéro 1, sans être un agent de la CIA, Ben Laden en fut un pur produit. Engagé avec la résistance afghane contre les Russes, ses intérêts sont communs de ceux des américains. A cet effet, les services saoudiens et la CIA participent au financement et à l’approvisionnement militaire de Ben Laden et des Talibans. Le 12 juillet 2001, malade du rein, hospitalisé à Dubaï, Oussama Ben laden est même visité par Larry Mitchell, un agent de la CIA. Une révélation que la CIA qualifiera « d’absurdité totale ». Depuis lors, selon l’auteur, plusieurs officiels américains ont reconnu officieusement cette rencontre, présentée comme une « tentative de négociation », au moment où les Etats-Unis se seraient rendus compte trop tardivement qu’ils avaient contribué à faire d’un « sociopathe ordinaire » le « plus grand terroriste » du 21è siècle.

Erigé en « ennemi public numéro 1 », Ben Laden servira de justification au déclenchement de toutes les guerres nécessaires à sa traque. Même chose pour Al Qaïda, label terroriste high-tech, « CNNisé » selon l’expression de l’auteur, « heureusement là pour donner son sens à tous les désordres du monde ». AQMI, AQPA, GSPC partout fleurissent des mouvements terroristes qui s’autoproclament, avec l’adoubement de médias jamais repus, filiales d’Al-Qaïda centrale.

Les révolutions arabes et après ?

Outre le poids du passé et le rôle de l’Arabie saoudite, le livre s’attarde également sur « Le syndrome de Pearl Harbor », « La vraie personnalité de Ben Laden », « Les dollars de la terreur », « La vérité sur AI-Qaïda », « La guerre globale contre la terreur », « Le soi-disant choc des civilisations », « La mort à géométrie variable », « Les menaces de demain » et « Leurs conséquences en France ».

En guise de conclusion, c’est sur les « révolutions » que se penche l’auteur, qui avoue son scepticisme, constatant que l’orientation du « pacte de Quincy » continue à dicter la logique des pouvoirs aux Proche et Moyen-Orient : « Comme la révolution de mai 1968 a pu tourner à la contre révolution néo-libérale et globale, les « révolutions » arabes pourraient, tout aussi bien, générer des contre-révolutions post-mondialisation se caractérisant par une purification ethnico-religieuse et hyper libéralisme généralisés ».

Un scénario idéal pour des Etats-Unis, toujours soucieux, de préserver leurs intérêts pétroliers et la stabilité à long terme de la région, quitte, comme le recommandent les think-tanks américains les plus influents à faire affaire avec les Frères musulmans. Les mêmes très inspirés cercles de réflexion [(la Rand Corporation->http://www.rand.org/] notamment, proche de la CIA, dont le chercheur français [Laurent Murawiec->http://secretdefense.blogs.liberation.fr/defense/2009/10/laurent-murawiec-est-mort.html] sera écarté car il osait qualifier l’Arabie Saoudite « d’épicentre du terrorisme »), qui dans les années 80-90, recommandaient au pouvoir américain de renforcer son alliance stratégique avec l’Arabie Saoudite et ce qui allait quelques années plus tard devenir Al-Qaïda. Retour vers le futur ?

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– [Yémen-Bahreïn : l’Arabie Saoudite fait la loi, l’Oncle Sam laisse faire->http://www.marianne2.fr/Yemen-Bahrein-l-Arabie-Saoudite-fait-la-loi-l-Oncle-Sam-laisse-faire_a210613.html]
– [Washington demande au Pakistan de tenir ses réseaux talibans->http://www.marianne2.fr/Washington-demande-au-Pakistan-de-tenir-ses-reseaux-talibans_a210566.html]
– [«Peu avant le 11 septembre, on nous disait, le terrorisme c’est fini!»->http://www.marianne2.fr/Peu-avant-le-11-septembre-on-nous-disait-le-terrorisme-c-est-fini_a210116.html]

Marianne | Mercredi 5 Octobre 2011 à 05:01

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