Entretien avec M. KHACER Med Ouramdane – « La revendication de l’autonomie est une suite logique à toutes les revendications d’officialisation de la langue amazighe » (2ème partie)

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Ouramdane Khacer
Ouramdane Khacer

Plusieurs militants de la cause berbère ne sont plus de ce monde. La relève est-elle vraiment assurée ?

L’Académie berbère avait été durant une dizaine d’années le foyer de toute une génération de militants amazighs mobilisés pour la défense et la réhabilitation de la langue et de l’identité amazighes dans les pays de l’Amazighie. Le premier travail de vulgarisation de l’histoire, de sensibilisation et de conscientisation des populations par la diffusion de l’alphabet Tifinnegh a été principalement l’oeuvre de cette Académie « Agraw Imazighen » de Paris, de l’Académie Berbère de Roubaix fondée par moi-même en 1971 ainsi que de l’Union du Peuple Amazigh (UPA) fondée en 1974 par le grand militant, regretté et ami Amar Neggadi.

Aujourd’hui, nous pouvons dire que cette Académie avec les autres organisations ont rempli leur mission avec succès. C’était le pot de terre contre le pot de fer. Face aux menaces et aux pressions incessantes, les premiers militants ont accompli avec courage et dignité la tâche de sensibilisation et de réhabilitation de l’identité, de la langue amazighes et de l’alphabet Tifinagh. Ce travail militant a engendré le printemps berbère de 1980 qui demeure l’un des événements majeurs de l’Algérie indépendante.

Grâce à ce travail désintéressé de sensibilisation et de conscientisation, les Amazighs se sont forgés aujourd’hui une mémoire et une identité commune qui s’étend de l’Egypte aux Iles Canaries, du nord de l’Algérie au sud du Niger.

L’espoir est permis. Création du HCA en 1994 en Algérie et de l’IRCAM en 2002 au Maroc. Suite aux grandes manifestations de Rabat, Marrakech et Agadir le 20 février dernier, le jeune roi Mohamed VI vient de déclarer le changement de la Constitution avec la prise en charge officielle de l’amazighité.

La relève est assurée. Dans tous les pays d’Amazighie, des étudiants, des jeunes et moins jeunes continuent le combat sous des formes variées avec de nouvelles stratégies. Des mouvements naissent un peu partout. De multitudes d’associations se sont créées à l’intérieur du pays, en Europe, en Amérique, et un peu partout dans le monde. Toutes les instances internationales sont investies par de nombreux militants amazighs organisés en ONG et internationalisent le combat identitaire.

Je laisse la parole au guide et au sage Mouloud MAMMERI :

« Quels que soient les obstacles que l’histoire lui apportera, c’est dans le sens de sa libération que mon peuple, et à travers lui les autres, ira. L’ignorance, les préjugés, l’inculture peuvent un instant entraver ce libre mouvement mais il est sûr que le jour inévitablement viendra où l’on distinguera la vérité de ses faux-semblants. Tout le reste est littérature ».

Je profite de cette occasion pour avoir une pensée et rendre hommage à tous les compagnons du combat identitaire, je nomme Med Saïd Hanouz, Amar Naroun, Mouloud Mammeri, Ali Sayad, Slimane Azem, Haroun Mohamed, Smaïl Medjber, Amar Neggadi, Hend et Ramdane Sadi, Ben Mohamed, Abdelmadjid Bali, Hessas Abdelkader, Med Ouyahia, Hassan Hirèche, Bessaoud Med Arab, Mouloud Kaneb, Med Saïd Hamiche, Mustapha Aouchiche, Mustapha Bounab, Berkouk ahmed, Salem Ould Slimane, Djekouane Belkacem, Bairi Hend, Chebli Mohamed, Mohand Oussaïd, Makhlouf Rachid, Ali Fatah, Smahi Djilali ainsi qu’à tous les artisans de l’amazighitude.

Contrairement au Maroc, en Algérie, le combat identitaire est presque mis en veilleuse ces dernières années. Quelles sont les raisons de cette situation à votre avis ?

Le Mouvement amazigh est l’expression d’une revendication identitaire, culturelle et linguistique, qui, au nom de la démocratie, revendique une prise en charge du patrimoine commun et présente une vision globale d’une Algérie moderne, libre, démocratique, tolérante, ouverte sur le monde. De ce fait, l’ensemble des revendications s’inscrit dans le combat pour la Démocratie et le respect des droits de l’homme. La revendication culturelle amazighe demeure indissociable du combat pour cette Algérie libre démocratique.

Au Maroc le mouvement culturel amazigh est porté par de nombreux intellectuels qui réclament tous l’officialité de la langue amazighe. Il existe au Maroc une stratégie de négociation et toutes les régions du Maroc sont représentées dans le mouvement culturel amazigh. Les amazighophones au Maroc représentent près de 70% de la population.

Bien que les amazighophones représentent de 40 à 50% de la population, portée par une seule région, la revendication culturelle en Algérie depuis l’indépendance se solde à chaque période par des confrontations avec le pouvoir. Ces confrontations ont endeuillé plusieurs familles par le sacrifice de plusieurs Martyrs. Aujourd’hui, l’Algérie reconnait l’amazigh comme langue nationale dans la constitution en faisant payer un lourd tribut à son peuple et à sa jeunesse.

N’oublions pas que les grandes manifestations initiées par le mouvement des citoyens ont laissé plusieurs familles en deuil avec un terrible bilan de 132 Martyrs et plus de 5000 blessés. Combien de Martyrs faudrait-il encore de sacrifices pour faire aboutir les revendications légitimes de tout un peuple ?

S’il est certain que le statut de langue nationale confère à une langue un certain renom, c’est le statut de langue officielle qui lui donne des droits véritables. Son utilisation dans l’administration, à l’école, dans les médias… Il est urgent de satisfaire la reconnaissance officielle de l’amazigh et de lui attribuer des moyens juridiques et institutionnels indispensables à son réel développement.

Pensez-vous que la langue Tamazight sera officiellement reconnue en Libye après la chute du régime de Kadhafi?

Bien entendu, de nombreux militants Libyens sont passés par l’Académie Berbère. Les Libyens mènent depuis longtemps un combat pacifique pour la réappropriation de l’identité amazighe et la co officialité de la langue qui en découle. Cette co officialité de la langue amazighe est un droit historique inaliénable. Dans une Libye libre est démocratique que j’appelle de mes voeux, la question ne doit même pas se poser.

Permettez pour conclure de citer notre guide, ce visionnaire en lui rendant un énième hommage. Je veux évoquer Dda LMULOUD / Les événements d’aujourd’hui lui donnent raison.

« Quand trop de sécheresse brûle les coeurs,
Quand la faim tord trop d’entrailles
Quand on rentre trop de larmes,
Quand on bâillonne trop de rêves,
C’est comme quand on ajoute bois sur bois sur le bucher
A la fin, il suffit du bout de bois d’un esclave
Pour faire dans le ciel de dieu et dans le coeur des hommes
Le plus énorme incendie »

Ceux, qui comme moi militent depuis fort longtemps pour que soit reconnue la langue amazighe comme langue officielle à côté de la langue arabe, connaissent l’oeuvre gigantesque de Dda LMULUD.
Il a été et demeurera notre guide. Il a donné à la littérature algérienne ses lettres de noblesse. Sa grammaire berbère éditée en 1976 restera le fondement essentiel de notre langue. Sa sortie a permis son développement et a encouragé de nombreux jeunes à des créations d’oeuvres littéraires ouvrant la langue et la culture berbères à l’universalité. Dda LMULUD demeurera le symbole de l’éternité amazighe et celui de l’Homme Libre.
Son nom restera à jamais ancré dans la mémoire de son peuple et traversera les générations futures. Demain, je suis sûr que l’on dira la langue de Dda LMULUD pour la langue amazighe, comme on dit la langue de Molière pour le français, de Shakespeare pour l’anglais et de Goethe pour l’allemand.

En conclusion, nous pouvons dire que les Amazighs dans leur combat identitaire sont décidés à réhabiliter et à se réapproprier leur identité historique amazighe sur toute l’aire d’Amazighie, la terre de leurs ancêtres. Cette revendication pacifique s’inscrit dans une légitimité historique et un droit naturel inaliénable. Celle-ci passe par l’officialité de leur langue et la reconnaissance de leurs droits conformément à la déclaration des droits de l’Homme. Cette révolution pacifique est aussi leur façon de dire aux dirigeants de leurs pays qu’ils ne se laisseront plus marginaliser, qu’aucune conception de l’avenir ne peut se faire sans eux et sans la connaissance et la fierté de l’histoire et de la civilisation amazighes. Ils les invitent à abandonner l’idéologie arabo islamo baâthiste obscurantiste et meurtrière qui entrave la construction de l’Union Amazighienne démocratique qu’ils appellent de leurs voeux. Ils exigent de ces gouvernants des Etats démocratiques respectueux des droits de l’homme. C’est ainsi qu’ils pourront s’inscrire dans la course universelle de l’intelligence humaine. C’est une exigence, une chance et une échéance pour l’avenir des pays de l’Amazighie*- Afrique du Nord.

DEFINITION PAR MED OURAMDANE KHACER

Amazighie* = Maghreb, Afrique du Nord (Territoire avec les Iles Canaries)
Amazighien*= Maghrébin, Nord Africain (Amazighophone, Arabophone, Canarien)
Amazighitude* = Amazighité
Tifinnegh* = Tifinagh (Signifie notre trouvaille)

9 Commentaires

  1. Merci de nous expliquer POURQUOI Dda Ferhat a quite’ les mouvements brobro . . . reveurs, pacifiques, genials, intellectuels, etc. etc. etc. Il a du faire face a la demande de MACHER SES MOTS. dda Ferhat que vous oubliez dans votre nomenclatura, mais biensur que non NE MACHE PAS SES MOTS…. ah le vilain – que je ne respecte pas autant que ca… mais aime… Car les histoires comme les notres ne demandent pas de tete, elles requirent du coeur, et celui de dda Ferhat ne bat que pour les siens… ca s’enttend dans sa voix, ca se lit dans ses yeux, ca se ressent dans son engagement…

    A tout ce que vous ecrivez je rajouterai qu’il aurait tout de meme fallu UN PEU DE LIBERTE’ VOLE’E non? Essayez la LIBERTE’ PRISE, c’est plus delicieux – Bienvenu au MAK !

    Je vous remercie aussi d’avoir bien choisi des paroles de Dda Lmulud . . . En effet, tout cela c’est de la literature… Relisez-vous mes freres, relisez-vous !

    C’est l’heure de la priere ou pas encore ?

    “{{ {Combien de Martyrs faudrait-il encore de sacrifices pour faire aboutir les revendications légitimes de tout un peuple ?”

    { {{“Ceux, qui comme moi militent depuis fort longtemps pour que soit reconnue la langue amazighe comme langue officielle à côté de la langue arabe, connaissent l’œuvre gigantesque de Dda LMULUD.”}} }

    “sans la connaissance et la fierté de l’histoire et de la civilisation amazighes. Ils les invitent à abandonner l’idéologie arabo islamo baâthiste obscurantiste et meurtrière qui entrave la construction de l’Union Amazighienne démocratique qu’ils appellent de leurs voeux.} }}”

    Ne me censurez pas pas SVP, ne font mal que les mots jamais dits.

  2. Une derniere remarque – Je vous conseille une co-officialisation avec le chinois, ils sonne t copains avec les nains de tout bord. Une reunion a Tropili et une assemble a audjda, aideraient le tifinagh.

    Il ne reste qu’une chose viable, casser du vert qui vous casse, avant qu’ils vous finisse.

  3. Dans sa liste de ceux qui ont participé au combat identitaire, le conférencier a « oublié » Matoub et Ferhat !!!
    Les Kabyles au jour d’aujourd’hui sont ils encore à l’âge de « pierre » c’est à dire à la revendication de l’officialisation de la langue amazighe ou bien veulent-ils prendre enfin en main leur destinée ?

    Quelle sera la signification de langie officielle pour Tamazihgt sous un régime arabo-islamiste ?

    Demain, très proche, l’algérie comme tout le monde s’y attend sera gouvernée par des islamistes avec la chariaa pour constitution, est-il raisaonnable de détourner les Kabyles de la seule, vraiement la seule, issue pour leur salut, c’est à dire leur libération du joug d’alger ?

    Il est toujours bien d’honorer les premiers militants de l’amazighité, mais il faut trouver des solutions actuelles aux problèmes de l’heure, les anciennes recettes ne sont plus adaptées.

  4. Azul

    La démocratie est une question de bien être légitime, de droit; l’identité (et ses constituants) est une question de survie. Militer pour l’une n’exclue pas que cela se faire dans un cadre qui inclut l’autre ou que cela puisse bénéficier à l’autre : la démocratie peut aider à l’épanouissement des identités (quoique, dans les systèmes centralisés…) et la reconnaissance des identités témoigne déjà de la maturité démocratique d’un pays. Mais, s’il s’agit de hiérarchiser les priorités, et on en est dans cette situation aujourd’hui, l’identité passe largement en premier.

  5. Pour l’amazighité, des femmes et des hommes ont versé leur sang, d’autres se sont exilés.
    Nous ne rendrons jamais assez hommage à tous ceux qui ont hypothéqué leurs vies
    en vue d’une hypothétique libération du joug de nos oppresseurs successifs.

    La construction de cet édifice que représente notre auto-détermination a nécessité des fondations solides. Celles ci sont désormais bien là, grâce à tous ces hommes et ces femmes, car il y a aussi des femmes.

    Comme nous sommes dans l’aire de la communication, la vulgarisation de notre culture, qui pour la plupart du temps est véhiculée par les associations, incite à la réflexion. Nécessite t-elle pas une charte (s’il faut passer par là) ou un cahier des charges pour éviter la folklorisation par la gestuelle et le couscous ?

  6. A Parisienneen charge de me censurer:

    Merci, je posterai mon commentaire dans un autre site – tout en le mettant en contexte biensur… Vous me prouvez tous les jours que vous n’etes la que parce que le systeme ne veut pas de vous, ou peut-etre juste en mission…
    En fin de compte ne cherchez qu’a vous isser entre ce regime et le peuple Kabyle. Pire que les KDS.

  7. Avant d’officialiser une langue ou quelconque graphie pour, il faudrait peut-etre s’officialiser soi-meme, non? – Oui, en effet comme a dit Dda Lmulud et d’autre avec lui, le reste n’est que literature… Mais surtout, il faut arreter les attaques aussi irrationnelles que debiles sur les Arabes – Les chewing gums d’afrique du nord ne sont pas Arabes et ne le seront JAMAIS – Les Arabes, contrairement aux chewin-gums d’Afrique ou de persie et bien dela, n’ont jamais jamais laisse’ tombe’ ni leur langue, ni la religion des leurs ou tout ce qui en decoule comme culture.

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