Matoub Lounès : Le Cardinal de la Chanson Berbère

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Matoub Lounès
Matoub Lounès

Grand admirateur du père spirituel de la chanson berbère, le grand
Slimane Azem, Matoub Lounes est devenu une icône de la jeunesse kabyle et un grand symbole à l’instar des : Feraoun, Mammeri, Djaout, Azem, Lhasnaoui, Kateb, Jean Amrouche et tant d’autres encore. Il est
simplement considéré comme un Che Guevara ou un Martin Luther King. Armé du vers, son unique arme, il disait tout haut ce que d’autres
pensait tout bas.


Ce chantre de l’amazighité, le maquisard de la chanson revendicatif et
contestataire comme disait Kateb Yacine, était un homme de principe et
d’action, l’anticonformiste qui défrayait la chronique, qui n’a
jamais plié devant rien. Il était et demeurait l’éternel insoumis et
rebelle.

Mitraillé de sang froid, par les gendarmes, en octobre 1988, il fut
atteint de plusieurs balles qui lui ont traversé le corps, blessé
grièvement, il subira 17 interventions chirurgicales.
Ensuite enlevé et séquestré par un  » groupe armé  » pendant 15 jours en
1994. Il ne fut libéré que sous la pression de la population kabyle.
Celui qui était une figure charismatique et rassembleuse, était conscient
des menaces qui pesaient sur sa personne. La mort le guettait à tout
moment, c’est lui qui disait un jour :

« Je suis un mort en sursis ; je suis conscient du danger permanent qui
pèse sur moi de la part de groupes armés et des terroristes islamistes,
du pouvoir sans compter tous ceux que je dérange et me détestent. Je sais
que je vais tomber entre leurs mains, il est probable qu’ils m’auront
un jour ou l’autre. Cependant, quoi qu’il arrive, l’Algérie est ma partie, je préfère mourir parmi les miens et si on m’assassine, qu’on me couvre du drapeau national et que les démocrates m’enterrent dans mon village. Ce jour-là, j’entrerai définitivement dans l’éternité. »Matoub a abreuvé son public de vers vindicatifs, porte-voix et défenseur acharné de la cause berbère ce qu’il lui vaut une estime populaire et acquiert une dimension nationale et internationale.
Matoub Lounès disait :  » Si je peux choisir, je choisirai de mourir pour
mes idées, en effet, mieux vaut mourir pour la liberté, la démocratie,
et l’Algérie libre. »

Entre la famille qui recule et la famille qui avance, son choix a été
vite fait en s’investissant dont celle qui avance comme son grand ami le
célèbre écrivain et poète Tahar Djaout ,premier journaliste et
intellectuel algérien assassiné à Alger, le 26 mai 1993 à l’âge de
39 ans.

Matoub était l’artisan du mot choisi, du verbe ciselé, celui qui
joignait le geste à la parole, bien sûr, les poètes sont ceux qui
inventent, disent et font.
Il a bercé des millions de gens avec sa voix rauque, celle des humbles,
celle que nous continuerons d’entendre longtemps et à jamais. Il a payé
de sa vie en bravant la mort, les monstres et le pouvoir, il demeurera pour
nous tous ce symbole de la résistance, la lutte et la défense de toutes
les causes justes.

Cet homme invincible qui demeure l’emblème du courage et du sacrifice
était une cible facile pour ses assassins.
Il disait dans une chanson en hommage au grand Tahar Djaout :  » même
s’ils ont effacé des étoiles, jamais le ciel n’en sera dépourvu. »
L’héritier du père spirituel de la chanson berbère, Slimane Azem,
était une légende vivante, populaire, une personne mythique, qui
jouissait d’une grande popularité alors qu’il était interdit
d’antenne et sur les ondes des médias algériens. Cet enfant prodige de
Kabylie était un républicain né et démocrate dans l’âme.
Telle une étoile qui brille au milieu d’un amas et qui illumine le foyer
des artisans des vers à l’instar du grand Slimane Azem, Youcef Oukaci,
Si Mohand ou Mohand, Lounis Ait Menguellet, Jean Amrouche et tant
d’autres encore que l’on ne peut pas tous les citer tant la liste est
longue.

Son engagement dans la chanson débute en 1978, lors de sa première K
7’’ Yal Lferh-iw’’.
Par la suite, une pléiade de cassettes tout les ans, des fois en deux
volumes tant sa production était prolifique et ce jusqu’à sa mort.
Matoub a tout chanté, la misère, la faim, l’injustice, l’amitié, la
fraternité pour tout les Algériens.
N’est-ce pas Matoub qui disait dans une chanson :
 » A mes frères ! à l’Algérie entière !
Des montagnes du DjurDjura jusqu’au fin fond du désert, montrons notre
courroux.

Montrons que nous nous aimons, mais sans porter atteinte aux consciences.
Mais porter un coup fatal, décisif, à ces soi-disant opposants ;
A ces fainéants de la nation qui se pavanent dans les salons de
l’Occident Et qui nous embourbent de boue de désillusion.
Et à ces gens sans entente qui sèment le trouble et la honte sur cette
terre prospère,

Très chère, où beaucoup de mères ont souffert.

Qu’ils se taisent !

Qu’ils se taisent !

Mais qu’ils se taisent ! « 

Le poète en est le porte-drapeau, n’est-ce pas ? Un éveilleur de

conscience bien sûr. En se souvient que la poésie a enflammée toute la

Kabylie lors de l’interdiction de la conférence de Mouloud Mammeri sur
la poésie berbère ancienne qui a même déclenchée quasiment une
révolution.

En effet, c’est ce qui a donné naissance au  » Printemps berbère  » dont
Lounès était un des artisans et une cheville ouvrière de ce mouvement,
tant par ces actions que par ses animations de plusieurs galas à
l’occasion de chaque commémoration de cet événement important qu’est
l’anniversaire de cette date 20 avril 1980.

C’est encore lui qui a toujours combattu pour le triomphe de son
identité et composa une chanson pour les détenus du printemps berbère
« Yehzen El Oued Aissi « , chanson devenue un hymne pour la jeunesse kabyle
assoiffée de liberté, attachée à sa langue, culture et démocratie.
Si aujourd’hui, je parle sur ce ton, c’est que Matoub Lounès, en toute
objectivité, était quelqu’un de bon, gentil et serviable, de grand
aussi, non seulement par la bonté et la grandeur de sa renommée mais par
ses innombrables talents.

Mouloud Mammeri avait été très touché par les paroles de Jean Amrouche
lorsqu’il lui dit notamment :  » Je conçois et raisonne en français,
mais je ne peux que pleurer en berbère. « 
En plus de tous ses hommages parvenus de par le monde, sache bien Lounés,
que nous avons tous pleuré dans toutes les langues et comme disait aussi
Pierre de Ronsard :

« Pour obsèques reçois mes larmes et mes pleurs,

Ce vase plein de lait, ce panier plein de fleurs,

Afin que vif et mort ton corps ne soit que roses « .

Un poète peut-il mourir ? Non, certes ! les gens de ta trempe ne meurent
jamais.

Comme disait Dda Lmulud à propos du célèbre poète Si Mohand u Mhand
: »il y a des gens qui sont vivants, on dirait qu’ils sont morts et ils y
a des gens qui sont morts et qui demeurent toujours vivants . »

 » Illa walbεd illa ulac-it, illa wayed ulac-it illa « , Keçç a Lwennas
ulac-ik, tellid. « 

En dépit des difficultés qui se sont dressées dans ton chemin, je suis
sûr et certain que ton combat aboutira et les choses retrouveront leurs
véritables places.

Ces poèmes que j’ai composé pour toi Lounès, sont un hommage d’un
poète à un autre poète.

Yahia Yanes (*)

(*) L’auteur publiera plusieurs recueils de poèmes notamment des poèmes
pour Matoub Lounès.

* Lwennas Matub.


Yal zzman yesεa irgazen
Di ccan n umezruy rnan
Zerεen si yal d asirem
Γas akken γef wakal yerγan
Si zik illan yimcumen
Si zik illan wid yelhan
Tagrawla tbedd gar-asen
S at Ṛebbi lxiṛ yettwaḍman.(1)

* * * * * * * * * * * * *
Ssu-yas sbuḥru-yas
A mlaεyun
Iεebba anezgum aṭas
Siwa win t-isrun.

* * * * * * * * * * * * *
Tawrirt a t-in γer yuzzel
Bu cceṛ mi akken t-yegguni
Deg yirebbi-m mi akken yeẓẓel
Ḥeznen lemluk deg yigenni
Ḥeznen lemluk deg yigenni
Amek ur ḥeznen d lbaṭel
S kra n win illan d aḥeqqi
Twejd-as temḍelt inṭel.

* * * * * * * * * * * * *
Ğeṛğeṛ a win si issawel
Bu txida-s deg-k i t-yuṛğa
Deg yirebbi-k mi akken yeẓẓel
Imeγban ḥeznen meṛṛa
Imeγban ḥeznen meṛṛa
Amek ur ḥeznen d lmuḥal
S kra n win irfeden tirugza
Deggren-t sanda ur d-ittuγal.

* * * * * * * * * * * * *
Lezzayer a tin i ḥemmel
Aεdaw-im deg-m it-yeγdeṛ
Deg yirebbi-m mi akken yeẓẓel
Ḥeznen leḍyur d laεwanseṛ
Ḥeznen leḍyur d laεwanseṛ
Amek ur ḥeznen a tamurt
S kra n win i kem-ibnan yenṭer
Mi nγan argaz n tefsut.

* * * * * * * * * * * * *
Uqbel a k-yeddem wakal
Ddmeγ awal-ik inu
Cegεeγ itbir iḍal
Leḥlu ma yeqqel d asennan
Cceṛ iγleb-it lxiṛ
Yensa urgaz idder ufennan
Lebda a t-id-nettfekkiṛ
Lwennas ẓẓel di ṛṛeḥma
D abrid n yizerfan akk i netbeε. (2)

Yahia Yanes

(1) Ce poème est déjà publié avec mon introduction dans la revue Tiziri
n° 44 de l’association culturelle n’Imazighen de Belgique.

Sous le titre d’un ouvrage en préparation au grand poète et chanteur
Matoub Lounes ‘’ Le Cardinal de la Chanson Berbère.’’ (Tome 1)

(2) Vous trouverez ce poème dans mon ouvrage : ‘’ Tijmilin ‘’
(Hommages) (Recueils de poèmes Kabyles de l’auteur.

2 Commentaires

  1. Azul IMAZIGHEN,
    ARGEZ Mas Matoub Lounes serra toujours dans nos cœurs.
    Vivement la création de notre État Amazigh de Kabylie.
    Cher site tamurt.info, j’ai remarqué à plusieurs reprises des erreurs graves dans vos textes mais malgré cela vous n’en faite cas votre tête au lieu de valider des textes à la va-vite, vous devriez les examiner mieux que cela « comme vous faites avec nos messages ».
    certains mots que vous employez souvent n’ont pas leur place sur se site et devrait être remplacé.
    oued = Asif
    berbère = Amazigh « comme disait Mas M.Mammeri, le mot berbère a été crée par le colon français pour nous rapprocher du mot barbare »…
    En espérant que vous ne bloqueriez pas mon texte, comme souvent.
    Nous sommes Amazigh de Kabylie, donc respecter nous.

  2. azul

    Je prefere plutot le cardinal de la chanson kabyle. je ne veux pas voir matoub lounes dissout dans la berberité qui est une notion un peu tres flou et generaliste. matoub est un kabyle qui a defendu sa kabylité et la defend encore aujourdhui.

    rendons a cesar ce qui appartient a cesar et rendons matoub à notre kabylie et au peuple kabyle et à la nation kabyle. (remarque à present je ne vois pas la nation berbere contrairemant à la nation kabyle qui existe reellement et que certains veulent effacer,d’ailleurs il ya meme de kabyle berberiste qui travaille dans ce sens d’effacement de la nation kabyle) . VIVE LA KABYLIE.

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